Articles Tagués ‘énergie dirigée’

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Nous avons déjà parlé à plusieurs reprises de l’essor des armes à énergie dirigée par exemple dans cet article ou dans celui-ci. Le domaine est effectivement en plein développement, mais jusqu’alors, les tests ont été principalement effectués soit en laboratoire, soit sur des plateformes navales ou terrestres immobiles.

C’est donc avec un intérêt certain que les observateurs ont accueilli la démonstration qui vient de se dérouler sur le site de White Sands Missile Range, au Nouveau-Mexique. Elle consistait à utiliser un hélicoptère Apache afin de tester l’utilisation d’une arme laser connectée à une adaptation du système MSTS de Raytheon (l’essai ayant mobilisé des équipes de Raytheon, de l’US SOCOM – Special Operations Command – et de l’US Army).

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Pour mémoire, le MSTS – pour Multi-Spectral Targeting System, ci-dessus –  est une boule optronique qui équipe les drones comme le Reaper. Il intègre à la fois des capteurs infrarouges, des capteurs CCDTV, un télémètre laser et un illuminateur laser, le tout étant stabilisé sur six axes. C’est un système utilisé pour faire du renseignement et de l’observation, mais également afin de réaliser de l’acquisition et de la désignation d’objectifs (traditionnellement, il est utilisé pour le guidage terminal des missiles Hellfire).

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En l’occurrence, il s’agissait avant tout de valider le principe d’une arme à énergie dirigée équipant un hélicoptère, et utilisant un système de ciblage multi-spectral afin d’atteindre sa cible. Il s’agit bien d’une expérimentation : le laser équipant l’hélicoptère n’était pas un laser opérationnel, et d’ailleurs ni l’US Army ni Raytheon n’ont pris la peine d’en décrire les caractéristiques. Mais l’idée était de tester la faisabilité du concept d’une arme à énergie dirigée équipant un aéronef à voilure tournante. Dans le cas de l’hélicoptère Apache, compte tenu des points d’emport, le principe consiste à équiper l’hélicoptère d’un HEL (High Energy Laser), et de 12 missiles Hellfire (sur les points restants). L’image ci-après présente le concept.

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Le test a permis de recueillir un grand nombre de données et, selon Raytheon, les résultats sont encourageants. Le film ci-après montre l’expérimentation, et l’on voit bien qu’il s’agit d’illuminer la cible et de maintenir la focalisation du laser.

L’expérimentation a permis de valider la faisabilité du concept, dans un grand nombre de configurations d’altitude, de vitesse et de régimes moteur. L’intérêt est de pouvoir trouver des stratégies afin de stabiliser le tir, et de tester les difficultés inhérentes à l’emploi d’un hélicoptère (vibrations, présence de poussière, souffle rabattant du rotor…). Reste encore à régler le problème de l’arme elle-même (et notamment de la puissance embarquée nécessaire à son opération, un paramètre qui conditionne l’efficacité de l’arme.

En revanche, les avantages sont clairs : une excellente précision, une trajectoire rectiligne (à la différence des trajectoires balistiques classiques), et une discrétion visuelle et sonore… ainsi qu’une réelle économie si l’on prend en compte le coût d’un missile Hellfire (110 000$/unité).

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En revanche, un laser peut être réfléchi, dévié ou absorbé (même si réfléchir un laser à haute énergie requiert des matériaux composites difficiles à concevoir et à produire), et plusieurs armées (dont en particulier l’armée chinoise) sont en train de développer des contre-mesures adaptées aux armes laser – en particulier le JD3 – ci-dessus –  qui, outre ses caractéristiques d’arme à énergie dirigée, est conçue pour attaquer et neutraliser les désignateurs lasers ennemis.

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D’ailleurs, l’armée chinoise est en train de réfléchir à des tests analogues, en montant ses lasers JD3 et ZM87 sur des hélicoptères de type Z-19E Black Whirlwind  (ci-dessus).  Un phénomène malheureusement prévisible : pas d’armement sans course aux armements…

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Ne vous fiez pas à l’image ci-dessus, il ne sera pas visible à l’œil nu. Mais Lockheed Martin a bel et bien développé un laser de combat miniaturisé, de 58kW, et s’apprête à le livrer à l’US Army. La course au déploiement d’armes à énergie dirigée sur le théâtre d’opérations va donc connaître une certaine accélération.

Nous en avions déjà parlé dans ce blog, mais un petit rappel ne me semble pas inutile. Les armements à énergie dirigée, dont les lasers HE (Haute Energie) tactiques sont dérivés, proviennent du besoin (en particulier du Pentagone) de disposer d’armes antimissiles, abondamment financées par différents programmes dans les dernières décennies. En particulier, l’Initiative de Défense Stratégique (IDS ou Starwars) lancée par Reagan en 1983, avait pour objectif de mettre à l’abri les USA d’une attaque nucléaire ennemie, via l’élaboration d’un vaste bouclier anti-missiles, utilisant notamment des lasers à haute puissance. L’IDS a été abandonnée en 1993, et les développements des armes laser se sont dès lors concentrés, en particulier aux USA mais pas uniquement, sur des objectifs tactiques, avec des lasers de puissance moyenne. Car les lasers qui émergent aujourd’hui sont les lasers à phase solide ou à fibre, avec un rayon d’action de l’ordre de 10 km maximum : Ce sont des lasers à vocation tactique.

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Ces développements arrivent aujourd’hui à maturité pour certains d’entre eux, avec des essais d’armements laser tactiques réussis qui ont eu lieu récemment. En particulier, nous avions mentionné dans ce blog la destruction de drones depuis l’USS Ponce en novembre 2014 (laser de 30 kW – Système opérationnel dans le Golfe Persique), mais on peut également citer des essais US réussis de destruction d’obus de mortiers, les essais Rheinmetall positifs d’interception de drones et de mortiers en novembre 2011 (Rheinmetall a d’ailleurs présenté un système lors du récent salon IDEX 2017), ou encore le système Boeing CWLS (low cost) anti-drones, ou le programme israélien de lasers anti-mortiers.

Rheinmetall air defence systems Oerlikon High Energy Laser Gun on display at the defence and security exhibition DSEI at ExCeL, Woolwich, London, England, UK.

Rappelons également que la létalité d’un laser dépend à la fois de la puissance générée et de la qualité de focalisation du faisceau. Le niveau examiné aujourd’hui est donc toujours principalement de la classe 10 à 100kW. L’idée est de pouvoir détruire des drones, des missiles, des navires autonomes ou en essaim (pirates ou attaque terroriste) et éventuellement d’assurer une défense contre les mortiers ou autres projectiles d’artillerie. Peu voire pas de projets ont été conçus pour attaquer des cibles terrestres, du fait de la difficulté de perforer un blindage avec un faisceau laser.

C’est là que l’annonce de Lockheed Martin prend tout son sens aujourd’hui. Car on parle bien d’un laser miniaturisé à fibre d’une puissance de 58 et bientôt 60kW. Le constructeur annonce avoir miniaturisé suffisamment l’engin pour qu’il puisse être embarqué à bord d’un véhicule blindé. Et c’est bien la première fois qu’une telle puissance est annoncée sur le théâtre d’opérations, à partir d’un engin mobile.

Pour assurer une focalisation optimale du faisceau, Lockheed Martin a développé une technologie permettant de combiner et de faire converger les faisceaux de plusieurs lasers à fibre d’une puissance de 10kW chacun. Le concept avait d’ailleurs été également développé dans le cadre du projet EXCALIBUR de la DARPA (ci-dessous).

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L’industriel annonce d’ailleurs que sa technologie est si précise qu’elle reviendrait à « toucher un ballon de volley au sommet de l’Empire State Building, à partir du pont de San Francisco » (comparaison curieuse mais bon). Pour assurer une telle précision, Lockheed Martin utilise une combinaison de systèmes de lentilles optiques, et d’algorithmique, afin d’ajuster la puissance du faisceau en corrigeant automatiquement les distorsions lors du trajet vers la cible.

Ce n’est pas la première fois que Lockheed fait la preuve de ses capacités dans le domaine : voir ci-dessous l’essai en 2015 du laser ATHENA, un laser plus volumineux et non mobile, d’une puissance de 30kw qui avait montré sa capacité à perforer le capot d’un engin situé à 1,5 km de distance.

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Le nouveau laser de Lockheed Martin est constitué de modules de fibres optiques « dopées » avec des terres rares légères et lourdes (erbium, ytterbium, neodyme). Plus la fibre est longue, plus le laser est efficace, et comme cette dernière est flexible, on peut enrouler ces fibres comme des cordages dans un facteur de forme compact. Autre avantage : par rapport à un laser classique en phase solide, ce type de laser nécessite 50% moins d’énergie.

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Un laser de cette classe est donc en théorie capable de neutraliser des drones, de petites embarcations, des cibles terrestres à 2km, ou des petits aéronefs ou missiles. Avec un avantage de taille : le coût d’un tir laser n’a rien à voir avec celui d’un missile. Le Général David Perkins avait ainsi récemment lancé une discussion sur l’utilisation par « un partenaire proche des Etats-Unis » ( !) d’un missile Patriot à 3M$ pour contrer un drone Quadcopter à 300$ avec une conclusion incontestable (je cite) : « d’un point de vue économique, je ne suis pas sûr que le ratio soit bon ». Pas faux, en effet.

Pour l’heure, cette nouvelle arme a donc pour fonction essentielle de neutraliser les menaces de types drones ou roquettes, et ce pour moins d’un dollar par tir (sans compter le coût d’acquisition du système).  Le nouveau laser sera bientôt livré au US Army Space and Missile Defense Command/Army Forces Strategic Command, situé à Huntsville, Alabama. L’ère du combat laser a donc bel et bien commencé.

 

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Bon, ce n’est pas pour tout de suite, mais puisqu’on peut faire de temps en temps de la prospective à plus de 30 ans, je m’attarde un instant sur cette invention digne des meilleurs films de science-fiction. Nous la devons à la société BAE, qui travaille sur un projet baptisé LDAL pour « Laser Developed Atmospheric Lens », ce qu’on pourrait traduire par lentille atmosphérique créée par focalisation laser.

Cette invention vise à ioniser l’atmosphère au moyen d’une impulsion laser afin de créer un « bouclier » permettant de protéger le sol contre les effets d’une arme laser à énergie dirigée, d’utiliser cette « lentille » pour de l’espionnage ou de la reconnaissance, ou encore de constituer un mirage optique pour leurrer l’adversaire. Délire d’un ingénieur fana de science-fiction ? Non, c’est sérieux.

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Le concept repose sur un effet physique dit Effet Kerr. Pour faire simple, voire simpliste pour les puristes, le laser à impulsion braqué sur l’atmosphère ionise l’air; à haute puissance, l’indice de réfraction de l’air dépend de l’intensité laser incidente (il y a même une formule, mais je ne veux pas dégoûter les lecteurs). Le profil d’intensité dans le faisceau laser n’étant pas uniforme, l’effet Kerr génère un profil d’indice de réfraction qui se comporte comme une lentille convergente ou « lentille de Kerr » dont la distance focale dépend de l’intensité.

On va faire simple : une fois ionisée, la portion de l’atmosphère concernée est transformée temporairement en une structure proche d’une lentille, permettant soit d’amplifier, soit de dévier le trajet des ondes électromagnétiques (ondes lumineuses, mais aussi ondes radio). Le phénomène est évidemment réversible. C’est un peu ce que l’on voit dans le cas d’un mirage, où l’air chaud qui monte réfracte la lumière et permet de dévier le trajet des rayons lumineux.

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L’idée de BAE, c’est d’utiliser ce phénomène afin de protéger les troupes au sol, les véhicules, navires ou même aéronefs d’une attaque par l’emploi d’une arme à énergie dirigée (laser à haute énergie par exemple). Ou de déclencher un laser à impulsion en haute altitude, et provoquer la création d’une lentille permettant d’observer les mouvements ennemis en amplifiant la lumière venant de la zone située en-dessous de la lentille. La vidéo ci-après présente le projet.

Et les concepteurs ne sont pas des doux rêveurs puisqu’ils travaillent avec le Science and Technology Facilities Council britannique, le laboratoire Rutherford Appleton et la société LumOptica.

Evidemment, ce n’est pas pour demain : un tel système, dans sa pleine capacité opérationnelle, est envisageable dans un délai d’une cinquantaine d’années. Mais nul doute que ce développement pourra être accéléré si les armes à énergie dirigée se démocratisent au point de devenir une menace réelle et prégnante. Ou si quelqu’un s’avise de construire l’Etoile Noire (ou blonde, sic), on ne sait jamais…

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Il y a de cela quelques mois, le sujet des survols de sites sensibles ou urbains par des drones non identifiés posait le problème de leur détection et de leur neutralisation (par brouillage ou tir) – des solutions seront d’ailleurs bientôt dévoilées par les industriels français. Boeing a pris les devants en dévoilant récemment une solution de canon laser « low cost », le CLWS pour Compact Laser Weapon System.

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L’idée est ainsi de disposer d’un système portable constitué d’un laser invisible à énergie dirigée (2kW) capable de perforer un drone aérien en moins de 15 secondes. Le système est compact (il est transportable dans un coffre de voiture), et ne nécessite deux techniciens pour l’installer et un opérateur pour le contrôler – il est opérationnel en quelques minutes une fois branché sur une simple prise de 220V.

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L’opérateur contrôle le système à l’aide… d’une manette de XBOX 360 (ce qui rend aisé le remplacement de matériel défectueux). Une fois la cible présente dans la zone de détection du radar intégré dans le CWLS (a priori un rayon de 40km), le système passe en mode automatique pour réaliser un suivi de cible. Le ciblage est suffisamment précis pour viser un point donné sur le drone (structure, aile, charge utile..) comme le montre la vidéo ci-dessous.

Boeing avait déjà dévoilé un démonstrateur de ce concept : le High Energy Laser Mobile Demonstrator (HEL MD) destiné à équiper des véhicules de l’US Army. Le laser CWLS est également capable, in fine, de fonctionner sur un porteur mobile, fournissant ainsi une solution intéressante pour la protection de sites étendus.

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Beaucoup ont réagi par mail à mon dernier article sur les menaces portées par les drones qui font aujourd’hui régulièrement les titres des journaux. La question la plus fréquente : quelles sont les possibilités offertes par la technologie pour repérer et neutraliser des drones dont, on le rappelle, beaucoup sont programmés par des waypoints GPS, et ne nécessitent pas la présence d’un pilote à proximité immédiate ?

La détection, tout d’abord : le système développé par la société britannique Plextek Consulting utilise un radar doppler pour détecter un drone (même dans la gamme de 2 kg) dans un rayon de 10km. Il permet l’identification automatique du système par l’analyse de la modulation de fréquence et de l’amplitude du signal Doppler, et le suivi automatique par infrarouge et optique. Ce système a été initialement développé par Plextek, puis a fait l’objet d’une commercialisation distincte par le biais d’une société dédiée : Blighter Surveillance Systems. Le système est portable, et la société Blighter communique sur sa capacité unique a surveiller simultanément différents milieux : terre, mer et air (pour des cibles volant relativement bas).

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Citons également un système plus conséquent développé par la société RADA : le RPS-42, un radar multi-missions hémisphérique, fondé également sur une détection Doppler, et capable de détecter un micro-drone avec une portée de 10km.

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Pour des drones plus petits, volant en mode auto-piloté, il existe des solutions plus économiques, et fondées sur la détection de la signature acoustique des drones. Un microphone détecte le signal et le compare aux signatures déjà enregistrées dans la base de données. C’est par exemple le cas du système Droneshield de la société du même nom. Si le déploiement d’un tel système semble complexe dans des zones urbaines denses et sonores, en revanche, une telle solution semble intéressante et peu onéreuse dans le cas de sites critiques isolés, comme des centrales nucléaires ou autres sites sensibles. Vous pouvez télécharger ici la plaquette du système

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Une fois la détection réalisée, plusieurs solutions de neutralisation existent. On peut par exemple brouiller la station de contrôle du drone. La Russie s’est ainsi dotée d’un système appelé Poroubchtchick, système de guerre électronique capable de déconnecter de manière ciblée les radars ennemis et les systèmes de contrôle de drones, sans pour autant brouiller ses propres communications. Ce système détecte des communications sans fil ou les radars en régime passif analyse la fréquence des canaux et émet un brouillage ciblé actif ou passif directionnel et ciblé sur une fréquence donnée.

Mais l’ultime solution reste l’arme capable d’éliminer directement le drone détecté. Parmi les systèmes testés, les plus vraisemblables sont de la famille « énergie dirigée » (micro-ondes et lasers). Ainsi, la société Boeing a développé deux systèmes de neutralisation de drones : l’Avenger, un véhicule équipé d’un système de laser de 30kW en plus de son système classique de combat sol-air, et capable d’éliminer facilement un drone du ciel , tout comme le second système appelé MATRIX (mobile active targeting resource for integrated experiment) qui a éliminé différents drones à différentes distances.

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On peut également citer le système PHALANX, développé par Raytheon, permettant la recherche, détection, suivi et engagement d’une cible, et qui a été couplé par l’Office of Naval Research américain avec un système de laser à énergie dirigée (LaWS).

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Déployé sur l’USS Ponce en novembre 2014, le système a montré sa capacité à détruire un drone aérien à partir d’une plate-forme navale : voir le film ci-dessous.

L’ONR cherche maintenant à adapter ce concept sur un porteur terrestre de type HUMVEE. C’est le programme Ground-Based Air Defense Directed Energy On-The-Move (G-BAD DE OTM). Enfin, la Chine a annoncé en 2014 qu’elle avait développé un système analogue, capable de neutraliser tout drone volant en-dessous de 500m, à une vitesse inférieure à 50m/s, avec une portée de 2 km (source : China Academy of Engineering Physics (CAEP)).

Mais aujourd’hui, la technologie retenue par la police Parisienne semble être celle…des plombs de chasse. Rien ne vaut un bon nuage de plombs pour abattre un quadricoptère rebelle. Reste à savoir si abattre un drone « baron noir » à la carabine au-dessus d’une zone aussi densément peuplée que Paris n’est pas un remède pire que le mal.