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Bon, ce n’est pas pour tout de suite, mais puisqu’on peut faire de temps en temps de la prospective à plus de 30 ans, je m’attarde un instant sur cette invention digne des meilleurs films de science-fiction. Nous la devons à la société BAE, qui travaille sur un projet baptisé LDAL pour « Laser Developed Atmospheric Lens », ce qu’on pourrait traduire par lentille atmosphérique créée par focalisation laser.

Cette invention vise à ioniser l’atmosphère au moyen d’une impulsion laser afin de créer un « bouclier » permettant de protéger le sol contre les effets d’une arme laser à énergie dirigée, d’utiliser cette « lentille » pour de l’espionnage ou de la reconnaissance, ou encore de constituer un mirage optique pour leurrer l’adversaire. Délire d’un ingénieur fana de science-fiction ? Non, c’est sérieux.

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Le concept repose sur un effet physique dit Effet Kerr. Pour faire simple, voire simpliste pour les puristes, le laser à impulsion braqué sur l’atmosphère ionise l’air; à haute puissance, l’indice de réfraction de l’air dépend de l’intensité laser incidente (il y a même une formule, mais je ne veux pas dégoûter les lecteurs). Le profil d’intensité dans le faisceau laser n’étant pas uniforme, l’effet Kerr génère un profil d’indice de réfraction qui se comporte comme une lentille convergente ou « lentille de Kerr » dont la distance focale dépend de l’intensité.

On va faire simple : une fois ionisée, la portion de l’atmosphère concernée est transformée temporairement en une structure proche d’une lentille, permettant soit d’amplifier, soit de dévier le trajet des ondes électromagnétiques (ondes lumineuses, mais aussi ondes radio). Le phénomène est évidemment réversible. C’est un peu ce que l’on voit dans le cas d’un mirage, où l’air chaud qui monte réfracte la lumière et permet de dévier le trajet des rayons lumineux.

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L’idée de BAE, c’est d’utiliser ce phénomène afin de protéger les troupes au sol, les véhicules, navires ou même aéronefs d’une attaque par l’emploi d’une arme à énergie dirigée (laser à haute énergie par exemple). Ou de déclencher un laser à impulsion en haute altitude, et provoquer la création d’une lentille permettant d’observer les mouvements ennemis en amplifiant la lumière venant de la zone située en-dessous de la lentille. La vidéo ci-après présente le projet.

Et les concepteurs ne sont pas des doux rêveurs puisqu’ils travaillent avec le Science and Technology Facilities Council britannique, le laboratoire Rutherford Appleton et la société LumOptica.

Evidemment, ce n’est pas pour demain : un tel système, dans sa pleine capacité opérationnelle, est envisageable dans un délai d’une cinquantaine d’années. Mais nul doute que ce développement pourra être accéléré si les armes à énergie dirigée se démocratisent au point de devenir une menace réelle et prégnante. Ou si quelqu’un s’avise de construire l’Etoile Noire (ou blonde, sic), on ne sait jamais…

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Nul doute, alors que la bataille de Mossoul débute, que la guerre électronique (GE) prend une grande part dans la préparation et l’implémentation des opérations militaires modernes. Outre la défense de ses propres moyens électromagnétiques, l’écoute et le renseignement, il s’agit d’empêcher l’utilisation du spectre électromagnétique de l’adversaire, par le leurrage, le brouillage, ou l’intrusion dans ses systèmes.

Mais ne croyons pas que cette capacité est l’apanage unique des grandes puissances. Tous les combattants aujourd’hui sur le théâtre s’affrontent sur le terrain des ondes, à l’aide de brouilleurs, intercepteurs, ou en leurrant les réseaux de communication. La compréhension fine des émissions électromagnétiques sur le champ de bataille est donc aujourd’hui incontournable pour conférer un avantage tactique aux combattants impliqués. Cela permet d’interférer avec un guidage de missile adverse, de garantir la fiabilité des données de géolocalisation (qui pourraient être volontaire modifiées par l’adversaire, etc…), et évidemment, d’interférer avec les systèmes ennemis, par exemple en rompant leur chaîne de commandement.

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Dans ce contexte, la société BAE, à la demande de la DARPA américaine, a développé un terminal ultraportable de GE. L’idée est d’avoir un dispositif tactique portable capable de conférer à son porteur la capacité de comprendre les différents signaux de radiofréquences dans lesquels il est immergé.

Il ne s’agit pas uniquement d’électronique (même si la taille et le poids sont en l’occurrence critiques), car pour pouvoir comprendre le « champ de bataille des fréquences », il est nécessaire de disposer d’algorithmes mettant en œuvre des techniques d’analyse du signal et d’Intelligence Artificielle. Cette analyse doit être réalisée au niveau tactique, sur le terrain (au lieu de devoir communiquer les signaux et de procéder à leur analyse au niveau du poste de commandement). Cette analyse, BAE la réalise en utilisant ce que l’on appelle des algorithmes Bayésiens d’apprentissage machine. Vous trouverez sur Internet nombre d’articles expliquant cette technologie, et je me bornerai donc à dire ici qu’un algorithme Bayésien est un graphe orienté probabiliste, capable de tenir compte simultanément de connaissances a priori et de l’information contenue dans les données, et d’améliorer son analyse au fur et à mesure que de nouvelles bases de données lui sont présentées.

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Evidemment, BAE ne fournit pas beaucoup d’information sur la manière dont son algorithme fonctionne (ce qui reviendrait à donner des recettes pour le contrer), mais on peut imaginer qu’il se nourrit des informations capturées lors des missions passées. Cette même approche a d’ailleurs été implémentée par la même société, en ce qui concerne les systèmes de GE de l’avion de chasse F-35.

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Les systèmes portables de BAE seraient ainsi fournis avec une configuration initiale qui exploiterait au maximum les interceptions et formes d’ondes déjà connues, et pourraient évoluer en fonction des situations rencontrées sur chaque théâtre d’opérations (voire partager cette connaissance commune entre deux théâtres). En présence d’un signal analogue à un signal déjà vu, il pourrait adapter sa réponse (par exemple en augmentant la puissance d’émission radio si le signal adverse semble correspondre à une tentative d’affaiblissement du signal, ou en utilisant une autre portion du spectre si l’IA prédit qu’il s’agit d’une tentative de brouillage).

Et cela semble fonctionner puisque BAE annonce, lors des premiers tests, avoir pu identifier plus de 10 signaux différents, sur une grande largeur de spectre, et en présence de dispositifs de brouillage et d’interférence. On peut même imaginer dans un futur proche que cette IA soit considérablement dopée par son embarquabilité sur des processeurs spécialisés (je pense par exemple aux travaux de la jeune société française SCORTEX, aujourd’hui dans le domaine de la vision mais potentiellement dans d’autres domaines demain – si cela peut donner des idées à nos groupes industriels nationaux)

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L’idée est ainsi d’analyser la « soupe » de signaux électromagnétiques, d’en identifier les caractéristiques, d’en cibler les plus pertinents, et d’indiquer au combattant comment utiliser ses propres technologies de GE pour pouvoir les contrer ou échapper aux détections adverses.

Ce projet est intéressant car il montre la réalité de ce que les américains (et en particulier le précédent ministre américain de la Défense, Chuck Hagel et portée par le ministre adjoint de la défense, Bob Works – ci-dessous) appellent la « third offset strategy».

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La première stratégie sous l’administration Eisenhower visait à compenser la supériorité soviétique par la dissuasion nucléaire. La seconde, à la fin des années 1970, visait cette fois, à compenser la supériorité conventionnelle quantitative par l’investissement dans les technologies de l’information et le développement de doctrines et d’un complexe « reconnaissance-frappe » de précision (missiles guidés, etc.). La stratégie de 3e offset vise à assurer leur domination pure tant militaire que stratégique, et l’Intelligence Artificielle en est une composante essentielle. En multipliant le contrôle et le développement de normes sur l’IA, les Etats-Unis imposent leurs outils et leurs technologies permettant à l’IA de contribuer préférentiellement à la souveraineté américaine.

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La multiplication des initiatives mettant l’IA au cœur de systèmes militaire n’est donc pas conjoncturelle mais bien préméditée. En combinaison avec la GE, il s’agit donc bel et bien de démontrer une supériorité qui va bien au-delà de l’échelon tactique. Car comme le disait le Général Siffre dans le livre « Maître des ondes, maître du monde » : « le spectre électromagnétique est le lieu de passage et d’échange des messages chargés de secrets du pouvoir politique, économique, financier, terroriste et mafieux. Qui sera maître de ces secrets cachés sur le spectre électromagnétique sera maître du monde ».

Note: ce blog évolue – vous ne devriez plus y voir de publicités, et vous pouvez aujourd’hui y accéder par un nom de domaine plus simple: VMF214.net

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Au moins, je suis certain que le titre est accrocheur. Mais le sujet est bien sérieux : le géant britannique de la Défense BAE systems vient d’annoncer un partenariat avec une petite société, Cronin Group PLC, basée à Glasgow, afin de développer une technique de génération de véhicules autonomes mariant impression 3D et ingénierie chimique. Un « chaudron à faire pousser des drones », en quelque sorte…

L’objectif sous-jacent est de trouver une technique pour assembler des objets techniques complexes, de manière automatique, avec une intervention humaine minimale. Le drone s’y prête bien : il s’agit d’un objet technique extrêmement complexe, car nécessitant un assemblage de pièces structurelles évoluées (matériaux composites, etc…) et d’une électronique embarquée intimement liée à la structure de l’aéronef.

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D’où l’idée du « Chemputer ». Son créateur, le Pr Lee Cronin, dirige une équipe de 45 chercheurs à l’université de Glasgow, dans le domaine de l’élaboration de molécules complexes. L’idée du Chemputer avait déjà fait parler d’elle, puisqu’il s’agissait de permettre à un utilisateur de fabriquer lui-même ses propres médicaments. Mais c’est en s’alliant à l’équipe du Pr Nick Colosimo (BAE Systems Global Engineering) que le concept du « creuset à drones » a émergé. Dans une vidéo largement inspiré des meilleures séquences de Terminator, un drone émerge ainsi d’une cuve, généré par un processus chimique de construction moléculaire.

Pour faire simple : au lieu de faire de l’impression 3D (fabrication additive), il s’agit d’utiliser des molécules de base, et de les faire croître de manière contrôlée à l’aide d’additifs, afin de concevoir des structures complexes. Une fabrication par synthèse chimique donc.

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Bien qu’il ne s’agisse pas d’une technologie mature, le concept a été développé dans le cadre d’une démarche d’innovation ouverte (« open innovation ») visant à mettre en lumière des coopérations technologiques et scientifiques entre BAE Systems, des universités et des start-ups. Evidemment, aujourd’hui, il s’agit plus d’un concept d’ingénierie à un stade de maturité technologique (TRL) bas. L’objectif est ambitieux et non atteignable dans l’immédiat, mais BAE a annoncé vouloir investir en R&D afin de développer industriellement cette approche. Ce n’est évidemment pas pour demain mais cela devrait donner naissance à des études et expérimentations qui feront nécessairement progresser le domaine.

Le concept futuriste est présenté en ce moment au salon aéronautique de Farnborough.

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La filiale américaine de la société BAE systems a développé un nouveau système permettant à un utilisateur de disposer d’une vision à la fois nocturne et thermique. Le dispositif permet de pallier les inconvénients liés, par exemple, à la présence de pluie, de brume ou de fumée. Jusqu’alors réservée aux jumelles thermiques, ou aux systèmes d’armes, le dispositif permet de fusionner les capacités de vision et de ciblage (« targeting ») sans nécessité pour l’utilisateur de changer de dispositif en opérations.

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Destiné à une utilisation opérationnelle en 2017, il s’agit d’un dispositif reposant sur une interface vidéo sans fil: l’image est directement transmise aux lunettes de l’utilisateur. BAE a particulièrement travaillé sur le poids du dispositif, et des batteries.

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L’intérêt opérationnel (outre la vision tout temps) est de pouvoir réaliser une visée sans nécessité de quitter la cible des yeux, ni d’amener l’arme au niveau du regard, puisque les images de la visée de l’arme peuvent être, via l’interface sans fil, directement transmises à l’utilisateur via ses lunettes, sans aucune transition.

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Le système est en cours de développement, mais a été réalisé en collaboration avec l’U.S Army Night Vision and Electronic Sensors Directorate – il a fait l’objet d’un contrat poétiquement intitulé « Enhanced Night Vision Goggle III and Family of Weapon Sight-Individual » doté de 434 millions de dollars sur 5 ans (tout de même !).

 

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A priori, mis à part le fait que ce sont tous deux des véhicules, rien de comparable entre une monoplace de formule 1 et un engin blindé. Pourtant, aujourd’hui, les technologies de la F1 sont utilisées par les concepteurs de véhicules militaires.

Ainsi, la société BAE a adapté un système de suspension active issu de la F1 à la famille des blindés CV90 destinés à l’armée suédoise, afin d’améliorer leur motricité sur des terrains difficiles. A ne pas confondre avec la suspension pilotée, la suspension active est utilisée dans le monde de la F1 depuis les années 1990 mais elle a été vite abandonnée en 1993 en raison d’un avantage concurrentiel jugé déloyal.

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Le principe est simple : la suspension, pilotée par l’électronique, réagit sur chaque passage de bosse, qu’elle absorbe quasiment. Des vérins hydrauliques rapides sont montés en bout des suspensions. Renseignés par des capteurs (par exemple l’inclinaison, l’angle au volant et l’accélération, un calculateur commande l’alimentation en pression hydraulique de ces vérins et adapte donc la raideur des suspensions tout en corrigeant et en stabilisant l’assiette.

De là à utiliser cet avantage pour un blindé confronté à des terrains bosselés…eh bien il y a un inconvénient… de poids. La suspension active concernait jusqu’à présent des véhicules légers en fibres de carbone, d’un poids inférieur à 700kg. Or un CV90 peut peser jusqu’à 35 tonnes.

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L’innovation de BAE est donc réelle. Et tellement réelle que la société n’a pas expliqué comment elle avait réussi cette adaptation. Mais les résultats parlent d’eux-mêmes : la vitesse maximale du CV90 « classique » ne pouvait excéder 70 km/h – avec les suspensions actives, on augmente cette vitesse de près de 40% ce qui constitue le record du monde pour un blindé (source : BAE). La technique consiste, même si on n’en connaît pas les détails, à déterminer avec précision les accélérations en chaque coin du véhicule (en particulier les décollements du terrain) ; quand le mouvement vertical et l’accélération dépassent certains seuils, le système commence à durcir les suspensions, et lorsque le véhicule retombe, les chocs sont absorbés avec environ trois fois plus d’efficacité.

Les avantages espérés : moins de fatigue pour les occupants et pour le véhicule (gains de maintenance), mais également un gain en stabilité, et donc en précision verticale du tir ou en poursuite d’objectif. Les CV90 en service feront l’objet d’un retrofit, qui ne devrait prendre que quelques semaines lors d’une période de maintenance.

Images (c) BAE Systems

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Lors de l’Expo « Naval Future Force Science and Technology », qui s’est tenue en février dernier à Washington , le canon électromagnétique (EM Railgun) de l’US Navy a été présenté au public pour la première fois. Ce programme pluriannuel a débuté en  2005 – l’ambition était alors de développer une arme à longue portée permettant de tirer des projectiles en utilisant l’énergie électrique, au lieu de l’énergie chimique (explosion). Pour ce faire, le principe est simple : des champs magnétiques sont utilisés afin de propulser un conducteur métallique entre deux rails (railgun) afin de lancer un projectile à une vitesse avoisinant les 9000 km/h (non, pas d’erreur dans le chiffre). Une vitesse minimale de Mach 6 est envisagée, avant d’atteindre ce chiffre.

Ce système d’arme est initialement développé pour l’emploi naval : il permet d’avoir une puissance embarquée permettant d’envisager des frappes à plus de 400km, ce qui nécessite de dépasser les 32 Mégajoules d’énergie (pour donner une idée : une mégajoule d’énergie est équivalente à l’énergie d’une voiture d’une tonne, voyageant à 160km/h)

Conduit par l’Office of Naval Research avec des grands industriels tels que BAE systems et General Atomics, le programme a permis de développer un prototype capable d’envoyer à 160km et à Mach 5 un projectile d’une vingtaine de kilos (soit 32J d’énergie nécessaire) – le test a été réalisé en 2012 et il est impressionnant comme le montre la vidéo ci-dessous.

En février dernier, le prototype a donc été présenté au « grand public », comme le montre la photo ci-dessous

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Les futurs tests auront lieu en dehors du laboratoire, en 2016 et 2017, à la fois à partir de plateformes marines et terrestres.  La vidéo ci-dessous présent un résumé de l’expo 2015 EXPO (dans laquelle figure d’ailleurs le système de caisse à sable virtuelle ARES décrit dans cet article)