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La société SpaceX n’a décidément pas fini de faire parler d’elle. Elle annonce aujourd’hui avoir réussi ce matin à faire atterrir le premier étage de son lanceur Falcon 9 sur une barge à 600 km au large de la Floride, après un lancement de satellite vers une orbite géostationnaire. Et, dans le même temps, elle vient de remporter son premier contrat militaire pour un montant de 82.7 M$.

Revenons un instant sur l’atterrissage de Falcon 9. Ce n’est pas la première fois que SpaceX réussit à faire atterrir son lanceur sur une barge en pleine mer. Toutefois, l’exploit ici consiste à le faire après le lancement d’un satellite vers une orbite géostationnaire, donc très haute. Le lanceur redescend dans l’atmosphère à environ 2km/s, ce qui nécessite un freinage important – donc un échauffement fort – pour permettre de récupérer le véhicule. L’impressionnante video est visible ci-dessous :

Cela met donc SpaceX en position de challenger vis-à-vis de la joint-venture entre Boeing et Lockheed Martin, United Launch Alliance (ULA). Et justement, c’est la première fois qu’une autre société que ULA est retenue par le gouvernement américain pour une mission de lancement de satellite militaire. Pas si surprenant que cela : le prix annoncé par SpaceX représentait une économie de 40% ( !) par rapport au prix estimé par ULA.

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La mission consiste à mettre sur orbite un satellite GPS III militaire en mai 2018. Mais le prix ne fait pas tout : en raison des tensions entre les Etats-Unis et la Russie, le congrès américain a interdit l’utilisation du moteur utilisé par les lanceurs ULA : le moteur russe RD-180. Laissant ainsi la porte ouverte à SpaceX.

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Une nouvelle ère s’ouvre donc pour la société du milliardaire Elon Musk, qui avait attaqué en justice l’US Air Force en 2014 en estimant illégal le monopole de fait d’ULA. Cette dernière  cherche à rattraper son retard en établissant un partenariat avec les sociétés Blue Origin et Aerojet Rocketdyne, pour développer un moteur 100% américain, et lui permettre de concurrencer SpaceX. Il s’agit aujourd’hui du premier contrat d’une série de 9, destinés à mettre en orbite des satellites militaires Une longue bataille en perspective, mais sans doute des économies importantes pour le programme spatial militaire américain à la clé.

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Les satellites géostationnaires civils et militaires posent aujourd’hui de nombreux problèmes quant à leur maintenance. A 36 000 km de la Terre, il est en effet impossible d’envoyer des missions de réparation ou de mise à jour de leurs composants ; ils sont donc aujourd’hui contraints d’embarquer de nombreux systèmes redondants pour pallier d’éventuelles défaillances, et du carburant afin d’ajuster, le cas échéant, leur position. Sans mentionner l’obsolescence de la charge utile, qui est vouée à rester dans l’espace jusqu’à la fin de la vie du satellite.

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Plutôt que de multiplier les nouveaux satellites, la DARPA a lancé une nouvelle idée sous la forme d’un programme appelé Robotic Servicing of Geosynchronous Satellites (RSGS). Il consiste à développer d’ici 5 ans une approche fondée sur des technologies de robotique orbitale, afin d’aller au plus près des satellites géostationnaires afin de les inspecter, de les réparer ou de remplacer certains composants devenus obsolètes.

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Le vecteur serait un RSV (robotic servicing vehicle), financé par l’industrie, alors que le lancement et le contrôle des missions seront assurés par les services de l’Etat.

L’approche repose sur un concept de bras robotisé développé par la DARPA, et baptisé FREND pour Front-end Robotics Enabling Near-term Demonstration (comme quoi la DGA – que je salue – n’a pas le monopole des acronymes complexes). Le bras a été conçu pour opérer sur des satellites non conçus à l’origine pour recevoir des opérations de maintenance.

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 Il s’agit d’un projet développé depuis 2005, et, anecdote amusante, pour le tester, la DARPA a du développer une table à air pulsé de 4m par 6m en granit, afin de reproduire le comportement des objets flottants dans le vide (photo ci-dessous).

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Le bras FREND sera amélioré, notamment d’un point de vue logiciel, en embarquant des senseurs supplémentaires, ainsi que des capacités logicielles de vision autonome pour faciliter les opérations d’appariement et de réparation. Le système met également en œuvre une simulation physique afin de générer des plans de réparation, testés au sol avant d’être transmis au RSV.

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Le programme RSGS fera l’objet d’un appel à propositions dans les prochains mois. Cette approche de partenariat public/privé pourrait mener au lancement du premier RSV dans un horizon de 5 ans.

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Le réseau satellitaire MUOS (Mobile User Objective System) est un réseau tactique déployé par l’US Navy afin de fournir des services sécurisés de communication mobile pour les forces américaines. Il s’agit d’une constellation de satellite géostationnaires développée par Lockheed Martin, et dont le déploiement a débuté en 2012 – le quatrième satellite a été placé sur orbite en septembre dernier.

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Au-delà des capacités usuelles de communication UHF, les spécifications sont exigeantes : le système doit fournir des capacités de communication haute performance  (voix et données simultanées) aux forces (unités conventionnelles comme forces spéciales) sur le terrain, aux moyens aériens, aux sous-marins comme aux navires de surface. Et ce, partout dans le monde. Chaque satellite doit posséder une liaison UHF classique, compatible avec les terminaux existants, et une autre charge utile permettant de fournir une nouvelle capacité WCDMA avec un débit 16x plus élevé (ce sont des satellites dits « dual payload »).

Pour ce faire, des réflecteurs conventionnels (environ 5m de diamètre) ne suffisent pas, car il faut pouvoir fournir des capacités de couverture « au-delà de la vue directe ». Pour éviter de multiplier le nombre de satellites, les sous-traitants Harris et Vanguard ont trouvé une solution originale : envoyer des réflecteurs « pliables » qui se déploient une fois le satellite en orbite.

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Ces réflecteurs sont donc nettement plus grands : 14 m de diamètre chacun ! Mais la taille ne fait pas tout (sic). En l’occurrence, le poids est un gros problème :il faut éviter d’avoir des réflecteurs trop lourds, car en ce cas, le coût du lancement du satellite devient prohibitif.

Les fabricants Harris et Vanguard ont donc développé une nouvelle technologie baptisée FMR pour « Fixed Mesh Reflector » : une structure composite de haute densité capable de réduire de 50% la masse du réflecteur, avec la même efficacité qu’une surface traditionnelle. La composition exacte de la surface développée par Vanguard est tenue secrète, mais on sait qu’elle a des propriétés de transparence optique à 80% environ, ce qui lui permet notamment de ne pas projeter d’ombres sur le satellite (pas de différences de températures à gérer, pas d’obstruction des panneaux solaires).

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Enfin, le matériau ne souffre pas des vibrations structurelles acoustiques subies par le satellite durant la poussée. Les réflecteurs sont enroulés dans le satellite pendant le lancement, et se déroulent une fois le satellite en orbite.

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Cette technologie vient donc d’être utilisée opérationnellement avec succès cette semaine: les panneaux FMR de 14m du satellite MUOS-4 ont ainsi été déployés dans l’espace. Harris a fabriqué 10 réflecteurs FMR, permettant d’équiper le prochain satellite du réseau MUOS, ainsi que d’autres satellites de communication.

 

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Présenté au Salon du Bourget (SIAE) 2015, le StratoBus est un concept initié par Thales Alenia Space : il s’agit d’une plate-forme spatiale géostationnaire, autonome à partir d’une position fixe, et capable de réaliser des missions d’observation de longue durée (« longue endurance »). Quand on parle de longue durée, on se réfère ici à des missions de durée indéterminée (en l’espèce, des missions de 5 ans) dans la zone intra-tropiques, et de 6 à 8 mois dans les autres zones.

Physiquement, le StratoBus est un dirigeable de 100 mètres de long pour un diamètre de 33 mètres, en fibres de carbone, capable de porter une charge utile de 200kg, à 20 km d’altitude. Il disposera de 4kW de puissance embarquée.

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Les missions ? Observation et surveillance de zone (imagerie, radar…), relais de télécommunications ciblé avec une couverture de 400 à 500 km de diamètre – dans le cadre d’opérations ou de catastrophes naturelles, cartographie… Le StratoBus devrait pouvoir être déployé en moins de 48h. Un objectif ambitieux de ce consortium qui, outre TAS, comprend  Zodiac Marine, le laboratoire LITEN (Laboratoire d’Innovation pour les Technologies des Energies Nouvelles et les nanomatériaux) du CEA, Air Liquide, ainsi que plusieurs PME, avec le soutien du pôle de compétitivité Pégase.

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L’innovation réside également dans le moyen de capturer de l’énergie solaire et un dispositif d’électrolyse permettant de convertir de l’eau en gaz, un système de génération de l’énergie reposant sur le couplage entre des panneaux solaires et un système d’amplification de puissance, et une pile à combustible légère et réversible. Le revêtement, outre les fibres de carbone, comprendrait du polyéthylène afin de pouvoir intégrer des cellules photovoltaïques organiques. Un concentré de technologie, donc. La vidéo ci-dessous parle d’elle-même.

Mais un concentré potentiellement vulnérable aux tirs. Car un missile type air-air (même ancien) comme le AIM-54 Phoenix, utilisé par l’US Navy ou l’Iranian Air Force, possède une altitude de vol de 24km et un plafond opérationnel de 30km.

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Un missile sol-air comme le S-75 Dvina / V-750 peut atteindre une cible à 25km d’altitude. Généralement, à de telles altitudes, on considère que l’interception est difficile car la cible est en mouvement rapide. Mais avec le StratoBus, on a une cible parfaitement immobile, et qui, même sans moteur, emmagasine de la chaleur. Un avion comme le SU-25 peut voler et manœuvrer à 14km d’altitude, reste ensuite au missile (par exemple un R60) à monter jusqu’à 20km, ce qui reste possible, surtout si la cible ne bouge pas.

Donc un concept intéressant, mais potentiellement vulnérable à une attaque sol-air ou air-air. Je laisse le soin aux lecteurs de commenter/compléter cette première et rapide analyse : si l’on fait un sondage rapide parmi ceux d’entre vous qui connaissent bien les missiles sol-air / air-air : quelle est la vulnérabilité d’une telle plateforme ?

Images (c) Thales, US Navy