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En mars dernier s’est déroulée une expérimentation novatrice (dans son sujet comme dans sa forme) dans le domaine de la robotique terrestre avec le soutien de l’Agence Innovation Défense. Retour sur cette opération et son contexte.

L’armée de Terre emploie déjà fréquemment des robots de petite taille pour la lutte contre les engins explosifs improvisés au sein de l’arme du Génie. Elle ambitionne aujourd’hui de développer un axe robotique plus large au sein des unités SCORPION. Dans le cadre de la feuille de route SCORPION validée par la ministre des Armées en mai 2018, la Direction générale de l’armement (DGA) et l’armée de Terre préparent l’acquisition, cet été, de micro robots de reconnaissance au profit de l’Infanterie et du Génie.

En parallèle, l’État-major de l’armée de Terre (EMAT) et l’Agence de l’innovation de défense (AID) ont réalisé, avec l’appui des experts techniques de la DGA, une expérimentation opérationnelle d’une semaine au Centre d’entraînement en zone urbaine (CENZUB) avec plusieurs robots téléopérés de grande taille (classe 500 kg à 4 tonnes) provenant de quatre industriels: Arquus (robot Dagger), Tecdron (robot Sentinel), Nexter (robot Optio) et Shark Robotic (robot Colossus et mule Barakuda) Il s’agissait, en accomplissant des missions tactiques simples, d’identifier en quoi et comment l’emploi de robots, tels qu’ils sont actuellement, peut influencer la manœuvre tactique. L’expérimentation a d’ores et déjà permis de recueillir de précieux enseignements d’ordres technique, organisationnel et opérationnel. La vidéo ci-dessous présente un résumé de cette opération.

Cette expérimentation est conduite en complément des travaux déjà réalisés par la DGA dans le cadre du démonstrateur FURIOUS ou des études pour le développement de briques technologiques comme l’autonomie de navigation ou la coopération multi-robots. Elle permet notamment d’affiner la réflexion sur les usages des robots téléopérés en conditions réelles et contribue à préparer l’acquisition des robots SCORPION.

L’AID et l’EMAT planifient, d’ores et déjà, de poursuivre leurs expérimentations en projetant en opérations extérieures, dès 2020, quelques robots à vocation transport de charge et observation. L’AID, s’appuyant sur l’Innovation Défense Lab (dont je parlerai bientôt), accompagne l’armée de Terre dans la construction et le financement de ce projet comme dans la préparation des phases ultérieures de cette expérimentation.

Ces études et expérimentations s’inscrivent dans le cadre plus large d’une politique ministérielle d’investissement, portée par la Loi de programmation militaire, au profit de la modernisation des équipements et des innovations technologiques.

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iRobot, tout le monde connait – en particulier par son robot aspirateur Roomba autonome, l’un des meilleurs modèles du marché, et un précurseur dans son domaine. Mais iRobot, c’est moins connu, c’est également une société de robotique militaire. C’est cette dernière activité qui vient d’être cédée au groupe Arlington Capital Partners, pour 45 millions de $.

La division militaire d’iRobot développe des robots d’exploration comme le 110 FirstLook (voir ci-dessous), un robot de reconnaissance léger, robuste, capable d’effectuer des missions de reconnaissance NRBC, de vérification de véhicule ou d’exploration d’un environnement rendu complexe par la présence de fumées, ou de débris.

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A l’autre extrémité du spectre, on peut également citer le robot 710 Kobra, capable de grimper des escaliers et de réaliser des missions de déminage sur tout terrain, par tous les temps. Ces robots sont fondés sur un socle commun : deux chenilles, une plate-forme capable d’héberger différentes charges utiles, et un second couple de chenilles (amovibles) sur l’avant, permettant de monter des escaliers ou d’escalader des obstacles.

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La cession de sa division militaire a pour objectif de permettre à iRobot de se consacrer totalement au domaine de la robotique grand public. La nouvelle société issue de l’opération et détenue à 100% par des capitaux privés sera donc totalement dédiée au monde de la défense et de la sécurité. Son directeur général sera Sean Bielat, un ancien officier des US Marines.

Cette annonce a au moins le mérite de clarifier les intentions de la société dans le domaine de la robotique militaire. D’autres entités, comme Boston Dynamics, ont des stratégies moins claires : rachetée par Google en décembre 2013, cette dernière société, créatrice de robots célèbres comme « Alpha Dog » ou « Cheetah »  n’a toujours pas précisé sa stratégie dans le monde de la défense. Malgré les intentions de Google de « stopper tout développement de Boston Dynamics dans le militaire » (une posture dictée par une volonté d’affichage vers le grand public), les contrats de développement avec le DoD américain se poursuivent. Et l’on ne compte plus les sociétés de robotique achetées par Google (aujourd’hui Alphabet) : Meka, Redwood Robotics, Schaft, Industrial Perception, … sans compter ses développements dans les véhicules autonomes.

Mais le débat sur Google et la robotique est biaisé par les SALA (systèmes d’armes létaux autonomes), un concept qui pollue en fait la totalité du débat sur la robotique militaire. Il suffit de regarder les activités de iRobot, de Nexter Robotics ou de Tecdron pour constater que la robotique militaire, c’est aujourd’hui autre chose que des systèmes d’armes. Bon, même si iRobot avait déjà fait des essais d’armement de son robot 710 avec le concours de Metal Storm.

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Compte tenu de l’historique dans le domaine, nul doute que la DARPA constituera une source de financement importante pour la nouvelle société issue d’iRobot. Car les défis sont loin d’être résolus aujourd’hui : un robot a encore du mal à ouvrir une porte ou évoluer de manière complètement autonome dans un environnement non structuré, complexe et changeant.

Le nom de la nouvelle société sera révélé à l’issue de la transaction, dont la phase légale doit encore durer 90 jours.

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Nous avons déjà abondamment parlé dans ce blog des questions liées au développement de la robotique militaire et en particulier de la robotique de théâtre. Aux aspects éthiques et à la doctrine d’emploi s’ajoute aujourd’hui un nouveau défi : se débarrasser du bruit infernal de ces nouvelles machines.

Vous avez en effet sans doute déjà aperçu la machine développée par Boston Dynamics, société rachetée en 2013 par Google (aujourd’hui Alphabet), et destinée à alléger le combattant, en assurant le transport du matériel lourd, des équipements de communication, de la nourriture et de l’eau. Baptisée AlphaDog mais répondant au nom officiel de LS3 pour Legged Squad Support System, la bestiole a été successivement connue sous le nom de Mule et de Big Dog.

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Après un programme de 32 millions de $ (si, si), une expérimentation grandeur nature dans le cadre des exercices Pacific Rim, les US Marines viennent d’annoncer leur décision de ne pas mettre AlphaDog en service. La raison : le bruit !

Car le robot est motorisé par un moteur à deux temps à un cylindre, d’une puissance de 15 ch et tournant à 9 000 tours par minute. Et il fait le bruit d’une tondeuse à gazon : un sérieux souci dans un contexte opérationnel réel, comme celui d’une patrouille, ou d’une reconnaissance avancée. En gros, l’ennemi n’a plus besoin de positionner des sentinelles : il entend la patrouille arriver à 1km. Pas vraiment discret…

Alphabet a essayé de résoudre le problème en réalisant une nouvelle version du robot, baptisée SPOT, et dotée d’un moteur électrique. Si ce dernier a effectivement permis de réduire le niveau de bruit, il a divisé la capacité d’emport par 10, et a généré des problèmes insolubles d’autonomie, et de pilotage (une négation en soi du concept de robot autonome).

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Le fondateur de Boston Dynamics, Marc Raibert, a vertement répliqué en affirmant que le projet LS3 était avant tout un projet de recherche, et qu’il avait permis de lever un certain nombre de risques technologiques, liés à l’emploi d’un robot autonome quadrupède en environnement réel. En ce sens, il a raison : les prochaines générations pourront effectivement se reposer sur les résultats de ce programme. D’ailleurs, Alpha Dog est bien plus silencieux que ses prédécesseurs.

Il reste néanmoins vrai que le silence devra, en plus de l’autonomie et des capacités, être mis au premier plan des critères opérationnels pertinents pour le développement d’une réelle robotique de théâtre. Sans doute ce critère inspirera-t’il les concepteurs des défis du prochain DARPA Robotics Challenge…

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Utiliser la télévision pour parfaire son image, c’est bien…à condition de se rappeler que les caméras filment tout, y compris ce qui n’aurait pas dû l’être. A Sotchi, durant une réunion filmée par la télévision russe, un officiel aurait accidentellement montré à la caméra un document présentant un nouveau concept de torpille sous-marine nucléaire baptisé « Status-6 ». La vidéo ci-dessous montre le reportage dont l’image en tête de cet article est extraite :

Selon le document, le système Status-6  «Ocean Multipurpose System » est un système d’armes sous-marin autonome et robotisé, conçu pour déjouer les sonars de l’OTAN, avec un rayon d’action de 10 000 km, et capable d’évoluer à 1000m de profondeur à une vitesse de 185 km/h. Ces informations sont cohérentes avec des informations déjà divulguées par le journal Rossiiskaya Gazeta, qui spéculait sur le développement d’une arme radioactive porteuse d’une tête militaire de 100 mégatonnes à base de Cobalt 59.

Le but serait d’être capable soit d’anéantir une force ennemie, soit de causer des dommages catastrophiques à une région côtière, par irradiation massive. Le système aurait été développé par le bureau d’études Rubin, de Saint-Petersbourg, l’un des centres principaux de conception des sous-marins russes, et notamment responsable de la conception de la nouvelle classe de SNLE russes, la classe Borey – ci-dessous, le site de Rubin (http://ckb-rubin.ru/en/main/)

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Une telle torpille serait, le cas échéant, lancée à partir des sous-marins de classe Belgorod ou Khabarovsk. Toutefois, le chiffre de 100 mégatonnes est terrifiant, puisque la bombe nucléaire la plus puissante jamais conçue et expérimentée était la célèbre « Tsar Bomba » de plus de 50 mégatonnes (voir ci-dessous). Imaginer une arme de 100 mégatonnes sous-marine, c’est imaginer, au-delà de la chaleur et de l’irradiation, un tsunami massif de 500m de haut, qui pourrait d’ailleurs également toucher les côtes de l’expéditeur.

Donc info ou intox ? Cela fait longtemps que le président Vladimir Poutine annonce que, sans vouloir rentrer dans une nouvelle course aux armements (!), il « se doit » de développer une arme en réponse au bouclier anti-missile de l’OTAN, notamment dans sa composante Aegis Ballistic Missile Defence (BMD). On peut ainsi imaginer que le concept ait été volontairement « fuité » aux média, pour soutenir le discours officiel, que l’information soit vraie ou non. Espérons en tout cas qu’une telle arme ne voie jamais le jour, car ses effets dépasseraient le pire cauchemar nucléaire que l’on puisse faire… Une image quelque peu dissuasive, et donc peut-être pas si fortuite que cela.

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C’est la finale du grand concours de robotique de la DARPA, à Pomona, en Californie, dans lequel 24 équipes de roboticiens s’affrontent. Le concours est complexe, puisque chaque robot est jugé sur sa capacité à effectuer les tâches suivantes:

  • conduire un véhicule ;
  • en sortir ;
  • ouvrir une porte avec une poignée ;
  • rechercher une vanne qui fuit et la fermer ;
  • percer un panneau de béton à l’aide d’un outil ;
  • se déplacer sur un terrain encombré d’obstacles ;
  • monter des escaliers

A ces épreuves s’ajoute une épreuve surprise. Cette année, le thème est le secours en cas de catastrophe naturelle ou industrielle, et les robots sont jugés sur leur capacité à jouer le rôle de sauveteurs dans un environnement forcément complexe.

L’image montre le robot TROOPER de l’équipe du même nom, mais pour l’instant, c’est l’équipe TARTAN RESCUE de l’université Carnegie Mellon de Pittsburgh, avec son robot CHIMP (CMU Highly Intelligent Mobile Platform) qui semble mener le concours. En prime, le robot Chimp ci-dessous:

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Il s’agit du petit nom de l’un des deux prototypes de drones X47-B construits par Northrop Grumman dans le cadre du programme Unmanned Carrier-Launched Surveillance and Strike (UCLASS). 4 concurrents s’affrontent pour la conception d’un drone capable d’être catapulté et d’apponter à partir d’un porte-avion, pour conduire des missions de type ISR (intelligence, surveillance, and reconnaissance) ainsi que des missions de combat et d’évaluation de situation. Ce prototype vient d’ailleurs de passer un premier test de ravitaillement automatique (voir photo ci-dessous). Le drone est véritablement autonome, c’est à dire piloté à la souris par des actions de haut niveau, et non téléopéré au joystick.

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La Défense nationale était présente lors de l’édition 2015 du Salon du Livre, et présentait quelques ouvrages dans les domaines qui nous intéressent ici. Ce ne sont pas tous des nouveautés, mais je profite de leur présence au Salon pour les signaler ici.

En premier lieu, sur le stand de l’Armée de l’Air, les drones sont les sujets de deux livres :

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Les Drones Aériens, de Lionel Chauprade. Le pitch du livre : « En réalisant une photographie globale du monde des drones, secteur industriel en constante évolution, cet ouvrage établit un point de situation sur le sujet et tente en particulier de définir la plus-value réelle de ces machines, ainsi que leur complémentarité par rapport aux aéronefs habités. »

Une très riche iconographie, avec les caractéristiques et faits saillants concernant les drones aériens civiles et militaires, mais surtout un ouvrage dense et complet (historique, les drones comme systèmes de systèmes, les pays émergents, les drones civils etc…).

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Un autre bel ouvrage sur le même sujet, plutôt  orienté sur la photographie : Drones, l’aviation de demain ? par Michel Polacco aux éditions Privat.

Un livre plus grand public, mais remarquablement illustré, avec des images assez rares de drones en opérations.

L’armée de l’air était décidément en première ligne, avec plusieurs ouvrages sur les centres mythiques d’essais dont CEAM 1933-2013, Une histoire de l’armée de l’air par Louis Pena.

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Ce livre raconte, à l’occasion de son 80e anniversaire, l’histoire du centre d’expériences aériennes militaires. On y trouve les différentes expérimentations dont celles concernant les avions de chasse (Mirage F1, Mirage 2000, Rafale…), mais également celles des avions de transport et de liaisons, des drones ou encore des radars. Un beau livre, un peu cher mais très riche.

L’autre tendance du stand Défense, c’est la présence d’ouvrages sur la cyberdéfense. En particulier :

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Attention : Cyber ! : Vers le combat cyber-électronique par le COL Aymeric Bonnemaison et le LCL Dossé : un ouvrage très complet (malgré une couverture dont l’esthétique peut être discutable) qui propose une description synthétique du combat cyber-électronique contemporain, avec une mise en perspective historique et prospective.

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Sur le même sujet, le désormais classique Cybertactique : Conduire la Guerre Numerique, par Bertrand Boyer. Un ouvrage sorti en 2014, qui considère l’arme numérique, décrit les opérations de cybertactique, et souligne que l’action numérique s’inscrit dans la continuité de spécialités déjà existantes comme la guerre électronique.

Je n’ai pas (encore) lu l’intégralité de ces livres, mais cette édition du Salon du Livre montre, s’il en était encore besoin, la réalité des deux grandes tendances de l’innovation technologique de défense : la robotique autonome et les drones, et la cyberdéfense.