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Depuis longtemps, les Nord-Coréens nous ont habitué à des annonces retentissantes, supposées renforcer (généralement, et c’est encore le cas ici) la puissance du leader suprême (sic) à quelques jours de son anniversaire. C’est dire la méfiance que suscite l’annonce du succès d’un test supposé de bombe H nord-coréenne, il y a quelques jours. Alors : effet d’annonce, ou réel succès pour le régime ? La technologie est aujourd’hui en mesure de rechercher la vérité.

En premier lieu, la détonation a généré des ondes sonores  (infrasons inférieurs à 17 Hz) et des ondes sismiques, et en particulier des ondes de compression (ondes P) – en l’occurrence, équivalentes à un séisme de magnitude 5.1. Ces ondes sont capturées par un réseau de 80 stations munies de capteurs, réparties dans le monde entier. Et le signal, une fois capté, doit être reconstruit et débruité, puisque les caractéristiques du milieu de propagation (granit, roches plus poreuses…) dégradent le signal. En l’occurrence, des ondes P ont bien été détectées, mais cela signifie simplement qu’une explosion a eu lieu.

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Pour savoir si celle-ci est d’origine nucléaire, et qu’il s’agit en particulier d’une bombe à hydrogène, il est nécessaire d’analyser les radioéléments relâchés lors de l’explosion. La présence de résidus d’uranium ou de plutonium est caractéristique d’une bombe A, alors qu’une bombe H thermonucléaire, mettant en œuvre un processus de fusion et non de fission, relâche beaucoup moins de tels résidus, et une combinatoire caractéristique (et d’ailleurs secrète) de différents isotopes. Pourquoi secrète ? Parce qu’en l’analysant, on apprend beaucoup de la fabrication d’une bombe à hydrogène. Les signatures caractéristiques ne sont donc pas publiques. Au-delà des isotopes et résidus, les gaz émis comme le xénon sont également des signatures de la composition de la bombe. Mais l’explosion a eu lieu en souterrain : cela complique donc l’analyse.

Pour tenter néanmoins de détecter ces éléments, les Etats-Unis ont envoyé des avions « renifleurs » (sic). En l’espèce, un avion WC-135 Constant Phoenix, un quadriréacteur dérivé d’un C135, équipé de capteurs d’air embarqués capable de recueillir, d’analyser  et de conserver les particules radioactives éventuellement émises. L’US Air Force dispose de deux avions de ce type, qui sont intervenus à Tchernobyl, lors de l’accident de Fukushima, et lors des trois derniers essais supposés de la bombe Nord-Coréenne (en 2006, 2009 et 2013). L’avion a été envoyé le mercredi 6 janvier à proximité de la zone.

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D’autres systèmes de détection existent, comme par exemple l’utilisation du réseau GPS, celui des satellites permettant le positionnement et la navigation. Car une explosion, même souterraine, génère une onde de choc jusqu’à l’atmosphère. Celle ci affecte la densité des électrons en générant un pic de densité, qui modifie la vitesse de propagation du signal GPS. Comme les stations de réception GPS sont distribuées dans le monde, il est possible, par triangulation et suivi de l’onde de propagation, de tracer l’explosion et d’en déduire quelques caractéristiques. Ainsi, lors de l’explosion nord-coréenne de 2009, 11 stations de réception dans la région ont détecté une onde de choc voyageant à 870 km/h, et provenant du site de P’unggye en Corée du Nord (ci-dessous).

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Mais la signature sismique à elle seule tend à montrer qu’il ne s’agissait sans doute pas d’une bombe à hydrogène. Car l’onde de choc générée n’est pas caractéristique d’une explosion thermonucléaire (de l’ordre de l’équivalent d’une dizaine de mégatonnes de TNT), mais proche de la magnitude observée lors des derniers essais nord-coréens (magnitude 4.5, avec une charge explosive de l’ordre de la dizaine ou de la centaine de kilotonnes de TNT). L’envoi du WC-135 devrait permettre de confirmer cette hypothèse.

En l’espèce, il ne s’agirait pas d’une bombe H, mais d’une bombe A « dopée » au deutérium et au tritium (permettant d’augmenter la température au sein de l’engin, et donc de générer plus d’énergie lors de l’explosion). C’est en tout cas aujourd’hui la thèse privilégiée, même si le simple fait d’annoncer la miniaturisation de l’arme, et sa capacité à être embarquée sur un missile KN08, est en soi un sujet d’inquiétude. Mais cela est, pour le coup, difficilement vérifiable.

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Utiliser la télévision pour parfaire son image, c’est bien…à condition de se rappeler que les caméras filment tout, y compris ce qui n’aurait pas dû l’être. A Sotchi, durant une réunion filmée par la télévision russe, un officiel aurait accidentellement montré à la caméra un document présentant un nouveau concept de torpille sous-marine nucléaire baptisé « Status-6 ». La vidéo ci-dessous montre le reportage dont l’image en tête de cet article est extraite :

Selon le document, le système Status-6  «Ocean Multipurpose System » est un système d’armes sous-marin autonome et robotisé, conçu pour déjouer les sonars de l’OTAN, avec un rayon d’action de 10 000 km, et capable d’évoluer à 1000m de profondeur à une vitesse de 185 km/h. Ces informations sont cohérentes avec des informations déjà divulguées par le journal Rossiiskaya Gazeta, qui spéculait sur le développement d’une arme radioactive porteuse d’une tête militaire de 100 mégatonnes à base de Cobalt 59.

Le but serait d’être capable soit d’anéantir une force ennemie, soit de causer des dommages catastrophiques à une région côtière, par irradiation massive. Le système aurait été développé par le bureau d’études Rubin, de Saint-Petersbourg, l’un des centres principaux de conception des sous-marins russes, et notamment responsable de la conception de la nouvelle classe de SNLE russes, la classe Borey – ci-dessous, le site de Rubin (http://ckb-rubin.ru/en/main/)

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Une telle torpille serait, le cas échéant, lancée à partir des sous-marins de classe Belgorod ou Khabarovsk. Toutefois, le chiffre de 100 mégatonnes est terrifiant, puisque la bombe nucléaire la plus puissante jamais conçue et expérimentée était la célèbre « Tsar Bomba » de plus de 50 mégatonnes (voir ci-dessous). Imaginer une arme de 100 mégatonnes sous-marine, c’est imaginer, au-delà de la chaleur et de l’irradiation, un tsunami massif de 500m de haut, qui pourrait d’ailleurs également toucher les côtes de l’expéditeur.

Donc info ou intox ? Cela fait longtemps que le président Vladimir Poutine annonce que, sans vouloir rentrer dans une nouvelle course aux armements (!), il « se doit » de développer une arme en réponse au bouclier anti-missile de l’OTAN, notamment dans sa composante Aegis Ballistic Missile Defence (BMD). On peut ainsi imaginer que le concept ait été volontairement « fuité » aux média, pour soutenir le discours officiel, que l’information soit vraie ou non. Espérons en tout cas qu’une telle arme ne voie jamais le jour, car ses effets dépasseraient le pire cauchemar nucléaire que l’on puisse faire… Une image quelque peu dissuasive, et donc peut-être pas si fortuite que cela.

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Un soldat de StarWars? Non, un chercheur à Barksdale Air Force Base, le 15 mai 2015, essayant des lunettes PLZT de protection contre l’exposition à un flash nucléaire. Voici un petit récapitulatif historique sur le sujet…

L’aveuglement provoqué par un flash nucléaire (flash blindness) est un phénomène bien connu (bien que, heureusement, rarement expérimenté) du à la saturation temporaire des cellules de la rétine exposées indirectement au flash thermique de l’explosion. En plein jour, l’aveuglement peut durer plus de 2 minutes, un temps assez long ( !) lorsque l’on pilote le bombardier. De nuit, la durée de l’aveuglement et de la récupération est évidemment plus longue (on parle de 5 à 10 minutes), dans la mesure où la pupille est généralement dilatée.

Les choses se compliquent si l’explosion survient directement dans la ligne de vue de l’opérateur : en ce cas, des dommages irréversibles peuvent affecter la rétine (retinal scarring). Pour donner une idée de la puissance du flash, voici un film assez impressionnant :

Inutile de dire que de nombreux chercheurs ont travaillé sur le moyen de s’en protéger. Dans les années 1960, plusieurs solutions ont été examinées : le casque électro-optique (avec un senseur détectant le flash, et un mécanisme d’occultation en 500 microsecondes à base de « rideaux » métalliques sur chaque œil, supportant 4 flashs avant de devoir changer les moteurs) :

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Ou encore la coûteuse visière en or du kit MIL-G-635 associée à une protection monoculaire, mais avec une efficacité modeste, et une fragilité importante :

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Ou enfin le casque DH-101 développé par la Marine américaine, très étonnant dans son fonctionnement : une mini charge explosive (si, si), reliée à un senseur, permettait en cas de détection de flash de libérer un nuage de graphite en suspension dans l’air contenu entre les deux parois des lunettes, assombrissant ainsi le champ de vision. Il y avait plusieurs versions, mais je passe les détails.

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Le système aujourd’hui en opérations a été développé en 1980 pour les pilotes de FB-111A. Il s’agit des lunettes PLZT pour Polarized Lead Zirconium Titanate. Le principe repose sur une céramique composée de plomb, de zircon, de titane et de lanthane, qui peut changer rapidement de polarisation passant d’une transparence de 20% à une opacité totale en 1/10 000 000e de seconde.

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Toutefois, ces lunettes souffrent de limitations : la transparence de 20% n’est pas idéale pour piloter autre chose qu’un bombardier (donc en particulier incompatible avec le pilotage d’un avion de combat), mais surtout l’opacité pouvait se déclencher… par les émissions d’une station radar, ou par les pales d’un hélicoptère…

Aujourd’hui, ce n’est plus tant le flash nucléaire qui est à craindre, fort heureusement (quoique…), mais plutôt les systèmes LASER aveuglants. Les pistes pour s’en protéger (au-delà de la vision indirecte par caméra) incluent le recours à des nano-composites devant être appliqués sur le cockpit – c’est par exemple la recherche conduite par Airbus reposant sur le film Lamda Guard’s “metaAir” voir leur site ici .