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Le titre peut faire sourire, mais la nouvelle est bien sérieuse. C’est la société turque Albayraklar (son site web n’est malheureusement pas traduit en anglais et je ne parle pas le turc donc je ne peux pas vous en dire grand chose) qui a dévoilé une vidéo montrant un essaim de drones sous-marins comparables à des raies manta, évoluant sous l’eau et approchant d’autres poissons, jusqu’au moment où ils détectent la présence d’un porte-avions, se faufilent sous sa coque et font détoner leurs charges explosives. Voici le film (ci-dessous).

Science-fiction ? Invention délirante. Eh bien en fait non. Au-delà de l’aspect un peu kitsch de la vidéo, il s’agit bien d’un projet sérieux. Car l’intérêt du biomimétisme, et dans ce cas particulier d’imiter la raie, c’est de s’inspirer des caractéristiques uniques de sa propulsion. A la différence des requins ou autres poissons osseux, la raie se propulse par un mouvement unique de ses ailes, qui lui confère plusieurs capacités. En premier lieu, la stabilité sans avoir besoin de propulseur, ni de stabilisateurs. Et donc, par conséquence, une grande discrétion sous l’eau : pas de bruit, pas de signature sonar. Ce mode de propulsion par déformation et ondulation des ailes (à l’aide de trois moteurs intégrés dans le robot) lui confère également une grande endurance (12h à une vitesse de 5,5 nœuds). On trouve également deux caméras lui permettant de transmettre une image (voire, à terme, de faire de la reconnaissance automatique).

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Le robot – de son petit nom Wattozz (a priori une adaptation du mot turc pour « raie ») possède une structure interne en titane et aluminium ; il est recouvert d’une couche de matériau absorbant afin de rendre le métal invisible au sonar, et dispose d’ailerons en silicone. Il comporte aussi des petits électro-aimants qui lui permettent, une fois sa cible repérée, de s’y fixer. Il peut également se poser sur le fond sous-marin, en attente de sa cible. Sa taille n’est pas précisée, mais si l’on en croit la vidéo, il fonctionne par essaim, ce qui signifie qu’il n’est pas suffisamment grand pour infliger les dommages nécessaire à sa cible, à lui seul.

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Comment est-il contrôlé ? C’est une bonne question à laquelle je ne suis pas parvenu à trouver une réponse convaincante. On parle d’ondes sonores sous-marines cryptées, j’imagine qu’il s’agit là d’une formulation pour le canal acoustique sous-marin (ASM) – un mode de communication connu, efficace mais complexe car le milieu sous-marin n’est pas isocélère, et que la propagation du son varie en fonction de la température, la pression hydrostatique ou même la salinité. Cela semble néanmoins être une bonne solution, mais qui requiert un compromis entre robustesse du signal et efficacité du système de transmission. Cependant, je ne suis pas un spécialiste.

Ce n’est d’ailleurs pas la seule initiative de ce genre. On peut par exemple citer le robot Manta de la société Evologic, ou le MantaDroid de la NUSde Singapour (ci-dessous).

Mais c’est en tout cas le seul projet biomimétique militaire de ce type. Il est d’ailleurs si bien intégré dans son environnement biologique, que pour lui éviter de se faire dévorer par des prédateurs, la société Albayraklar a décidé de doter le Wattozz d’un système d’autoprotection par ultrason afin de décourager tout requin qui serait un peu trop gourmand.

Au-delà de l’aspect original, il s’agit bien de biomimétisme appliqué au monde de la défense. Car la propulsion de la raie est bien plus efficace – en termes de vitesse, de discrétion, d’énergie – que celle conférée par une hélice classique.

La nature est donc une superbe source d’inspiration pour les ingénieurs – ainsi, la marine américaine s’est inspirée des nageoires pectorales des poissons pour développer des robots sous-marins coopératifs (« finned bioinspired unmanned underwater vehicles ») en vue de conduire des missions d’exploration en zone littorale ou au plus près des côtes.

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Dans de tels environnements, la turbidité de l’eau, la présence de nombreux courants et d’obstacles ne permettent pas l’emploi de drones sous-marins classiques. En ce cas, la propulsion par nageoires pectorales à très basse vitesse permet une manœuvrabilité inaccessible par des techniques conventionnelles. L’US Navy a ainsi développé WANDA (oui, c’est un acronyme pour Wrasse-inspired Agile Near-shore Deformable-fin Automaton !!!), un drone sous-marin portable capable de se déplacer à 2 nœuds, ou de résister à des courants de 2 nœuds.

On n’arrête pas le progrès, surtout quand il s’inspire de 4 milliards d’années d’ingénierie appliquée, l’Evolution.

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Après mon dernier poisson d’avril (oui, c’en était un et il a mieux fonctionné que je ne le pensais), je reprends le fil des « véritables » nouvelles (je rappelle que le premier avril est le seul jour où les internautes sont supposés vérifier une information avant de la croire – sic).

En l’occurrence, une nouvelle qui commence à faire du bruit, et qui a déclenché l’ire des employés de Google ; le géant du net, désormais l’un des pionniers du « deep learning », fournit sa technologie au Pentagone, notamment pour réaliser l’analyse d’images prises par des drones ou des satellites.

Cela fait un certain temps qu’on le rappelle : l’intelligence artificielle est aujourd’hui tirée par le marché civil, et en particulier le grand public. Les investissements se poursuivent et même s’amplifient dans des sociétés proposant des technologies d’apprentissage machine ou d’intelligence artificielle. Dernière en date, la « licorne » chinoise SenseTime qui vient d’annoncer avoir procédé à une levée de fonds de 600 M$, pour une valorisation de la société à 4.5 milliards (oui, milliards) de dollars… Nul doute d’ailleurs que le vaste programme d’espionnage des citoyens chinois – digne du meilleur épisode à mon sens de la série Black Mirror (« the fall ») –  a contribué à valoriser les programmes de reconnaissance faciale et d’analyse d’images.

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L’avance de sociétés comme Facebook, Apple ou Google dans le domaine de l’IA n’est plus à prouver. C’est donc naturellement que le Pentagone s’est tourné vers Google quand il a réalisé qu’il ne pourrait traiter manuellement le torrent d’informations (images et vidéos) déversé par les drones militaires.

Le programme s’appelle donc Maven, et est réalisé depuis 2017 par une équipe mixte (Google et le DoD américain) baptisée AWCFT pour Algorithmic Warfare Cross-Functional Team. En 2017, Greg Allen et Taniel Chan avaient publié ce rapport dont je vous conseille la lecture – le même Greg Allen a récemment déclaré que si le ministère de la défense américain a bien financé de manière importante le développement de nouveaux capteurs image pour les drones aériens, il a en revanche un peu négligé les outils d’analyse nécessaires afin de donner du sens aux données recueillies.

Pour mieux en juger, voici quelques chiffres : l’armée américaine s’est équipée de 11 000 drones aériens (!). Chacun de ces drones génère un déluge de données images (au total, l’équivalent de 37 années de vidéo)…et 99% de ces données ne sont analysées par personne. En France, le général Ferlet, commandant la Direction du Renseignement Militaire, a également évoqué le sujet sur Europe 1 en décembre dernier: « Il y a une explosion exponentielle des données à traiter. Mais je ne suis pas naïf, je n’aurais pas une augmentation exponentielle des moyens humains pour traiter ces données. Il faudra donc trouver d’autres moyens, basés sur l’intelligence artificielle. Ce sera ma priorité numéro une dans les années à venir ».

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Retour donc au projet Maven. Son premier objectif : utiliser l’IA et l’apprentissage machine pour détecter et identifier des objets (véhicules…) dans les vidéos transmises par les drones. En tout, dans cette première phase du projet, 38 catégories d’objets ciblés ont été définies. Pour ce faire, du logiciel bien sûr, mais pas seulement. A priori, Google fournirait des API Tensorflow aux équipes du ministère.

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Rappelons que Tensorflow, développé par Google, est un outil open source de référence dans le domaine de l’apprentissage machine – éventuellement, la société pourrait fournir également du hardware, en l’espèce, des circuits Tensor (circuit intégré développé par Alphabet/Google spécifiquement pour l’IA).

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L’idée est d’accélérer au maximum le projet Maven, un projet déjà tendu puisque six mois après son lancement, l’été dernier, le projet était supposé déjà opérationnel (en particulier dans la lutte contre le terrorisme en Irak et en Syrie).

Bon, le projet Maven ne plait pas à tous ; des milliers d’employés de Google ont ainsi signé une pétition demandant à l’entreprise de mettre fin à sa collaboration avec le Pentagone. A cela, certains rétorquent que justement, l’objectif de Maven était d’éviter des frappes mal ciblées, et des dégâts collatéraux en optimisant l’efficacité des drones. Gonflé.

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Mais les risques de dérive sont réels. S’il s’agit de classer des images pour présenter ensuite à des analystes humains les plus susceptibles de fournir des informations tactiques, alors il faut être certain (1) que le système ne peut pas être piraté (car on peut « orienter » l’apprentissage) et d’ailleurs (2) qu’il n’y a pas de biais natifs dans la base d’apprentissage.

Revenons sur le « hacking » des systèmes d’IA ; c’est par exemple ce que l’on appelle aujourd’hui des « BadNets » : des réseaux de neurones dont la base d’apprentissage a été volontairement altérée pour introduire des signaux destinés à permettre à un hacker de modifier la réponse du système dans certaines conditions. Ainsi, à titre d’illustration, en utilisant des micro-modifications de pixels, un hacker peut permettre à un système de détection faciale de laisser passer les images de terroristes sans lever d’alarme. Je vous conseille par exemple la lecture de cet article qui démontre comment on peut arriver à faire en sorte qu’un réseau de neurones dont l’apprentissage a été altéré puisse dans certaines conditions prendre un panneau Stop pour un panneau de limitation de vitesse (je vous laisse imaginer les conséquences pour un véhicule autonome).

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Au-delà, cette méthode (utiliser un partenariat avec l’industrie privée pour accélérer le tempo de développement d’une application de défense) illustre bien la philosophie prédominante aujourd’hui : en l’occurrence, c’est la structure DIUX (Defense Information Unit Experimental) située au cœur de la Silicon Valley qui est chargée d’identifier et d’organiser les transferts possibles.

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Une approche qui pourrait fonctionner en France (c’est en tout cas dans la lignée des annonces réalisées autour de l’innovation de défense par la Ministre des armées) – à condition toutefois de mettre en place des dispositifs permettant à l’Etat d’acheter très rapidement des solutions commerciales, pour expérimentation immédiate. Une approche novatrice qui, je le pense, est indispensable pour aller au-delà des intentions, et capturer l’innovation de manière optimale. Faute de quoi, il sera difficile d’établir de véritables passerelles entre ces deux mondes qui aujourd’hui, au-delà des réticences « philosophiques » qu’il ne m’appartient pas de commenter, se côtoient sans véritablement s’intégrer.

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Je suis d’accord, les articles sur les solutions anti-drones fleurissent sans doute un peu trop sur Internet, ainsi d’ailleurs que sur ce blog. J’ai donc tendance à lever le pied sur ce type de sujets – mais pour le coup, l’approche que je vous propose de décrire ici est intéressante. Car plutôt que de détecter la présence d’un drone, il s’agit de savoir si celui-ci vous observe ou non.

Pour ce faire, les chercheurs de la prestigieuse université Ben Gurion à Beer Sheva ont développé une approche originale visant à comprendre ce que le drone observe. La méthode est ingénieuse et repose sur l’analyse du signal radio de transmission des données à la station de contrôle.

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La technique repose sur ce que l’on appelle les « delta frames », une technologie utilisée dans le domaine du streaming vidéo. Pour expliquer simplement le principe, il suffit de comprendre que dans une vidéo, généralement seul un petit pourcentage des pixels diffère entre deux images successives. Evidemment, cela dépend de la complexité et de la dynamique de la vidéo, mais il est plus avantageux, en termes de compression, de ne transmettre que les différences entre images successives en lieu et place des images brutes. Donc si l’on simplifie, si je regarde une maison ou une fenêtre et que je souhaite transmettre l’information, il n’y aura qu’un très petit nombre de pixels qui changera entre deux frames successives.

Le delta framing utilise donc cette approche, en transmettant dans le flux vidéo des P-Frames ou des B-Frames (les premières dites prédictives ne contiennent que les changements par rapport aux frames précédentes, les secondes dites bidirectionnelles sont des P-Frames qui contiennent aussi des informations sur la frame suivante).

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Si l’on intercepte le flux radio de transmission des données par un dispositif assez simple (ci-dessus), on peut tenter de comprendre la nature de l’image, en regardant uniquement l’enchaînement des delta frames. L’idée est d’identifier des « patterns » dans l’enchaînement des frames en provoquant un stimulus artificiel qui sera observé et donc transmis par le drone.

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Dans l’expérience, les chercheurs utilisent un « smart film », en gros un film transparent qui devient opaque lorsqu’il reçoit une stimulation électrique. En faisant clignoter la fenêtre munie du smart film, les chercheurs génèrent un pattern clignotant reconnaissable dans le streaming vidéo, qui permet de déterminer que le drone effectivement observe la maison.

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Là où c’est extrêmement malin, c’est que le système est totalement indépendant de la nature des frames, et donc fonctionne même en présence de trames cryptées. Au passage, l’équipe de Ben Gurion comprend le célèbre professeur Adi Shamir, l’un des inventeurs du système de cryptage RSA.

L’expérience est visible ici (et s’appelle « Game of Drones ») – elle permet de bien comprendre le dispositif :

On voit clairement que le streaming video change de nature selon un pattern donné, lorsque le stimulus est présenté. Alors certains peuvent dire que cela ne fonctionnerait pas en réalité car le pattern serait visible, ou que le drone bougerait trop… En réalité, on peut imaginer une grande variété de dispositifs de « watermarking » qui pourraient exploiter les delta frames, sans que l’observateur ne s’en rende compte (par exemple en générant des variations subtiles dans des longueurs d’onde peu visibles). Evidemment, si le drone capture les images sans les transmettre, l’approche ne fonctionne pas ; c’est l’une des limites du système.

En tout cas l’idée est véritablement innovante, et pourrait constituer la base d’une nouvelle génération de systèmes de détection (sans doute peu onéreux) applicables à des installations sensibles.

Pour les lecteurs intéressés, vous trouverez l’article ici 

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On n’a pas fait plus simple ni plus efficace que le fusil d’assault AK-47, inventé par un certain Mikhail Kalashnikov, décédé en 2013. Rappelons au passage que le 47 correspond à la date de mise sur le marché du fusil « Avtomat Kalachnikova 1947 ». Une arme simple, efficace, robuste et d’un calibre suffisant pour défier même nos forces les plus modernes.

Cette simplicité et cette rusticité, Kalashnikov Concern, société filiale du géant russe Rostec, en a fait sa marque de fabrique. Et elle vient encore une fois de le prouver, avec un nouveau concept d’hoverbike, véhicule volant destiné à équiper les soldats sur le champ de bataille futur.

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Le système, décrit comme « une voiture volante » par la société, est en fait un châssis de tubulures mécaniques équipé de 8 rotors contrarotatifs pilotés à l’aide d’un calculateur. Pas de descriptif officiel, mais l’on devine que la propulsion est électrique, avec des batteries situées sous l’engin. Ce dernier est minimaliste, sans coque de protection, et semble pouvoir être piloté à l’aide de deux joysticks.

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Pour l’instant pas d’armement ni de protection pour le pilote malgré la présentation d’un concept par Kalashnikov (bizarrement non présenté en fonctionnement).

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La vidéo (ci-dessous) mise en ligne par Kalashnikov Concern, montre l’engin évoluant dans l’air de façon assez convaincante.

Toutefois, une telle machine n’aura sans doute pas aujourd’hui une autonomie suffisante : avec une propulsion électrique, et les batteries visibles, elle n’est probablement pas en mesure de tenir en l’air plus de 30 minutes.

Dans la même veine, un autre engin russe a récemment été présenté au public : le Scorpion-3, autre hoverbike piloté.

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Par rapport au kalashnikov, le Scorpion-3 semble quant à lui décidément dangereux. Pas pour les autres (quoique) mais surtout pour son pilote, assis comme sur une moto, avec les jambes au niveau des rotors, position sans doute pratique pour réaliser une double amputation en cas de fausse manœuvre. On n’imagine même pas ce qui pourrait advenir en cas de crash.

Le véhicule (également appelé Hoversurf) est visible sur la vidéo ci-après.

Même si ces deux engins semblent considérablement perfectibles (la sécurité pour l’un, l’autonomie pour l’autre, l’emport de charges utiles pour les deux ainsi que la protection), ils témoignent de la tendance du marché à l’apparition de véhicules hybrides entre un drone et un véhicule piloté, avec un système de contrôle gyrostabilisé permettant un pilotage aisé. Une tendance sans doute pérenne, la simplicité du système Kalashnikov présageant bien d’une certaine démocratisation du concept.

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Dans le contexte de l’augmentation des capacités du soldat, on parle beaucoup de l’utilisation de substances pharmacologiques permettant de stimuler l’endurance ou la concentration. Cela pose évidemment de nombreux problèmes éthiques (une préoccupation que nos pays partagent, au passage, ces barrières morales sont sans doute inexistantes pour nos ennemis, voire certains de nos alliés). Mais d’autres voies sont à l’étude, et notamment une technique appelée stimulation électrique transcrânienne directe.

Cette technique a été étudiée depuis de nombreuses années, dans le cadre de la recherche de solutions à la surcharge cognitive ou surcharge informationnelle. Pour faire simple, durant des opérations militaires complexes ou de haute intensité, les opérateurs sont supposés effectuer plusieurs tâches simultanées dans un contexte de stress, et en traitant des masses importantes d’information. Arrive un point où le cerveau, en surcharge, « décroche », et n’est plus capable de traiter les nouvelles informations qui lui parviennent.

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Pour pallier ce léger inconvénient (!) plusieurs solutions ont été expérimentées, comme – on le disait plus haut – l’administration de substances comme la ritaline, avec des effets secondaires massifs (en gros, cette drogue qui est utilisée pour traiter les symptômes d’hyperactivité et de déficit de l’attention, provoque une dépendance analogue à la cocaïne). La recherche s’est donc orientée vers d’autres voies, en particulier la stimulation électrique du cortex préfrontal, appelée stimulation électrique transcrânienne (en anglais, TCDS pour transcranial direct current stimulation). Les premières expérimentations ont été réalisées en 2016 par les chercheurs de l’US Air Force et de Wright State University (WSU), et ont été publiées dans cet article.

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L’idée est de stimuler à l’aide d’électrodes placées sur le crâne la région correspondant au cortex préfrontal gauche, une zone siège de l’attention, de la planification, de la mémoire de travail et du raisonnement. Un courant de 2mA est appliqué pendant une durée allant de 10 à 35 minutes. Lors des premières expérimentations (utilisant un test attentionnel appelé Multi-Attribute Task Battery (MATB) développé par la NASA – voir image ci-dessous), un groupe ayant reçu la TCDS a très nettement surpassé le groupe témoin.

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Visiblement, le procédé permet au cerveau de stocker plus efficacement les données en mémoire de travail, permettant au sujet de se concentrer sur les nouvelles informations au lieu de constamment passer en revue l’ensemble des signaux de l’environnement. Une étude publiée en 2013 avait montré des effets analogues sur la concentration et la performance d’analystes chargés d’étudier des images de type SAR (Synthetic Aperture Radar) – voir cette référence.

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Si dans cette première étude les chercheurs ont utilisé un système de stimulation baptisé MagStim NeuroConn DC Stimulator – ci-dessus – des expérimentations plus opérationnelles ont également été engagées, notamment auprès des forces spéciales (team six) ou des pilotes de drone. Car ces derniers sont soumis à des tâches longues, fatigantes, stressantes, à un point tel que l’armée américaine a décidé de diviser par deux le nombre de missions planifiées par an, afin d’éviter un « burn-out » de ses pilotes.  Dans ce cas précis, certaines études montrent que la concentration des pilotes peut être maintenue pendant 20h en appliquant la TCDS, alors qu’un groupe test montre déjà des signes de baisse de l’attention au bout de 20 minutes.

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Ces nouvelles expérimentations utilisent un autre type de stimulateur construit par la société Halo Neuroscience – ci-dessus – un casque muni de piques de silicone, enduites d’une solution saline, et capable de stimuler (sans doute moins précisément que dans l’étude de la WSU) le cortex préfrontal. L’armée américaine espère que ce nouveau facteur de forme permettra – si l’expérimentation est concluante – d’utiliser la TCDS « in situ », éventuellement sur un pilote de chasse en situation de pilotage. Pour l’instant, il convient encore d’être prudent, et de valider les effets à long terme – positifs ou négatifs – d’un tel procédé.

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C’est évidemment paradoxal compte tenu de l’histoire militaire des Etats-Unis, notamment dans la Guerre du Pacifique, mais la semaine dernière, lors du salon d’armement Army USA (AUSA), la société américaine Mistral, représentant de la société israélienne Uvision aux Etats-Unis, a présenté un drone kamikaze opérationnel à destination des forces spéciales américaines.

Le principe de ce drone ? Un hybride entre un drone opérationnel et une munition « rodeuse » (loitering en anglais), baptisé Hero. Lancé par un système pneumatique (en gros, un canon à air comprimé), le drone Hero possède tous les attributs d’un drone classique : des commandes de vol, un système de téléopération, un système de caméra… mais aussi une charge militaire explosive.

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Le principe est simple ; le système peut être emporté sur le terrain (au moins dans sa variante appelée Hero 30), pesant moins de 15 kg avec son système de lancement. Une fois en vol, le Hero 30 peut être téléopéré par un opérateur, et possède une autonomie de 30mn.

Mais le drone ne se contente pas d’observer : une fois une cible identifiée, il se transforme en missile afin d’effectuer la neutralisation de son objectif (lire caramélisation, c’est juste un terme un peu plus… sibyllin). Plusieurs versions existent : le Hero 30 avec une charge antipersonnel efficace également sur les véhicules très légèrement blindés, le Hero 40 avec une charge militaire plus importante, et destiné à être lancé à partir d’un véhicule, et le plus imposant Hero 120.

Les drones Hero peuvent en effet être lancés à partir d’un véhicule blindé, ce qui permet d’équiper des unités de reconnaissance d’une plate-forme permettant de lancer une dizaine de drones, quantité estimée suffisante pour neutraliser les unités ennemies de premier rideau. Le Hero 120 quant à lui possède une autonomie d’1 h, une portée de 40km, et une charge de 3.5kg d’explosif suffisante pour faire de l’antichar.

A la différence d’un missile, le Hero possède toutes les fonctions d’un drone : vision jour/nuit, utilisation en environnement non accessible au GPS, autonomie de navigation… Par rapport à une munition classique, l’idée est aussi de pouvoir faire du « handover », soit de la transmission de contrôle : le drone est lancé par un poste opérationnel avancé, et la section de reconnaissance sur le terrain en prend le contrôle pour les phases terminales de la mission.

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Il s’agit donc d’une munition intelligente dite « rôdeuse » car pouvant être déployée dans une zone sans avoir de cible préétablie. En revanche, oubliez le fantasme du robot tueur ou SALA (système d’armes létal autonome) capable d’identifier sa cible et de décider unilatéralement de la traiter. L’autorisation de l’opérateur est requise pour procéder à l’autorisation d’emploi de la charge militaire ; et de toutes façons, je ne connais pas beaucoup d’unités qui se risqueraient sur un théâtre survolé par un robot qui déciderait de lui-même de faire exploser sa charge (il y a des volontaires ??).

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Pour l’heure, l’US Army – en particulier l’US SOCOM, commandement des forces spéciales américaines – procède à des tests opérationnels, en ayant annoncé son vif intérêt pour le système proposé par Uvision. La société annonce d’ailleurs son système Hero 400, nouvelle version du drone kamikaze de 2m de long et 2,4m d’envergure, muni d’une charge creuse en tandem de 10kg.

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Dans la lutte contre le terrorisme, la localisation, détection, et, le cas échéant, interception des communications des téléphones satellites sont des enjeux majeurs. Guère plus imposants que des téléphones classiques, les téléphones satellites utilisent comme leur nom l’indique une liaison satellitaire directe sans devoir passer par des antennes relais. C’est le cas des systèmes les plus connus comme Thuraya ou Inmarsat.

Les téléphones satellites sont utilisés par les officiels, les journalistes, les travailleurs humanitaires, mais aussi par certains terroristes, et par les passeurs de migrants. On se rappelle par exemple des attentats de Bombay en 2008 (photo ci-dessous), attentats coordonnés menés par cinq équipes de deux hommes (mode opératoire similaire aux attentats du 13 novembre 2016 à Paris). On sait maintenant que les terroristes avaient utilisé des téléphones satellites pour coordonner leurs actions et leurs attaques.

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Suivre un personnel équipé d’un téléphone satellite, détecter un groupe terroriste ou identifier et suivre une embarcation de migrants nécessitait jusqu’à maintenant l’utilisation de moyens aériens onéreux. Les industriels comme le leader Rhode & Schwarz ont ainsi développé des moyens SIGINT (SIGnal INTelligence) permettant de détecter et d’intercepter les signaux radio concernés, qu’il s’agisse de SMS, de voix ou de liaisons de données. Ces plates-formes SIGINT sont montées sur des avions ISR (Intelligence, Surveillance, Reconnaissance)  ou des hélicoptères qui survolent la zone surveillée afin d’avoir une bonne couverture radio. Au-delà de la communication elle-même, les résultats sont géolocalisés et reportés sur un système d’information géographique.

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Mais quand les territoires sont étendus comme dans la bande sahélo-saharienne, ou en mer méditerranée (avec la détection des bateaux convoyant illégalement des migrants), le coût d’une telle surveillance aéroportée est prohibitif. De plus, les flottes d’avions SIGINT – souvent la propriété de « contractors » privés comme AirAttack qui proposent des Cessna 550 Citation II  – sont limitées, et extrêmement sollicitées. Il y a donc un intérêt certain à utiliser des systèmes plus petits et plus flexibles, comme les drones. Toutefois, jusqu’à ce jour, les caractéristiques et dimensions des systèmes SIGINT étaient difficilement compatibles avec leur emport sur une plate-forme de type UAV. Une difficulté aujourd’hui surmontée par la société britannique Horizon Technologies.

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Cette société est connue pour son système FlyingFish, développée en partenariat avec le géant américain L3-Communications. Dans sa troisième génération – et sa version aéroportée –  il s’agit d’un système passif de surveillance, permettant de détecter et surveiller simultanément 64 canaux des réseaux Thuraya et IsatPhone Pro (32 canaux surveillés par réseau), avec une portée de surveillance de 400km. Les deux réseaux ne sont pas équivalents : le réseau Isat Phone Pro, en particulier, nécessite un module de décryptage permettant de récupérer la communication, et la position GPS du terminal, ce qui n’est pas le cas du réseau Thuraya. Le système FlyingFish pèse tout de même 16kg, pour des dimensions de 39,2×37,1×24 cm, ce qui le rend difficile à emporter par autre chose qu’un avion ou un hélicoptère.

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Pour pallier cet inconvénient, la société a développé XTender, un module permettant de déporter sur un drone (même un mini-drone) une antenne et un module de calcul relayant les capacités du module FlyingFish. Ce module pèse moins de 5 kg – il est complété par une antenne de moins de 500g, de la taille d’une clé USB, déployable également sur le drone. L’ensemble module/antenne dialogue avec une station FlyingFish à terre.

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L’intérêt de la technologie est également d’être duale : pas de réglementation ITAR ici, seule une licence d’exportation commerciale britannique est requise. Pour le constructeur, le système Xtender peut être utilisé sur des drones de type REAPER ou Spyranger, jusqu’à des minidrones comme les machines ISR d’AeroVironment comme le PUMA (ci-dessous).

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Enfin, la capacité du FlyingFish de pouvoir, de manière passive, surveiller deux réseaux simultanément est susceptible de contrer certains modes d’actions de groupes terroristes, qui pensent échapper à la surveillance en changeant fréquemment de réseau. Plus de 30 systèmes sont déjà déployés aujourd’hui sur des plates-formes aériennes au sein de l’OTAN – un nombre susceptible de croître considérablement grâce à l’emploi de ces mini-drones « ISR ».

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Nous avons l’habitude de beaucoup parler de drones dans le cadre de ce blog, car oui, les drones sont à la mode, et leur application au monde de la défense connaît un développement explosif. Dans ce paysage, peu de réelles nouveautés. Les drones multi-rotors se ressemblent tous, avec généralement une structure en carbone ou en aluminium, et une envergure relativement importante (particulièrement si l’on souhaite les emporter sur le terrain). Peu d’originalité donc, la plupart des fabricants se concentrant essentiellement sur les systèmes de guidage, de planification de mission, ou sur la charge utile. Et ces drones sont fragiles, ce qui limite leur utilisation dans un contexte opérationnel exigeant.

L’innovation que propose DIODON, jeune société toulousaine créée en mars 2017 (après tout de même deux ans de recherche et développement de ses fondateurs – nous y reviendrons), c’est de modifier la structure même du drone afin de le rendre tout-terrain.

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Leur technologie permet en effet de développer des drones aériens multi-rotors à structures gonflables. A l’origine, c’est l’inspiration du Kite-Surf, hobby de l’un des fondateurs, qui a permis d’imaginer le concept : un drone qui se déploie en quelques secondes, par un seul opérateur muni d’une pompe légère. Les bras du drone se gonflent très rapidement pour former une structure robuste et incassable.

Initialement, la société avait imaginé cette technologie de drone tout-terrain pour le grand public et en particulier les sportifs, mais elle a récemment pivoté, afin de réorienter son innovation vers le marché professionnel en visant notamment les secteurs de l’industrie, de la sécurité et de la défense. Un mouvement courageux, et pas si courant que cela, dans le domaine des startups où le grand public est généralement vu comme plus rémunérateur que le marché professionnel.

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Malgré son apparente simplicité, ce concept nécessite une bonne dose d’ingénierie, car il s’agit de pouvoir garantir la précision de l’assemblage du drone, et notamment sa précision de pilotage, en utilisant des structures souples qui sont, par définition, difficiles à manier avec précision. D’où les deux ans de R&D nécessaires avant de fonder la société, et le dépôt d’un brevet sur le procédé.

Mais quels sont finalement les avantages d’un drone gonflable ? En premier lieu, la facilité de transport : le drone est léger, très compact lorsqu’il est dégonflé, et donc facilement transportable par un seul homme, en plus de son équipement usuel. Mais c’est aussi la robustesse : le drone peut atterrir sans dommage (il est son propre airbag), quel que soit le terrain : terrain accidenté, neige… ou même sur l’eau. Le DIODON est donc un drone ultra-portable, ultra-robuste et amphibie (il va sur l’eau comme sous la pluie), capable d’être déployé en quelques secondes dans toutes les conditions, mêmes les plus difficiles.

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La start-up propose donc aux militaires et aux acteurs de la sécurité civile (pompiers, sauveteurs en montagne, forces de l’ordre) des solutions de reconnaissance et de surveillance en conditions difficiles. Pour atteindre ces clients exigeants, elle s’appuie sur une offre reposant sur la combinaison de différents vecteurs et charges utiles (voir le tableau ci-dessous).

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Les charges utiles sont diverses : caméras Full HD, FLIR, Vision nocturne ou même IA embarquée (nous y reviendrons)… Chaque DIODON dispose de sa station sol dédiée, avec retour vidéo et position GPS, interface tactile et contrôle manuel, et lien crypté. La portée est de 10km ce qui est amplement suffisant pour une grande variété d’applications.

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Dernière originalité de ce projet : les deux fondateurs sont en fait encore étudiants à l’Isae-Supaéro, et réussissent le prodige de développer cette activité en parallèle de leurs études. Chapeau. Voici un petit film réalisé à l’occasion du SOFINS, et qui présente la société.

La société DIODON (de son nom complet DIODON Drone Technology) souhaite étendre son offre à des applications SAR (Search & Rescue) en milieu alpin. En ce sens des démonstrations vont être organisées d’ici le début du mois de septembre dans des stations de ski des Pyrénées. Elle a participé (outre le SOFINS) au salon international de l’air et de l’espace du Bourget. Plusieurs régiments français et étrangers ont déjà évalué l’efficacité de la solution dans le cadre d’exercices en conditions réelles.

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La société DIODON fait partie des sociétés labellisées dans le cadre du programme GENERATE du GICAT – nous présenterons bientôt d’autres sociétés labellisées. Quand je vous disais que la France n’a pas à rougir de sa base industrielle et technologique de défense…

Pour contacter DIODON, suivre ce lien. Pour tout renseignement sur GENERATE, voici le chemin.

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Je sors un peu des nouvelles aéronautiques malgré la tenue du salon du Bourget (qui fut… chaud)  pour vous rafraîchir et m’intéresser au monde sous-marin, et en particulier à celui de la propulsion des drones sous-marins. Car l’essor actuel des véhicules robotisés cache également une difficulté majeure : assurer l’énergie nécessaire à leur propulsion, en particulier lorsqu’il s’agit de véhicules sous-marins. En effet, les drones sous-marins ou UUV (underwater unmanned vehicles) nécessitent de plus grosses batteries que leurs homologues aériens, avec une difficulté majeure : aujourd’hui, des batteries Lithium-ion de grosse capacité ont la fâcheuse tendance à prendre feu inopinément. Surtout en présence d’air, ou d’eau (voir le film ci-dessous).

Il y a donc un véritable enjeu à disposer de batteries plus compactes, mais restant puissantes, et plus endurantes afin d’assurer un rayon d’action important pour les UUV.

Une spin-off du MIT (Massachussetts Institute of Technology), baptisée OWP pour Open Water Power pourrait être sur la bonne voie – ils en sont en tout cas convaincus. Leur solution ? Une batterie reposant sur l’utilisation de l’aluminium…et de l’eau de mer.

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Le principe est le suivant : la batterie (qui est en fait une pile à combustible) repose sur trois éléments : une anode en alliage d’aluminium actif et de nickel, un électrolyte alcalin et une cathode à émission d’hydrogène. Pas de risque d’incendie ici; il n’y a pas de lithium. Et tant mieux car une fois immergée, l’eau de mer est injectée à l’intérieur de la batterie.

L’anode est  essentiellement constituée d’aluminium et d’autres métaux non toxiques qui ont deux effets : permettre la réaction avec de l’eau de mer, tout en inhibant la corrosion de l’anode elle-même (faible réactivité en présence d’eau salée). L’image ci-dessous montre la structure de l’anode, en microscopie électronique à balayage (anode partiellement corrodée).

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La cathode maintenant : elle permet de décomposer l’eau de mer en ions hydroxydes et en hydrogène gazeux. Plusieurs variantes de la cathode existent. La première photo montre la surface (en microscopie électronique à balayage) d’une cathode composée de platine plaqué sur du titane :

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La seconde image présente une cathode constituée de nickel plaqué sur du carbone.

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L’image ci-dessous montre l’électrolyte (en l’occurrence l’eau de mer), avec les bulles d’hydrogènes générées par la réaction.

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Pour les plus chimistes d’entre vous, voici le principe global de la batterie.

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Les avantages : des produits résiduels non toxiques, mais surtout une efficacité accrue (voir ci-dessous)

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Avec comme conséquence un rayon d’action des UUV dotés de telles batteries augmenté d’un facteur 10. A titre d’illustration, l’image ci-dessous montre le rayon d’action d’un système classique (en rouge) et d’un système théorique muni d’une batterie OWP (en noir) dans le cas d’usage d’un drone réalisant des opérations dans le domaine pétrolier et gazier, dans le golfe du Mexique. Edifiant. Et ceci sans tenir compte du fait qu’une mission pourra elle-même durer plus longtemps, en particulier en travaillant en grande profondeur.

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Les premiers contrats d’OWP ont été signés avec le ministère de la défense américain, et concernent essentiellement l’adaptation de cette technologie à des systèmes UUV emportés par des plongeurs-démineurs. Comme le dit la société elle-même, les meilleurs cas d’usage concernent des UUV menant des missions longues, ne nécessitant pas une trop grosse force de propulsion sous-marine. Ce qui en fait une technologie de choix pour des missions de reconnaissance ou de renseignement…

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Le concept s’appelle « Loyal Wingman » est fait partie d’un programme baptisé RaiderII, et conduit par le laboratoire de recherche de l’US Air Force (Air Force Research Lab) et de la célèbre équipe « Skunkworks » de Lockheed Martin. Pour mémoire, Skunkworks est le surnom du département célèbre de Lockheed Martin dont le nom officiel est Advanced Development Programs (ADP), responsable du développement d’avions mythiques tel que le SR71 Blackbird, ou le F117. Nous avons déjà parlé de certains projets de Skunkworks comme le ARES VTOL (voir cet article)  ou le Hybrid Airship (voir celui-ci)

Le concept de « Loyal Wingman », c’est de réaliser un couplage entre un avion de chasse opéré par un pilote humain, et un avion dronisé, sans pilote à bord. L’idée est ainsi de pouvoir disposer de groupes d’UCAV (unmanned combat air vehicles, soit des drones aériens) capables de voler de concert avec des avions pilotés, et d’emporter des capacités additionnelles, notamment en termes d’armement. Le projet est destiné notamment à fournir des « équipiers robotiques » aux F-35 et F-22.

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Une nouvelle étape de ce programme a été atteinte il y a quelques jours, avec une démonstration mettant en œuvre un F16 expérimental robotisé. Selon Lockheed Martin, l’expérimentation a consisté en une conduite de mission incluant une perte de communication, une déviation par rapport au plan de vol initial, et – c’est une première – une mission de frappe contre le sol réalisée par le F16 robot en autonomie.

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L’US Air Force dispose d’un certain nombre de F16 robotisés (ci-dessus), mais jusque-là, ces derniers étaient essentiellement utilisés comme des cibles d’exercice autonomes (quand on a des sous…), une pratique héritée des F-4 Phantoms déclassés du Vietnam, utilisés de la même manière. Mais ici, on parle bien d’un avion disposant d’une IA embarquée, et capable de piloter de manière autonome, en respectant des consignes de haut niveau communiquées par son ailier humain. Un programme qui s’inscrit en toute cohérence avec la stratégie américaine du « troisième offset » dans laquelle l’intelligence artificielle et la robotique sont centrales.

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L’expérience s’est déroulée sur le terrain mythique de EAFB (Edwards Air Force Base), que tous les aficionados du film « l’Etoffe des Héros » (je ne peux même pas imaginer que vous ne connaissiez pas ce film, sinon filez le voir d’urgence) connaissent. Elle visait principalement à démontrer la capacité de l’ailier automatique à s’adapter à son environnement, et en particulier à des menaces simulées dynamiques, dans le cadre d’une mission de combat air-sol.

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Il s’agit de la seconde expérimentation (la première, Raider I, était centrée sur le vol en essaim et l’évitement de collision). Elle a montré la capacité du F16 robot à poursuivre sa mission en cohérence avec son ailier humain, et à réaliser la frappe contre le sol. Elle a également démontré la pertinence de l’environnement logiciel embarqué OMS (open mission system développé par l’US Air Force), capable de gérer des composants développés par des fournisseurs très différents, et rapidement intégrés au sein d’une architecture cohérente, une fonction qui sera déterminante dans la capacité à développer de futurs modules logiciels pour un tel programme.

Au-delà, cette expérimentation montre la capacité à s’appuyer sur un système autonome, assistant  le pilote, pour décharger ce dernier de tâches cognitives prenantes, en lui permettant de se focaliser sur la gestion de sa mission globale. Et non, on ne parle pas d’un « avion de combat intelligent » mais bien d’un système adaptatif et autonome dans le cadre d’une mission précise, et totalement subordonné au pilote. Ce n’est pas demain qu’un avion robotisé sera qualifié chef de patrouille !