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Même si le nom ne fait pas forcément vendeur en français, le nouveau drone de Northrop Grumman est loin d’être fade. Il s’appelle TERN, pour Tactically Exploited Reconnaissance Node (oui, il n’y a pas que la DGA qui peut trouver des acronymes) et a été développé pour le compte de la DARPA et de l’ONR (Office of Naval Research). Ce nouvel appareil – drone MALE pour Medium Altitude, Long Endurance – est destiné à être transporté sur des navires militaires, pour conduire des missions de reconnaissance et de soutien.4

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Première particularité, il peut décoller verticalement comme un hélicoptère, avant de basculer comme un « tilt rotor » et de passer en propulsion horizontale – l’atterrissage se fait également en mode vertical. Il possède un rayon d’action d’environ 1110 km – bon, c’est ce qui est prévu car l’oiseau est encore en phase de développement. Le drone possède une capacité de transmission de données par liaison satellitaire, et embarque une charge utile pouvant peser jusqu’à 450kg – les concepteurs imaginent bien entendu des capteurs variés, des systèmes de guerre électronique, mais aussi des charges militaires comme l’emport de missile pouvant procurer à l’engin des capacités d’appui de troupes au sol, ou à la mer.

L’idée d’un décollage vertical puis d’une transition en propulsion classique et d’un atterrissage vertical (VTOL pour vertical take-off and landing) à partir d’un navire n’est pas nouvelle – voir par exemple ci-dessous le célèbre Convair XFY-1, surnommé « pogo » qui s’est révélé trop complexe à piloter, mais qui jetait déjà les bases d’un concept tilt-rotor/VTOL. Mais le TERN présente aujourd’hui nombre de caractéristiques similaires au XFY-1, comme son aile delta et ses hélices contrarotatives. Néanmoins, à la différence d’un « tilt rotor » classique, c’est le mouvement de l’avion qui lui permet de passer à l’horizontale, et non l’inclinaison des propulseurs.

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Le programme est aujourd’hui dans sa troisième phase (voir la video ci-dessous) mais les concepteurs ne souhaitent pas révéler ses caractéristiques finales (envergure, vitesse, …). La Marine américaine le décrit simplement comme le « plus gros appareil capable de rentrer dans le hangar d’un destroyer ».

Même si les dimensions finales ne sont pas connues, j’ai trouvé cette photo qui représente le hangar de Scaled Composites (une filiale de Northrop Grumman) avec un prototype de TERN en cours d’assemblage qui donne une idée de taille – et au passage indique que le véhicule est construit en matériaux composites.

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Le TERN est capable de décoller de n’importe quel vaisseau muni d’une plate-forme de type Helipad, mais la DARPA a souhaité également pouvoir le faire embarquer sur d’autres navires, et pour cela a développé un concept original de bras opérateur robotisé, une innovation en soi. Le système s’appelle SideArm (ci-dessous), et est destiné à équiper des navires non munis de plates-formes hélicoptères.

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Le principe est simple : le bras robotisé est muni d’un rail pour déployer et propulser le drone. Il est également muni d’un filet pouvant récupérer un engin pesant jusqu’à 500 kg (le rail jouant en ce cas le rôle d’amortisseur)– ce qui nécessitera donc une adaptation pour l’utiliser avec le TERN. La vidéo ci-dessous présente le concept, également en cours de développement.

La robotique est donc bien en passe de révolutionner les opérations, puisque l’on voit apparaître des systèmes de robots, combinant leurs automatismes pour fournir une nouvelle capacité. Il est certain que les prochaines années verront le développement de concepts qui pouvaient autrefois paraître surréalistes, mais qui, aujourd’hui, convergent pour accompagner et soutenir les opérations conventionnelles. Une nouvelle ère s’ouvre.

 

 

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Je l’admets, pour un retour de vacances, le titre est quelque peu sibyllin… Explication : des chercheurs travaillant avec l’Office of Naval Research américain (un tout petit laboratoire puisqu’il a un budget de seulement – ! – 1,7 milliards de dollars) viennent d’annoncer avoir utilisé des bactéries génétiquement modifiées pour créer des filaments plusieurs milliers de fois plus fins d’un cheveu, et capables de conduire de l’électricité.

Ce faisant, il s’agit de trouver une voie alternative à l’utilisation de techniques chimiques de nanoélectronique. En l’occurrence, le chercheur Derek Lovley de l’Université du Massachussets (et détenteur d’un contrat avec l’ONR) a utilisé une protéobactérie appelée Geobacter Sulfurreducens, déjà connue pour pouvoir oxyder des matériaux comme le fer, les composés organiques, ou même certains métaux radioactifs.

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A l’état naturel, cette bactérie produit des « pili », soit des nanofilaments nanométriques, qui lui permettent de réaliser une connexion électrique entre elle et son substrat (ce sur quoi elle pousse), typiquement des oxydes ferreux. Ces filaments lui permettent de communiquer avec d’autres congénères, et de former un « biofilm » à la surface du substrat. D’où l’idée d’utiliser ces bactéries pour transporter une plus grande quantité d’électricité, à l’échelle nanométrique.

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Les chercheurs de l’ONR ont donc remplacé deux gènes dans le génome de la bactérie (afin qu’elle utilise un acide aminé appelé tryptophane, ayant des capacités supérieures de transport d’électrons à l’échelle nanométrique) avec un résultat impressionnant. Car le Geobacter ainsi « optimisé » est capable de produire des nanofilaments 2000 fois plus conducteurs que la bactérie originelle, mais également plus fins : 1,5 nm de diamètre (soit 1/60 000 du diamètre d’un cheveu) ! On parle donc de la capacité de générer des milliers de nano-câbles électriques extrêmement conducteurs, sur une surface très réduite.

Maintenant, pourquoi en parler dans ce blog ? Tout simplement parce que les applications sont très nombreuses, dans le civil (en particulier dans le médical, pour développer des nano-capteurs) comme dans le domaine militaire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’ONR a financé cette recherche.

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L’application de ces nanofilaments à l’ingénierie de nano-capteurs ou nano-détecteurs est évidemment l’aspect le plus immédiat. On peut ainsi envisager le développement de nano-détecteurs, utilisant des microbes liés à un substrat de silicium, et alimentés en énergie par les nanofilaments, afin de pouvoir détecter des substances toxiques, chimiques ou explosives. Et la petite taille de ces détecteurs pourrait permettre d’en placer une grande variété sur des micro-drones.

Mais imaginez aussi des nanofilaments bactériens apportant une stimulation électrique à des microbes capables de générer, n’importe où, du carburant (en l’occurrence du butanol)… Ce n’est pas de la science-fiction, certaines bactéries, comme la bactérie Clostridium, E. Coli ou même la levure, ont la capacité de générer du n-butanol. Mais certaines peuvent le faire en utilisant l’électricité afin de convertir le dioxyde de carbone, produisant ainsi des dérivés. On appelle cela l’électrosynthèse microbienne. On peut ainsi imaginer des « batteries de bactéries » génétiquement optimisées, alimentées en électricité par les nanofilaments de Geobacter, et capables de produire du carburant sur le théâtre d’opérations, notamment dans des bases avancées, difficiles d’accès. Si, je vous assure, c’est sérieux.

Pour pouvoir réellement exploiter ces nanofilaments, un peu de recherche reste nécessaire, notamment afin de stabiliser leurs protéines. L’ONR continuera à financer ces travaux, dont les applications ouvrent une nouvelle ère, celle de la bioélectronique, une véritable rupture technologique et capacitaire.

 

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Les imprimantes 3D ont déjà fait l’objet de plusieurs articles dans ce blog – c’est ce que l’on nomme la fabrication additive, consistant à pouvoir élaborer des composants parfois complexes, en utilisant de telles imprimantes. Il s’agit toutefois d’une tendance de fond, et non d’un phénomène de mode, comme le prouve la récente annonce faite par l’ONR (Office of Naval Research). L’ONR va en effet bientôt rencontrer 200 représentants de l’industrie, afin d’examiner les possibilités offertes par cette technologie.

L’objectif est de pouvoir donner aux bâtiments de l’US Navy la capacité de réaliser des composants, en particulier des pièces de rechange, lorsqu’ils sont en mer. Le but est de diminuer les temps d’indisponibilité pour maintenance, d’éviter d’embarquer trop de pièces à chaque mission, et d’être capable d’assurer la disponibilité de pièces rarement utilisées, très spécifiques et donc difficiles à produire en grandes quantités (dans l’image ci-dessous, une pièce de rechange pour un avion de reconnaissance maritime P3 Orion).

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Bien évidemment, dans ce cadre, les classiques imprimantes capables de générer des pièces en plastique ne suffisent pas. On parle en effet de pouvoir imprimer des pièces en acier, titane, ou aluminium.

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Pour ce faire, différentes technologies existent, par exemple la technologie connue sous le nom de EBAM (Electron Beam Additive Manufacturing). Il s’agit, à partir d’un fichier numérique, de concevoir une pièce qui sera ensuite créée par dépose successive de différentes couches de métal, en utilisant un faisceau d’électrons. L’intérêt de ce faisceau extrêmement focalisé (en utilisant un système de contrôle électromagnétique) est de pouvoir faire fondre un fil d’alliage ou de métal, avec une précision de dépose extrême. Il ne s’agit donc pas d’une technologie utilisable par tous, comme les imprimantes 3D classiques, bien que le domaine connaisse aujourd’hui une certaine démocratisation. La vidéo ci-dessous illustre le procédé :

L’utilisation de telles techniques à la mer nécessite de faire évoluer les technologies en termes de qualité et de performances mais aussi de sécurité. En effet, les machines capables d’imprimer des pièces de métal utilisent de la poudre d’aluminium ou de titane, un composé extrêmement inflammable. En sus, l’US Navy s’intéresse à des imprimantes de la taille de réfrigérateurs, capables d’imprimer de petites pièces en polycarbonate. Comme le dit un représentant de la marine américaine « ce ne sont pas les pièces à 100 000$ qui posent problème, mais les pièces en plastique à 1$, qui ne sont pas disponibles en stock ».

Vous trouverez la description et le formulaire de participation – pour peu que vous soyez citoyen(ne) américain(e) – à la journée organisée par l’ONR  ici.

 

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Encore une innovation de l’Office of Naval Research (ONR) américain: le SPINEL. Ce matériau correspond à de l’aluminate de magnésium – MgAl2O4 (oxyde de magnésium et d’aluminium); il est bien plus résistant que le verre, vis à vis de l’érosion, possède une dureté remarquable. En réalité, le Spinel est connu depuis fort longtemps en joaillerie: on l’appelle la spinelle, et il s’agit d’une pierre fine.

Ce matériau était connu depuis longtemps dans d’autres métiers, en particulier en raison de son faible poids, un atout évident pour l’utilisation en environnement contraint, comme l’aéronautique et le spatial. Mais pour la première fois, l’ONR a réussi à concevoir et fabriquer de la spinelle parfaitement transparente, en utilisant une technique de presse chaude, sous vide, à partir de poudre de nanoparticules.

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Dans les bonnes conditions, il devient possible de supprimer l’air piégé dans le mélange: le résultat est parfaitement transparent. Ce nouveau matériau conserve donc toutes les propriétés de la spinelle classique, mais possède également des propriétés optiques remarquables, comme celle de laisser passer les rayonnements infrarouges. Et contrairement au verre, une craquelure ne se propage pas, le matériau étant polycristallin, l’énergie de cassure se dissipe très rapidement ce qui empêche la propagation.

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La spinelle permet donc de concevoir des vitres blindées pare-balles, pour la moitié ou le tiers du poids classique.

Le fait de laisser passer les infrarouges permet d’utiliser la spinelle dans le domaine de la protection des caméras infrarouge; le verre ne permettant pas de le faire, jusqu’à maintenant, le recours à des matériaux exotiques, donc coûteux, était l’unique alternative.

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De la même manière, la spinelle peut être utilisée pour les orifices de sortie LASER, puisqu’elle ne comporte pas d’impuretés (susceptible de chauffer lors du passage du rayon).

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L’utilisation d’une technique de presse, à partir d’une poudre de nanoparticules, permet de concevoir des verres de spinelle de formes variées : il devient ainsi possible de concevoir directement un dôme optique dans ce matériau. Une expérimentation est en cours, afin de concevoir des visières avec  affichage tête haute, à l’épreuve des balles. La dualité de cette recherche est évidente; nul doute que la spinelle transparente synthétique se retrouve rapidement dans les écrans de nos smartphones…

Photos (c) Office of Naval Research

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Un feu d’artifice pour célébrer la recherche en technologie de défense ou les presque 22 000 visites sur ce blog ? (si, si).

En fait, il s’agit d’une magnifique photo en vitesse lente d’un tir de l’EM Railgun, dont nous avons déjà parlé dans cet article. Bon week-end à tous.

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Lors de l’Expo « Naval Future Force Science and Technology », qui s’est tenue en février dernier à Washington , le canon électromagnétique (EM Railgun) de l’US Navy a été présenté au public pour la première fois. Ce programme pluriannuel a débuté en  2005 – l’ambition était alors de développer une arme à longue portée permettant de tirer des projectiles en utilisant l’énergie électrique, au lieu de l’énergie chimique (explosion). Pour ce faire, le principe est simple : des champs magnétiques sont utilisés afin de propulser un conducteur métallique entre deux rails (railgun) afin de lancer un projectile à une vitesse avoisinant les 9000 km/h (non, pas d’erreur dans le chiffre). Une vitesse minimale de Mach 6 est envisagée, avant d’atteindre ce chiffre.

Ce système d’arme est initialement développé pour l’emploi naval : il permet d’avoir une puissance embarquée permettant d’envisager des frappes à plus de 400km, ce qui nécessite de dépasser les 32 Mégajoules d’énergie (pour donner une idée : une mégajoule d’énergie est équivalente à l’énergie d’une voiture d’une tonne, voyageant à 160km/h)

Conduit par l’Office of Naval Research avec des grands industriels tels que BAE systems et General Atomics, le programme a permis de développer un prototype capable d’envoyer à 160km et à Mach 5 un projectile d’une vingtaine de kilos (soit 32J d’énergie nécessaire) – le test a été réalisé en 2012 et il est impressionnant comme le montre la vidéo ci-dessous.

En février dernier, le prototype a donc été présenté au « grand public », comme le montre la photo ci-dessous

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Les futurs tests auront lieu en dehors du laboratoire, en 2016 et 2017, à la fois à partir de plateformes marines et terrestres.  La vidéo ci-dessous présent un résumé de l’expo 2015 EXPO (dans laquelle figure d’ailleurs le système de caisse à sable virtuelle ARES décrit dans cet article)