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En mars dernier s’est déroulée une expérimentation novatrice (dans son sujet comme dans sa forme) dans le domaine de la robotique terrestre avec le soutien de l’Agence Innovation Défense. Retour sur cette opération et son contexte.

L’armée de Terre emploie déjà fréquemment des robots de petite taille pour la lutte contre les engins explosifs improvisés au sein de l’arme du Génie. Elle ambitionne aujourd’hui de développer un axe robotique plus large au sein des unités SCORPION. Dans le cadre de la feuille de route SCORPION validée par la ministre des Armées en mai 2018, la Direction générale de l’armement (DGA) et l’armée de Terre préparent l’acquisition, cet été, de micro robots de reconnaissance au profit de l’Infanterie et du Génie.

En parallèle, l’État-major de l’armée de Terre (EMAT) et l’Agence de l’innovation de défense (AID) ont réalisé, avec l’appui des experts techniques de la DGA, une expérimentation opérationnelle d’une semaine au Centre d’entraînement en zone urbaine (CENZUB) avec plusieurs robots téléopérés de grande taille (classe 500 kg à 4 tonnes) provenant de quatre industriels: Arquus (robot Dagger), Tecdron (robot Sentinel), Nexter (robot Optio) et Shark Robotic (robot Colossus et mule Barakuda) Il s’agissait, en accomplissant des missions tactiques simples, d’identifier en quoi et comment l’emploi de robots, tels qu’ils sont actuellement, peut influencer la manœuvre tactique. L’expérimentation a d’ores et déjà permis de recueillir de précieux enseignements d’ordres technique, organisationnel et opérationnel. La vidéo ci-dessous présente un résumé de cette opération.

Cette expérimentation est conduite en complément des travaux déjà réalisés par la DGA dans le cadre du démonstrateur FURIOUS ou des études pour le développement de briques technologiques comme l’autonomie de navigation ou la coopération multi-robots. Elle permet notamment d’affiner la réflexion sur les usages des robots téléopérés en conditions réelles et contribue à préparer l’acquisition des robots SCORPION.

L’AID et l’EMAT planifient, d’ores et déjà, de poursuivre leurs expérimentations en projetant en opérations extérieures, dès 2020, quelques robots à vocation transport de charge et observation. L’AID, s’appuyant sur l’Innovation Défense Lab (dont je parlerai bientôt), accompagne l’armée de Terre dans la construction et le financement de ce projet comme dans la préparation des phases ultérieures de cette expérimentation.

Ces études et expérimentations s’inscrivent dans le cadre plus large d’une politique ministérielle d’investissement, portée par la Loi de programmation militaire, au profit de la modernisation des équipements et des innovations technologiques.

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Bonjour à tous. Comme j’ai eu l’occasion de le signaler dans un précédent post , je ne puis plus continuer pour l’instant ce blog de la même manière qu’auparavant. Pour autant, l’Agence de l’Innovation ainsi que les autres acteurs du ministère (DGA, EMA, SGA…) sont actifs, et je vais donc utiliser ce blog pour relayer les différentes actions ou initiatives que nous menons, et vous tenir au courant des réflexions de l’Agence.

Je commence donc aujourd’hui, en relayant deux appels à projets de l’Agence :

  • Un appel à partenariats à destination des acteurs civils de l’écosystème d’innovation et de soutien à l’entreprenariat (fonds d’investissement, incubateurs, accélérateurs etc.). Il est visible ici
  • Un appel à projets avec le soutien de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) et de l’Armée de l’Air, portant sur l’amélioration des techniques de contrôles non destructifs des aéronefs dans le cadre de la maintenance aéronautique. Voici la page de description.

J’en profite pour vous rappeler la page Internet (en attendant) officielle de l’Agence d’innovation de défense: https://www.defense.gouv.fr/aid. A bientôt sur la fréquence.

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Comme chaque année se tenait la semaine dernière le désormais incontournable rendez-vous de l’innovation à la DGA : le forum DGA Innovation auquel j’ai eu la chance d’assister (c’est un peu comme laisser un gamin dans un magasin de jouets, en ce qui me concerne). Je souligne l’excellente organisation de cet événement qui, une fois de plus, a permis de mettre en avant les travaux des chercheurs, des ingénieurs, voire les innovations imaginées par les opérationnels eux-mêmes, avec la présence de la MIP (Mission pour l’Innovation Participative) des armées.

Parmi les différentes thématiques, on trouvait entre autres les matériaux, la perception, la santé, la transformation digitale, les radars, la robotique (la liste n’est pas exhaustive), mais aussi une forte thématique sur l’énergie avec quelques innovations notables. Je suis forcé de faire un choix, voici donc mon « top 3 » sans ordre particulier.

On commence avec GENALT, un réseau électrique intelligent pour les camps d’OPEX, présenté par Engie Inéo. La problématique est la suivante : en OPEX (opérations extérieures), la production d’électricité sur les bases militaires est en majeure partie assurée par des groupes électrogènes (afin de conserver une autonomie par rapport aux autorités locales). Ces groupes nécessitent de grandes quantités de de carburants de plus en plus chers et difficiles à acheminer. GENALT est une « smart grid » : un système de gestion intelligent des énergies qui permet par le biais de dispositifs de stockage et d’énergies alternatives (solaire par exemple), de réduire la dépendance des armées aux carburants fossiles.

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Outre la complexité de gérer intelligemment les différentes sources de production d’énergie, GENALT doit être utilisable facilement ; les concepteurs ont donc conçu une IHM permettant de raccorder simplement les panneaux photovoltaïques ou les systèmes de production d’énergie éolienne, ainsi que les périphériques de stockage (batteries, volants inertiels…).

Le système permet d’acquérir et d’analyser les données électriques afin d’optimiser la consommation des groupes électrogènes (les premiers résultats montrent une économie de consommation de carburant entre 25% et 100%) tout en réalisant une optimisation énergétique du site. Ce projet de 24 mois a permis de mettre en place un démonstrateur sur la base Villars à Canjuers (voir ci-dessus) – ce démonstrateur sera testé en OPEX en 2018.

Toujours côté énergie et côté OPEX, on peut mentionner le projet SOLTHAIR réalisé avec la société H2P systems et Solution F. Il s’agit d’une centrale thermique solaire à concentration de 10kW déployable en OPEX. Le principe est original puisqu’il repose sur l’utilisation d’un moteur à air chaud (ci-dessous).

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La société H2P a en effet développé un dispositif de récupération d’énergie à partir de la chaleur moteur. Ce procédé est basé sur un cycle thermodynamique (qui fait l’objet d’un brevet) qui récupère de la chaleur pour la convertir en puissance mécanique sans entraîner une consommation de carburant supplémentaire. La vidéo ci-dessous explique le concept.

Dans le cas du système SOLTHAIR, c’est une centrale solaire transportable en container qui permettra de chauffer l’air dans le moteur H2P, entraînant la génération d’une puissance mécanique pouvant activer un alternateur. Evidemment, le principe réserve l’utilisation de ce système aux OPEX dans des pays connaissant une forte insolation, mais…en gros, c’est le cas dans la majeure partie des OPEX actuelles.

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Enfin, si vous vous rappelez de cet article, nous avions déjà parlé des piles à combustible permettant de générer de l’hydrogène à la demande par hydrolyse de borohydrure. Cette fois-ci, le projet MORPHY développé avec SAFRAN Electronics & Defense et la société MAHYTEC (respectivement Caroline Senzier et Pascal Robinet) vise à développer un système de stockage d’hydrogène, qui, combiné la pile SESAME II, pourra alimenter le fantassin en énergie électrique.

L’innovation réside tout d’abord dans la nature du système de stockage. En l’occurrence, les concepteurs ont développé un système de stockage solide fondé sur l’utilisation d’un hydrure métallique adapté aux conditions thermiques et de pression.

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Il s’agit d’un système rechargeable facilement, et surtout dans un facteur de forme modulaire, une structure souple que l’on voit dans les différentes photos, agrégeant différents modules de stockage. En termes de sécurité, il s’agit d’un système à basse pression, qui élimine les risques évidents à stocker de l’hydrogène haute pression sur un combattant (pas une bonne idée, en effet).

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Lors du forum, un prototype était présenté, et permettait de recharger un smartphone sans aucun problème (pour info, non ce n’est pas le nouveau logo de Safran :)). On se dirige donc vers un système complet permettant de contribuer à une augmentation d’autonomie en énergie du fantassin en tenant compte de l’ensemble du contexte de ses missions.

Suite de la visite du forum dans de prochains articles…

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Dans le contexte actuel de transformation profonde de l’Etat, et au moment où la nouvelle ministre des armées prend ses fonctions, je me permets un petit billet d’humeur sur le sujet de l’innovation technologique de défense, avec en toile de fond l’exemple – non limitatif – de l’intelligence artificielle.

Rappelons tout d’abord que la France a des atouts incontestables dans le domaine de l’innovation. C’est une nation majeure des mathématiques avec 13 médailles Fields décernées à des chercheurs français, elle possède une DGA, une particularité française, composée d’ingénieurs spécialisés dans les domaines de la défense et de l’armement. Elle siège au conseil de sécurité des Nations-Unies et possède une dissuasion nucléaire crédible. Malgré sa taille en regard de nos amis américains, russes ou chinois, la France tient son rang dans le domaine spatial (qui est loin d’être un sport de masse comme l’a montré l’échec du programme spatial brésilien), elle possède le second domaine maritime mondial, elle compte un écosystème dense de start-ups, de PME et de champions industriels, bref, nous ne sommes pas ridicules.

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Mais aujourd’hui, l’innovation de défense est faite de ruptures (les nanotechnologies, la fabrication additive, l’internet des objets, …), de convergences, mais aussi de « game changers », d’innovations tellement critiques qu’elles conféreront aux pays qui les détiendront un avantage stratégique majeur. Et il est absolument indispensable de ne pas faire l’impasse sur ces « game changers », comme nous avons pu le faire dans le passé. L’exemple le plus illustratif, c’est le retard du programme français dans le domaine des drones (je ne commenterai pas).

Prenons l’exemple de l’intelligence artificielle qui est particulièrement illustratif. En soi, l’IA n’est pas un domaine nouveau. Les théories à l’origine de l’essor du « Deep Learning » (apprentissage profond automatique permettant à un ordinateur de faire de la reconnaissance vocale, de la reconnaissance faciale, la vision par ordinateur etc…) étaient connues depuis les années 50 (avec des progrès conséquents dans les années 80). Mais ce qui explique la progression exponentielle du domaine aujourd’hui, c’est la convergence entre des capacités de calcul sans commune mesure avec celles de la dernière décennie, une variété de techniques algorithmiques parfaitement explorées et identifiées, des capacités d’ingénierie abouties et une masse de données produites chaque jour permettant un réel essor de l’apprentissage machine. Une convergence permettant aujourd’hui un « big bang » incontestable du domaine.

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Or l’IA devient aujourd’hui un sujet stratégique. Aux Etats-Unis, c’est la notion de « third offset strategy» qui met l’accent sur les développements de l’Intelligence artificielle et les ruptures technologiques résultante (autonomisation des drones, robotique en essaim, …)

l’IA est ainsi devenue un outil de sauvegarde de la défense et de la souveraineté, de nature à générer une véritable rupture stratégique. Les avancées militaires liées à ce domaine ont été amplement discutées dans ce blog : capteurs abandonnés intelligents, plates-formes de renseignement, robotique autonome, simulation, etc…  Le document « Chocs Futurs » du SGDSN cite explicitement le sujet: « Le système de combat collaboratif, comprenant des composantes pilotées comme des composantes autonomes, bénéficiera d’une capacité d’analyse et d’un délai de réaction sans commune mesure avec un ensemble de systèmes pilotés par des humains. De ce fait, les armées qui disposeront de ces capacités bénéficieront des effets d’une rupture majeure dans l’équilibre des forces. »

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Il est donc absolument indispensable, de tenir notre rang dans ce domaine, et d’anticiper la généralisation de l’IA dans les systèmes militaires. Faute de quoi, entre les acteurs transnationaux comme les GAFA (Google Amazon Facebook Apple… mais la liste est bien plus longue) et les pays investissant massivement sur ces technologies, le risque pour la France est de perdre non seulement des parts de marché liées aux technologies du futur mais aussi des pans de son autonomie d’appréciation et d’action en Défense et Sécurité.

En matière d’IA, la France bénéficie de quelques atouts notables comme je l’ai mentionné en introduction. Son système de financement de la recherche et l’excellence des laboratoires de recherche appliquée, notamment en sciences mathématiques et informatiques en font un creuset reconnu d’experts de niveau mondial. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’un des laboratoires les plus en pointe dans le domaine, celui de Facebook, est implanté à Paris et dirigé par un Français, Yann le Cun.

Le domaine est également tiré par l’essor de l’Internet des Objets, un secteur dans lequel la France est en pointe (comme l’a montré le succès de la présence française FrenchTech au CES de Las Vegas).

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Pour que la France puisse développer et conserver son avantage, il faut trouver les moyens d’accélérer la transition entre la recherche académique, encore principalement financée par l’Etat, et l’industrie. Car aujourd’hui, ce sont parfois d’autres acteurs qui puisent dans le réservoir français de compétences issu des investissements étatiques et n’hésitent pas à investir pour financer la continuité du processus de maturation.

Soutenir, accompagner, investir dans la recherche sur l’IA, c’est pouvoir continuer à disposer d’une base industrielle et technologique de défense performante, à la fois pour garantir notre sécurité intérieure, prévenir toute surprise stratégique, mais également pour rester un pays influent dans le monde.

Pourquoi ce billet ? Parce que pour l’instant, même si la DGA lance un programme ambitieux sur le domaine, j’ai un sérieux doute sur la pérennisation des budgets de recherche et d’innovation, à l’heure où 2,7 milliards sont encore gelés. Le risque serait – par exemple pour le domaine de l’IA – de ne vouloir compter que sur le monde civil pour développer cette capacité, qui serait ensuite « adaptée » par les gentils industriels en autofinancement. A cela, deux commentaires.

En premier lieu, les technologies les plus « différenciantes » ont tendance… à être rachetées. A titre d’exemple, voici un graphique qui montre toutes les acquisitions récentes dans le domaine de l’IA par des grands acteurs transnationaux. Autant de technologies « perdues » ou diluées pour le monde de la défense.

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Ensuite, la transposition ne peut être simple et directe. Tout n’est pas dual, et c’est bien le rôle des industriels de défense de travailler avec les start-ups, avec les laboratoires, avec la DGA, avec les Forces, pour pouvoir développer une technologie adaptée aux défis capacitaires actuels. Ne faisons pas l’erreur de croire que le monde civil va résoudre les problèmes des militaires: il faut maintenir un effort d’étude, de recherche industrielle, financée par la Défense afin de s’assurer d’aller assez vite, et surtout dans les bonnes directions.

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Ne désarmons donc pas, ni dans ce domaine, ni dans d’autres domaines stratégiques comme les armes à énergie dirigée, le calcul et la cryptographie quantique, ou encore l’hypervélocité. Il en va de notre autonomie stratégique, de notre rang dans le monde, mais aussi du maintien de notre base industrielle. La recherche de défense doit être préservée, pour le succès des armes de la France.

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De retour de Floride, je peux maintenant achever cette série sur le forum Innovation de la DGA, avec une dernière volée d’innovation (et évidemment, ce n’est pas parce que j’en parle maintenant qu’elles sont moins intéressantes). Bien entendu, je n’ai aucune prétention à l’exhaustivité, et je ne rends compte ici que des innovations que j’ai pu voir ou des équipes de recherche avec qui j’ai pu converser. Vous trouverez sur Internet nombre d’autres articles sur l’événement, mais voici donc la fin de ma sélection toute personnelle.

La feuille de Lotus et l’aéronautique

Encore une innovation parrainée par une personnalité de la DGA, en l’occurrence le pétillant et incisif Ingénieur général de classe exceptionnelle Christian Chabbert: FATAA. L’acronyme (oui, parce qu’à la DGA, on aime bien les acronymes) signifie Film Alternative (sic) au Tedlar (re-sic) ; amélioration d’aéronefs. Et il s’agit d’un sujet qui me parle particulièrement : le biomimétisme (voir cet article pour ceux qui sont intéressés au domaine).

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L’innovation s’inspire de la feuille de Lotus, et en particulier des capacités superhydrophobes de sa surface. Ce n’est pas un thème nouveau : depuis longtemps, les propriétés de la feuille de lotus sont connues et observées, et plusieurs travaux s’en inspirent. La feuille de ce végétal a en effet la capacité de repousser les gouttes d’eau qui glissent sur sa surface – le résultat étant que la feuille reste toujours propre ce qui permet à la fois de maximiser sa capacité de photosynthèse, et d’éviter toute colonisation microbienne. Cette propriété superhydrophobe est due à une rugosité nanométrique : la surface de la feuille est hérissée de nano-pics eux-même revêtus d’une cire hydrophobe (voir la représentation ci-dessus).

La capacité de la feuille de lotus à s’auto-nettoyer est connue depuis longtemps et inspire de nombreuses innovations (la NASA a elle-même utilisé cette propriété pour développer des textiles autonettoyants pour l’exploration lunaire – voir image ci-dessous, regardez le poster en arrière-plan).

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Le projet FATAA quant à lui s’intéresse aux propriétés de cette surface afin de développer une application pour les composites thermodurcissables en aéronautique. Il associe quatre partenaires : les sociétés EXPIRIS et Fluorotechnique, ainsi que l’Université Pierre et Marie Curie et le Collège de France.

L’objectif est de remplacer le Tedlar®, un matériau (polyfluorure de Vinyle) développé par DuPont, et permettant de protéger des surfaces exposées à un environnement hostile. L’objectif de ce projet RAPID de 39 mois était de développer une alternative au Tedlar® (qui fait l’objet d’un arrêt de production pour son utilisation aéronautique) en améliorant la performance de la protection, l’étanchéité, la facilité de mise en œuvre, et de répondre au défi de l’obsolescence, tout ceci dans une perspective de développement durable.

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Le résultat ? Un revêtement en spray, éco-neutre et inerte chimiquement, que l’on peut appliquer sur une structure composite (on peut même le peindre après coup). En mimant, à l’échelle nanométrique, les propriétés de la feuille de lotus, on obtient un résultat d’autant plus impressionnant que le film est appliqué en spray. Sur l’image ci-dessous, on voit les gouttes glisser sur la surface traitée (contour rouge) alors que sur le lettrage, non traité, elles s’étalent (contour bleu).

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Un projet novateur, et dual, avec des applications hors domaine de la défense, en photovoltaïque ou en aéronautique civile. En tout cas une innovation impressionnante à la fois en termes de capacité et de facilité de mise en oeuvre.

Les capteurs abandonnés et neurones à spikes

Un petit ajout à mon article sur AXONE, après avoir rebouclé vers le directeur de l’ISL, Christian de Villemagne : j’ai écrit à tort que le FPGA était uniquement conçu par la société Global Sensing Technologies. En réalité, le classifieur est un produit ISL, GST ayant intégré la technologie SpikeNet dans AXONE. Le projet SmartCam utilise d’ailleurs cette architecture (les cartes étant celles utilisée dans le projet AXONE).

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Au passage, cette technologie de classifieur par FPGA capable de faire de la reconnaissance de forme et développée par l’ISL a été récompensée par le prix 2016 de l’Ingénieur Général Chanson (un prix décerné chaque année par l’Association de l’Armement Terrestre (AAT), récompense des travaux permettant des progrès importants dans le domaine).

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En l’occurrence, il s’agissait de mettre en œuvre cette approche au sein d’un capteur autonome intelligent abandonné dénommé B-SAVED, doté d’une autonomie de 4 jours, et possédant, outre l’IA embarquée, un GPS et un module de communication. La version actuelle a été développée pour le 13e RDP.

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Voila, ce petit rectificatif méritait d’être mentionné. Outre les innovations décrites, de nombreux autres projets étaient présentés lors du forum (citons ainsi les projets de détection et de classification de cibles multispectrales dans l’infrarouge, de vision au-delà d’un obstacle par utilisation des multi-réflexions de photons, de la pile à combustible du fantassin, d’un réservoir capable de résister à l’impact d’une balle de 12,7 mm ou encore de la surveillance automatique des ondes cérébrales (projet MEEGAPERF) pour repérer les signes dans l’activité cérébrale qui permettent d’anticiper des ruptures de performances). Mais ce sera pour une autre fois…

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Note : le rythme de ce blog est un peu ralenti, étant actuellement en Floride à l’occasion du salon IITSEC. Je prie mes lecteurs de bien vouloir m’en excuser.

Je poursuis mon petit compte-rendu du Forum DGA innovation avec un projet présenté par l’Institut Saint-Louis (ISL) et le laboratoire COTRAL (ARTA Group). Il s’agit d’un système permettant à la fois de protéger les oreilles du combattant des bruits fatigants ou dangereux, et de communiquer par voie intra-auriculaire.

J’avais déjà parlé dans ce blog du projet TCAPS (tactical communications and protective system) financé par l’Armée américaine, ayant permis de développer le dispositif INVISIO X50. L’objectif était de protéger les oreilles du combattant, via des écouteurs jouant le rôle de bouchons d’oreilles en laissant passer les communications, mais en stoppant  les bruits traumatisants (voir mon article ici). TCAPS est capable de se connecter à une radio ou à un smartphone, pour permettre d’utiliser également le bouchon d’oreille comme écouteur.

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J’avais également mentionné le casque HOPLITE de la société française Elno, qui devrait être bientôt mis sur le marché – la vidéo ci-dessous en présente le concept.

Au forum DGA Innovation, c’est une autre approche française qui a été présentée. Le projet s’appelle BANG pour Bouchon Auriculaire de Nouvelle Génération. Il consiste en un bouchon auriculaire actif, comportant deux microphones (interne et externe) et un haut-parleur. Sur la photo ci-dessous le système est disposé sur une tête artificielle développée par l’ISL pour tester l’exposition aux bruits.

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Le dispositif autonome est relié à un boîtier réalisant l’analyse et le traitement des signaux. L’objectif est double : utiliser un dispositif de suppression active de bruit, capable de diminuer les signaux sonores fatigants en continu (avec la possibilité de définir un seuil journalier), mais également capable de réagir instantanément à un bruit traumatisant (départ de coup, explosion, tirs…).

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Mais là où le système va résolument plus loin que TCAPS, c’est qu’au-delà de ses capacités de protection, c’est également un système de communication intégré, sans microphone externe. On communique avec ses oreilles, en quelque sorte.

Le système est en effet muni de deux microphones, permettant à la fois de capter les bruits ambiants (et de comparer le bruit externe et interne), mais aussi de diffuser la parole du combattant. Le soldat muni du dispositif parle, sans micro externe (donc sans bruits parasites),  et sa parole est captée via les vibrations du tympan. Les concepteurs du système à l’ISL et chez Cotral travaillent également sur la spatialisation du son diffusé, permettant de différencier les interlocuteurs par un son émis à gauche ou à droite du bouchon d’oreille.

Il s’agit du résultat d’une étude amont financée par la DGA. Le système est aujourd’hui en phase de pré-série. Le laboratoire Cotral va ainsi produire une trentaine d’exemplaires qui seront testés par l’ISL avec le soutien de la section technique de l’Armée de Terre (STAT) dès janvier 2017.

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Il reste maintenant à espérer que ce produit coûtera moins cher que son « concurrent » américain (même si les fonctions ne sont pas identiques). Car ce dernier est commercialisé à 2000$/pièce, un prix qui ne permet pas d’envisager sa généralisation à l’ensemble des soldats. Le combattant peut en effet être augmenté, en ce qui concerne son porte-monnaie, c’est plus problématique…

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Vous êtes quelques-uns à reprocher (gentiment) à ce blog une certaine orientation vers la recherche américaine. Ce n’est pas une volonté, mais une conséquence (1) des conséquents budgets américains en termes de R&D de défense et (2) d’une maîtrise certaine de la communication par nos voisins outre-Atlantique (les amenant d’ailleurs parfois à communiquer avec un certain talent des programmes politiques n’ayant pas grand-chose à voir avec la réalité, je dis ça comme ça….).

Une fois par an, la DGA organise son Forum Innovation. C’était hier et aujourd’hui, sur le site de Palaiseau, et pour le coup, cela amène une réelle volonté active de communication de la part à la fois de institutionnels, mais aussi des laboratoires et des petites entreprises. J’ai donc fait mon marché de l’innovation, en voici un premier résultat.

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Le projet s’appelle AXONE. Il s’agit d’un système neuronal artificiel capable de réaliser des tâches d’analyse de scène en temps réel. Il s’agit du résultat d’un projet RAPID (Régime d’Appui pour l’Innovation Duale – voir la page de référence ici ) associant l’Institut Saint-Louis, la société Spikenet Technologies et la société GlobalSensing Technologies.

L’idée est d’utiliser un certain type de réseaux de neurones artificiels, les neurones à Spike, pour procéder à l’analyse en temps réel d’une scène visuelle, et de les embarquer sur des composants dédiés (SoC ou Systems on Chips). Je vais essayer d’expliquer simplement le concept – et ce, d’autant plus que j’avais travaillé il y a plus de vingt ans avec le Pr Simon Thorpe, créateur de la technologie SpikeNet (il me semble que j’ai même commis un article sur le sujet…).

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Pour faire simple : en neurobiologie, on se pose depuis longtemps la question de la nature du codage de l’information par les neurones. La théorie générale est fondée sur un codage fréquentiel de l’information (fréquence des décharges électriques). Mais il existe une autre théorie reposant sur un codage temporel de l’information : le codage serait fait par des impulsions (spikes) ou plus précisément par les instants d’émission des impulsions. On prend donc en compte l’aspect temporel. Un réseau artificiel de neurones à spike est conçu pour simuler des réseaux qui contiennent un nombre très grand de neurones à décharge asynchrone et qui apprennent par codage des séquences de décharge. On appelle cela le codage par rangs (évidemment, je simplifie). Cette technologie est très utilisée pour la reconnaissance de formes, et en particulier le traitement d’images.

L’intérêt de cette technologie est que le temps d’apprentissage est très rapide, et très tolérant (aux conditions d’illumination, au bruit, aux contrastes…). Dans le projet AXONE, les participants ont ainsi pu implanter un réseau de neurones à spike sur une carte dédiée (ce que l’on appelle un processeur FPGA). En gros, il s’agit d’un processeur reconfigurable, comportant 1024 neurones artificiels, et conçue par la société GlobalSensing Technologies. Avec SpikeNet et l’ISL, et en 24 mois, les acteurs du projet AXONE ont réalisé une caméra reconfigurable générant des Spikes en lieu et place des images. Le travail a ainsi consisté (outre évidemment l’algorithmique sous-jacente) à intégrer ce réseau de neurones artificiel avec un capteur, au sein d’une caméra autonome, et de développer la librairie logicielle pour la mise en œuvre de ces composants.

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Et le résultat est impressionnant. Lors de la présentation au Forum DGA, on a pu ainsi visualiser la reconnaissance de visages en temps réel (chaque visage est reconnu, en temps réel, avec sa signature unique). Les applications sont nombreuses : sécurité et surveillance de sites sensibles avec levée de doute par la caméra elle-même, capteurs abandonnés capables de réaliser une analyse in situ (voir mon article sur l’IA embarquée), et évidemment, augmentation de la capacité de reconnaissance de forme en robotique et en particulier pour les drones.

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J’ajoute que la DGA a pris une initiative originale : celle de faire parrainer certaines innovations par des personnalités de l’institution. En l’occurrence, AXONE est parrainée par l’excellent Lionel MORIN, directeur du CATOD (Centre d’Analyse Technico-Opérationnelle de Défense) – ci-dessous.

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Une technologie à suivre, et une excellente illustration des capacités d’innovation de l’écosystème français de la Défense – je publierai d’ailleurs bientôt d’autres articles suite à ma visite sur le forum Innovation.

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M l’Ingénieur Général, cher Dominique, peux tu nous présenter, en quelques mots, la DIRISI ?

Créée le 31 décembre 2003 par décret, la Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense (DIRISI), rattachée à l’Etat-Major des Armées, assure les fonctions d’opérateur de télécommunications, d’infogérant des systèmes d’information de la Défense, de gérant des fréquences, de garant de la sécurité des systèmes d’information, de mise en œuvre et de soutien des SIC opérationnels, et de centrale d’achat pour les services de télécommunications, les matériels et les logiciels informatiques, les prestations dans le domaine des systèmes d’information.

Elle est donc résolument au cœur des opérations et de la vie de la Défense : en métropole, outre-mer et à l’étranger, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, la DIRISI exploite, soutient et assure la sécurité des Sic nécessaires à l’engagement des forces armées, à la dissuasion, à la posture permanente de sûreté et à l’action de l’État.

Interventions extérieures, contrôle de l’espace aérien et maritime, mais aussi SI métiers RH ou financiers… : tous sont supportés par le système d’information du ministère de la défense, et c’est la DIRISI qui le conçoit, le développe, le met en œuvre et le protège.

Quelle est ta mission au sein de cet organisme aujourd’hui ?

En tant que directeur adjoint plans, je suis délégataire en premier lieu du pouvoir adjudicateur, en d’autres termes je dirige la fonction achats. A ce titre, je suis responsable de la stratégie globale concernant les marchés et contrats de la DIRISI, et en particulier, je suis responsable de la stratégie industrielle. Par ailleurs j’ assure la cohérence technique des projets, et je pilote la coordination avec la DGA (pour ce qui concerne notamment les opérations d’armement) et le contexte interministériel.

Tu es connu comme un expert de différents domaines de pointe, allant de la simulation aux nanotechnologies. Quels sont les défis technologiques et les ruptures attendues dans le domaine que tu diriges aujourd’hui ?

Dans le domaine professionnel où j’interviens aujourd’hui, les principaux défis technologiques concernent la mise en œuvre de Clouds privés et hybrides, ainsi que les services à créer autour du Big Data Analytics (le « broyage de données » pour adopter une expression moins anglo-saxonne).

Mais au-delà de ces défis technologiques, les défis sont la maîtrise de la complexité des systèmes d’information et la réduction des coûts globaux, ce qui passe par des défis techniques mais aussi et surtout organisationnels, ainsi que de nouvelles relations de partenariat avec les maîtres d’œuvre industriels.

Comment la France se place-t-elle, à ton sens, dans cette course à l’innovation ?

La France a une très bonne place dans l’innovation scientifique, mais souffre quelquefois du manque d’organisation publique pour faciliter le transfert de la recherche fondamentale ou appliquée à la pré-industrialisation de solutions voire à l’industrialisation. Il existe ponctuellement des sources de financement publiques pour permettre chacune de ces étapes, mais j’ai l’impression qu’il manque une véritable politique publique permettant la « coordination » entre d’un côté l’excellence scientifique dans de nombreux domaines (clairement reconnue) et de l’autre le développement d’acteurs industriels de pointe pouvant peser sur des marchés européens ou internationaux (cela passe donc par une vision transverse aux différents niveaux de maturité de la recherche fondamentale à l’industrialisation réussie pour une technologie ou tout au moins une thématique technique).

En conclusion, si je te demandais les trois projets de R&D que tu jugerais prioritaires à financer (indépendamment de la position de la DGA, on parle ici de ta conviction intime) dans le domaine de l’innovation technologique de défense au sens large (donc non limitée à la DIRISI)?

Il me semble impossible de répondre à cette question en ne considérant que trois projets : il faut élargir à la notion de thématique scientifique. A titre personnel les trois barrières que j’aimerais repousser le plus possible sont la mort, le temps et l’espace !

Pour répondre plus prosaïquement à la question cependant, je dirais que je me contenterais de faire avancer les recherches dans les domaines de : la maîtrise de la complexité des systèmes ; les sources d’énergie (d’une part en recherchant l’augmentation d’autonomie temporelle, d’autre part en exploitant l’environnement immédiat afin d’alléger au maximum les dépendances aux chaînes logistiques) ; la prise de décision pour rechercher les gains maximaux en automatisation.

Biographie

Ingénieur Général de l’Armement au sein de la Direction Générale pour l’Armement (DGA), Dominique Luzeaux y a exercé des fonctions d’expertise technique et de direction dans les domaines de la robotique, de l’optronique, des systèmes de renseignement et d’observation, de la simulation et de l’ingénierie système ; il a notamment été à l’origine de la démarche du LTO (laboratoire technico-opérationnel) à la DGA. Il a été directeur opérationnel des systèmes d’information de la DGA, et directeur du service en charge des programmes d’armement terrestre (UM TER) avant de rejoindre la DIRISI. Dominique Luzeaux est diplômé de l’École Polytechnique, de l’École Nationale Supérieure des Techniques Avancées,titulaire d’un doctorat de l’université de Paris XI et d’une habilitation à diriger les thèses. Il a reçu en 2006 le Prix Chanson pour ses travaux sur la robotique militaire terrestre. Par ailleurs, il enseigne la robotique, l’informatique théorique et l’ingénierie système dans plusieurs universités et écoles d’ingénieurs. Il est l’auteur de nombreux livres dont:

  • À la conquête du nanomonde : nanotechnologies et microsystèmes, (coauthor T. Puig), March 2007, Éditions du Félin;
  • Systèmes de systèmes : concepts et illustrations pratiques, (coauthor J.-R. Ruault), June 2008, Editions Lavoisier Hermes Science;
  • Ingénierie des systèmes de systèmes : méthodes et outils, (coauthor J.-R. Ruault), June 2008, Editions Lavoisier Hermes Science;
  • Systems of systems: concepts, illustrations, standards and methods, (coauthor J.-R. Ruault), February 2010, Wiley;
  • Simulation et modélisation des systèmes de systèmes : vers la maîtrise de la complexité, (coauthor P. Cantot), November 2009, Editions Lavoisier Hermes Science;
  • Simulation and modeling of systems of system, (coauthor P. Cantot), May 2011, Wiley;
  • Maîtrise de l’ingénierie des systèmes complexes et des systèmes de systèmes, (coauthor J.-R. Ruault, J.-L. Wippler), May 2011, Editions Lavoisier Hermes Science;
  • Complex systems and system-of-systems engineering, (coauthor J.-R. Ruault, J.-L. Wippler), November 2011, Wiley;
  • 100 questions pour comprendre et agir : l’ingénierie des systèmes, (coauthor J.-R. Ruault), April 2013, Editions AFNOR.