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Le théâtre d’opération est un milieu complexe, et parfois traumatisant. Pour protéger leurs oreilles des bruits trop forts (explosions, coups de feu, moteurs…), les fantassins pourraient porter des bouchons d’oreilles, au risque de ne pas bien percevoir leur environnement, et au détriment de la communication avec leurs chefs, camarades ou subordonnés. Le résultat ? La majorité refusent de porter de telles protections, et vivent donc avec l’angoisse d’une perte de l’audition, allant jusqu’à l’accentuation d’un syndrome de stress post-traumatique (PTSD). Un problème de santé dont le coût est chiffré à plus d’un milliard de $ par an aux USA (selon un rapport émanant du Department of Veterans Affairs).

Quelques sociétés ont donc naturellement cherché à doter les combattants de moyens de protection « intelligents ». C’est par exemple le cas de la société américaine INVISIO qui a développé le TCAPS, pour « tactical communications and protective system ».

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Il s’agit du résultat d’un projet financé par l’US Army, et qui a permis de développer des écouteurs jouant le rôle de bouchon d’oreille : ils laissent passer les communications, mais stoppent les bruits traumatisants. Le TCAPS est un dispositif qui « écoute l’environnement du fantassin », et écrête le signal sonore si celui-ci dépasse une certaine intensité. La vidéo ci-dessous présente le système:

Le dispositif en lui-même ((baptisé INVISIO X50) est constitué d’écouteurs de 5g, et d’une unité de contrôle capable d’évaluer l’environnement sonore, et qui pèse 250g. Le tout est relié à un smartphone. Le système possède une autonomie de 100h avec une simple pile AA. Il peut subir une immersion sous 2m d’eau sans dommage. Seul petit problème, qui devient un problème de taille si l’on considère le nombre de soldats à équiper : il coûte environ 2 000$/pièce !

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Mais les sociétés françaises ne sont pas en reste (comme quoi, je ne parle pas uniquement des américains !). La société française bien connue ELNO, spécialiste en équipements de communication en environnement sévère, a communiqué lors du dernier salon Eurosatory sur un nouveau produit, appelé Hoplite en référence au casque des fantassins de la Grèce antique.

Il s’agit d’une nouvelle génération de casques communicants, permettant au combattant de disposer d’un son ostéophonique (la conduction osseuse est une spécialité d’ELNO), ergonomique, mais permettant une perception spatiale complète de l’environnement sur 360°. Les oreilles du combattant sont protégées par des coquilles, mais comme dans le système TCAPS, la perception du théâtre opérationnel est préservée. En avant-première, voici à quoi ressemblera le casque Hoplite:

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Il devrait être prochainement disponible – à ce moment là, je pourrai communiquer sur ses caractéristiques technologiques, pour l’instant encore confidentielles. Pour plus d’information et si vous êtes plus persuasifs que moi, voici le site de la société: http://www.elno.fr/fr/.

Comme le rappelait récemment le directeur de la Section Technique de l’Armée de Terre, il ne faut pas oublier que chaque innovation technologique dans le monde de la défense doit bénéficier en premier lieu aux hommes et aux femmes qui sont au contact, en opérations. C’est bien le cas ici.

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Dans ce blog, on aime bien également suivre le devenir des innovations qui ont déjà fait l’objet d’un article. En l’occurrence, un petit coup de projecteur sur TALOS. Si vous vous en souvenez (voir cet article), TALOS – pour Tactical Assault Light Operator Suit – est une armure individuelle développée pour les besoins des forces spéciales américaines (US SOCOM). Elle consiste en une panoplie technologique très impressionnante censée rentrer en service en 2018, en vue d’assurer une protection balistique optimale aux fantassins.

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En particulier, TALOS possède une armure liquide intégrée, activée par champ électrique (rappel : il s’agit d’un matériau magnétorhéologique à base de nanoparticules, capable de changer son état de liquide à solide en quelques millisecondes, lorsqu’un champ magnétique ou électrique est appliqué). Lors de la conférence 2016 Special Operations Forces Industry Conference (SOFIC), l’US SOCOM est revenu sur le projet pour en donner les avancées actuelles.

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Au-delà de la protection conférée par le liquide, TALOS comprend des senseurs pour la vision augmentée du fantassin (IR, IL), un système intégrée de chauffage/refroidissement,  des capteurs permettant d’inférer l’état physique, voire des systèmes permettant automatiquement de stopper une hémorragie ou de fournir de l’oxygène. General Atomics, le célèbre fabricant de drones, est également de la partie, puisqu’il fournit un générateur hybride thermique/électrique pour l’armure. Capable de monter à 10 000 rpm (assez bruyamment), le système peut passer en « tout-électrique » pour préserver la discrétion. Il est également équipé des nouveaux moteurs de LiquidPiston (ci-dessous) pour mouvoir l’exosquelette.

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Le planning est agressif puisqu’un premier prototype devrait voir le jour pour Aout 2018 ! Le coût du programme est estimé à 80M$ – un montant que beaucoup trouvent sous-estimé. Mais le programme a donné naissance à des « spin-offs », au premier chef d’entre elles la société REVISION.

A partir des spécifications de TALOS, la société REVISION a en effet développé le Military’s Kinetic Operations Suit, un concept qui équipe le fantassin d’un exosquelette pour les membres inférieurs, et d’une colonne vertébrale rigide, pour faciliter l’emport de charges.

Le système a également un mode réfrigération incorporé, et permet de protéger le fantassin à 60% (contre 18% actuellement) des impacts de balles. Tout ceci a mené le président Obama à déclarer publiquement « nous construisons un IronMan ». Restent encore quelques grandes interrogations : le coût, le poids, l’efficacité du système énergétique, et…la facilité à utiliser son armement des deux mains, tout en contrôlant l’armure.

La société REVISION (mais a priori sans l’armure complète) sera présente la semaine prochaine lors du salon Eurosatory 2016. Pour s’inscrire, c’est gratuit (mais réservé aux professionnels et au plus de 16 ans), et c’est ici 

 

 

 

 

 

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Des chercheurs chinois de l’université de technologie de Guangzhou viennent de développer un « bouclier » transparent en matériau composite, capable de bloquer les radiations UV, permettant ainsi de résoudre partiellement l’un des problèmes responsables de la dégradation de l’électronique à bord des satellites ou engins spatiaux.

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En effet, au sol, nous recevons du soleil un rayonnement composé de 5% d’UV, 39% de rayonnement visible et 56% d’infrarouge, le rayonnement ultraviolet étant bloqué en grande partie par l’atmosphère et en particulier par la couche d’ozone. Mais ce rayonnement UV (B) augmente de 10% tous les 700 mètres. À 1500 m d’altitude, le rayonnement est déjà 20% plus intense qu’au niveau de la mer. Dans l’espace, il n’est pas arrêté. Or le rayonnement UV (comme toutes les radiations cosmiques) cause des dommages importants à l’électronique des engins spatiaux allant de la génération d’anomalies de fonctionnement jusqu’à la dégradation physique des composants.

Les scientifiques chinois ont annoncé avoir créé un nouveau matériau transparent, un verre à base de CeO2 (oxyde de Cerium) possédant trois propriétés remarquables : son absorption des rayonnements UV, sa transparence, et sa capacité à ralentir la dégradation des matériaux exposés au rayonnement (en fait, sa capacité à supprimer la réaction de séparation électrons/trous pour les électrons photogénérés). Oui je sais, ça pique un peu comme phrase…En gros, on supprime une activité de photocatalyse très nuisible aux matériaux exposés.

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C’est la fabrication de ce nouveau composite qui a donné le plus de fil à retordre aux chercheurs, car il s’agit en particulier de pouvoir maîtriser une technique de nanocristallisation. Pour les irréductibles de la physique des matériaux, voir l’article complet ici (et bon courage).

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L’intérêt en l’occurrence est de pouvoir appliquer cette protection sous forme de film, sur des surfaces devant rester transparentes : panneaux solaires, optiques et capteurs, … prolongeant ainsi la durée de vie des composants spatiaux, notamment des satellites militaires. On peut également imaginer l’utiliser pour des visières de nouvelle génération, car le matériau créé a montré sa capacité à protéger des cellules vivantes contre ces mêmes radiations.

Il reste néanmoins à trouver des moyens de se protéger contre les autres types de radiations ionisantes présentes dans l’espace, le milieu le plus hostile que l’on puisse trouver.

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Encore une innovation de l’Office of Naval Research (ONR) américain: le SPINEL. Ce matériau correspond à de l’aluminate de magnésium – MgAl2O4 (oxyde de magnésium et d’aluminium); il est bien plus résistant que le verre, vis à vis de l’érosion, possède une dureté remarquable. En réalité, le Spinel est connu depuis fort longtemps en joaillerie: on l’appelle la spinelle, et il s’agit d’une pierre fine.

Ce matériau était connu depuis longtemps dans d’autres métiers, en particulier en raison de son faible poids, un atout évident pour l’utilisation en environnement contraint, comme l’aéronautique et le spatial. Mais pour la première fois, l’ONR a réussi à concevoir et fabriquer de la spinelle parfaitement transparente, en utilisant une technique de presse chaude, sous vide, à partir de poudre de nanoparticules.

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Dans les bonnes conditions, il devient possible de supprimer l’air piégé dans le mélange: le résultat est parfaitement transparent. Ce nouveau matériau conserve donc toutes les propriétés de la spinelle classique, mais possède également des propriétés optiques remarquables, comme celle de laisser passer les rayonnements infrarouges. Et contrairement au verre, une craquelure ne se propage pas, le matériau étant polycristallin, l’énergie de cassure se dissipe très rapidement ce qui empêche la propagation.

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La spinelle permet donc de concevoir des vitres blindées pare-balles, pour la moitié ou le tiers du poids classique.

Le fait de laisser passer les infrarouges permet d’utiliser la spinelle dans le domaine de la protection des caméras infrarouge; le verre ne permettant pas de le faire, jusqu’à maintenant, le recours à des matériaux exotiques, donc coûteux, était l’unique alternative.

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De la même manière, la spinelle peut être utilisée pour les orifices de sortie LASER, puisqu’elle ne comporte pas d’impuretés (susceptible de chauffer lors du passage du rayon).

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L’utilisation d’une technique de presse, à partir d’une poudre de nanoparticules, permet de concevoir des verres de spinelle de formes variées : il devient ainsi possible de concevoir directement un dôme optique dans ce matériau. Une expérimentation est en cours, afin de concevoir des visières avec  affichage tête haute, à l’épreuve des balles. La dualité de cette recherche est évidente; nul doute que la spinelle transparente synthétique se retrouve rapidement dans les écrans de nos smartphones…

Photos (c) Office of Naval Research

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« Levez les boucliers ! » – dans l’univers de Star Trek, chaque vaisseau est équipé d’un champ de force, qui « manipule le subespace et les forces gravitationnelles pour créer une enveloppe protectrice autour de lui » (source : wikipedia). Mais c’est de la science-fiction. Ou plutôt, ça l’était il y a encore quelques jours.

Boeing vient en effet de breveter un système étonnant afin d’atténuer l’onde de choc d’une explosion par un arc électromagnétique, une « bulle de protection ». La description du brevet en anglais est (évidemment) assez sibylline : « A method and system for attenuating a shockwave propagating through a first medium by heating a selected region of the first fluid medium rapidly to create a second, transient medium that intercepts the shockwave and attenuates its energy density before it reaches a protected asset”.

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En clair, le principe est le suivant: un véhicule équipé du système doit détecter l’onde de choc d’une explosion, et en déterminer la direction. Une fois cette détection effectuée, le système crée un arc électromagnétique entre le véhicule et l’explosion à l’aide d’un faisceau de lasers ionisants ou de micro-ondes. Le but est de chauffer l’air afin de créer une bulle de plasma, d’une densité importante et d’une température différente de celle de l’atmosphère, afin de réfléchir l’onde de choc, et de protéger le véhicule.

Au-delà, le système peut être utilisé pour protéger une infrastructure, ou même un navire (en utilisant notamment le même principe pour chauffer l’eau). L’idée, d’après Boeing, est également de disposer d’une base de données de signatures explosives afin de calculer précisément la taille et la force du champ de plasma.

La petite video ci-dessous montre le principe de cette invention

Bien évidemment, tout cela pose de nombreuses questions, par exemple quant à l’énergie nécessaire pour maintenir le champ, sa durée de vie, les effets secondaires à proximité (en cas de protection d’un convoi par exemple), etc… Mais cela montre aussi que dans le domaine de l’innovation technologique de défense, la science-fiction n’est pas toujours aussi loin de la réalité qu’on le pense. Et que, comme le dit le capitaine Kirk (!)« Un jour nos esprits sont devenus si puissants que nous avons pensé être l’égal des dieux ».

Le lien sur le texte du brevet est ici. Et pour voir une onde de choc, l’image a été publiée sur ce blog il y a quelques jours.