Archives de la catégorie ‘Espace’

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L’innovation navale de défense est décidément en plein boom. Après une semaine pendant laquelle j’ai pu parcourir l’excellent salon Euronaval 2018 et découvrir de véritables innovations sur les stands des grands, des moins grands, et des tout petits (notamment au sein de l’exposition Seannovation), un petit retour sur une nouvelle de début octobre, passée relativement inaperçue.

Le sujet ? Un projet chinois baptisé Guanlan (traduction approximative : « observer les grandes vagues ») qui vise à développer un satellite LIDAR capable de détecter les sous-marins en plongée. En premier lieu, et pour bien expliquer le concept, je me permets un petit rappel sur le LIDAR.

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Pour faire simple, un LIDAR est un radar qui émet des impulsions à fréquences très élevées, dans le spectre visible ou infrarouge des ondes électromagnétiques, en utilisant généralement un laser. L’acronyme LIDAR signifie « light detection and ranging » (le « r » de radar signifiant quant à lui « radio »). Si l’on en parle beaucoup aujourd’hui (toutes les voitures autonomes utilisent un LIDAR – p.ex illustration ci-dessus), cette technologie est en réalité relativement ancienne. Elle a été développée dans le domaine spatial dans les années 70: sa première application était l’établissement d’une cartographie de la Lune lors de la mission Apollo 15.

Le LIDAR est également utilisé en archéologie, pour permettre de cartographier une zone en révélant ce qui se cache sous la surface. Et, bien entendu, sous l’eau.

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Le projet Guanlan repose sur l’émission d’impulsion laser de différentes couleurs (donc de différentes fréquences) permettant de détecter des cibles à différentes profondeurs.

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L’idée est de scanner une bande de 100km de large, tout en étant capable de focaliser le faisceau sur un rectangle de 1km de large. La question : comment détecter un sous-marin caché dans une zone d’une telle taille ?

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L’équipe chinoise a donc dévoilé sa stratégie : coupler le LIDAR à un radar micro-ondes, capable de mesurer le mouvement de la surface de manière extrêmement précise. Le radar recherche ainsi les perturbations de la surface de l’eau qui pourraient témoigner de la présence d’un sous-marin immergé, afin de pouvoir focaliser le faisceau laser sur l’emplacement de la cible présumée.

Le faisceau se focalisera sur la thermocline, c’est-à-dire la couche dans laquelle on observe une inflexion brutale de la température, c’est à dire la frontière entre une masse d’eau froide, profonde et une masse d’eau superficielle plus chaude. Cette zone est généralement exploitée par les sous-marins afin d’éviter la détection (les ondes sonar se propageant différemment en fonction de la thermique sous-marine).

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Les chinois annoncent une détection théorique jusqu’à une profondeur de 500m. Le satellite serait en cours de développement (comme à l’accoutumée, il faut prendre les déclarations chinoises avec une certaine prudence) par plus de 20 instituts chinois disséminés sur le territoire. L’institut responsable du projet serait le Pilot National Laboratory for Marine Science and Technology situé à Qingdao (sud-est de la Chine).

Maintenant, une certaine prudence s’impose, surtout si l’on considère que cette technologie a déjà été examinée dans un tel contexte, notamment mais non exclusivement par la DARPA (voir par exemple le Deep Sea Operations Program) avec des résultats mitigés . Il conviendra également de se poser la question de la sensibilité aux conditions de surface et de mer, ou à la présence d’organismes vivants comme les bancs de poissons. Quid également de la turbidité de l’eau, ou de la présence de nuages (puisque le laser est déporté en orbite)…  Enfin, les LIDAR peuvent être diffractés, notamment lorsqu’ils traversent des milieux de températures ou de salinité différents – les expérimentations réalisés par les Etats-Unis ou la Russie n’ont pas été concluants au-delà de 200 m de fond. Alors même si le Laser semble développé par le très sérieux institut Xian Institute of Optics and Precision Mechanics Institute, percer la mer par 500m de fond semble très complexe, voire impossible.

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En tout cas, encore une nouvelle annonce provenant de la Chine et destinée à démontrer le sérieux de la volonté du pays à s’imposer comme une superpuissance technologique militaire comme en témoigne (mais ce sera pour un nouvel article) le projet Deep Blue Brain destiné à développer un ordinateur exaflopique (1000 fois plus puissant que le plus puissant superordinateur actuel) avant 2020.

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De temps en temps, on voit une société émerger, qui provoque chez nous autres passionnés un réflexe d’envie voire de jalousie. J’ai par exemple déjà parlé de la société remarquable d’Angel Ramirez, GTD, qui est, je dois le dire, la société que j’aurais aimé créer… Aujourd’hui, laissez moi vous parler d’une autre pépite, la société Planetary Resources. Au passage, merci à Starburst de m’avoir présenté son fondateur et de m’avoir invité à leur conférence il y a quelques mois…

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Nous allons donc parler d’espace et d’astéroïdes… Quel rapport avec la défense ? En réalité, l’espace est véritablement devenu un champ à part entière de l’action militaire, comme l’illustre d’ailleurs la récente déclaration du général Jean-Pascal Breton, du commandement interarmées de l’espace : « « Il y a naturellement dans l’espace un certain nombre de satellite qui viennent regarder et observer ce que nous faisons en particulier sur certaines orbites géostationnaires. C’est ce qui nous préoccupe un tout petit peu en ce moment ».

Outre cet aspect, il est évident que l’espace est aujourd’hui un domaine d’intérêt stratégique majeur, ce qui nécessite de pouvoir y accéder, construire des infrastructures en orbite, s’y ravitailler, … autant de problématiques d’une complexité réelle compte tenu de l’hostilité du milieu (ainsi la température à la surface d’un satellite oscille de +150°C à -120°C, ce qui ne facilite pas les opérations).

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C’est là que l’on commence à parler de Planetary Resources (PR). Cette société a été fondée par un visionnaire, Chris Lewicki, directeur de vol à la NASA sur les missions martiennes Spirit et Opportunity, et directeur des aspects surface du programme Phoenix. Chris Lewicki a même un astéroïde nommé d’après son patronyme : 1369Lewicki. Car l’homme s’intéresse beaucoup aux astéroïdes au point d’avoir créé la première et aujourd’hui seule société au monde dédiée au « mining d’astéroïdes ».

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Pour comprendre son business, il emploie une analogie ; imaginons que vous voulez construire un barrage. Si l’on raisonne comme raisonnent aujourd’hui la NASA ou Space X : on construit le barrage dans un hangar, on le protège pour qu’il résiste au transport, on construit un système massif de transport routier pour acheminer le barrage sur des gigantesques camions à destination, puis on installe le barrage. Ce dernier va devoir résister pendant le voyage à des contraintes qu’il ne connaîtra jamais plus, et une fois en place, à des contraintes qu’il n’a jamais rencontrées auparavant. C’est ce que l’on fait aujourd’hui pour construire une station spatiale ou un satellite, et l’acheminer en orbite.

Mais imaginons que l’on puisse tout faire depuis l’espace… En particulier se ravitailler en eau et en carburant, mais aussi construire des infrastructures sans avoir besoin de tout acheminer depuis la Terre… Cela change radicalement la donne (on parle de 95% de réduction de coûts par rapport  aux processus traditionnels), et c’est le projet de PR.  L’idée ? Exploiter les ressources naturelles des NEA (near-earth asteroids), les astéroïdes proches de la Terre.

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Dans un premier temps, il s’agit de trouver de l’eau, pour le soutien des équipages, mais aussi pour créer du carburant. Pour cela, il faut lancer une mission d’exploration, afin de cibler et de sonder les astéroïdes d’intérêt.

La société est prête à envoyer dans l’espace son satellite Arkyd6, un instrument dont l’objectif est de scanner les astéroïdes en imagerie infrarouge (bande 3-5 microns), une zone du spectre électromagnétique permettant de détecter la présence d’eau. Auparavant, en 2015, elle avait déployé à partir de la station spatiale internationale le satellite Arkyd3R afin de valider les briques technologiques nécessaire à la réalisation de la mission de la société. En 2020, PR déploiera Arkyd301, un essaim de véhicules spatiaux inhabités d’exploration propulsés par des moteurs ioniques, ciblant plusieurs astéroïdes d’intérêt afin de réaliser un sondage de leur surface, établissant au passage la base de données la plus chère (et sans doute la mieux protégée) au monde, chaque gisement pouvant générer l’équivalent de trillions de dollars en termes de ressources.

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L’idée ensuite ? Extraire de l’eau pour créer des stations de ravitaillement dans l’espace, mais aussi bâtir des infrastructures complètes à partir du métal trouvé sur des NEA, notamment par des techniques d’impression 3D.

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Situées au-delà de l’attraction terrestre, de telles structures seront moins chères à construire, et ne seront pas limitées en termes de taille. N’oublions pas non plus l’extraction de métaux précieux afin de développer des composants électroniques dans l’espace.

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Le projet est sérieux ; outre des conseillers prestigieux (James Cameron, Henry Hertzfeld, et autres scientifiques du MIT ou de John Hopkins Applied physics lab), la société compte des investisseurs aux poches profondes :  Larry Page et Eric Schmidt (Alphabet), Ram Shriram, l’un des premiers investisseurs dans Google, Sir Richard Branson (Virgin) ou encore Ross Perot. La société bénéficie également du soutien du Luxembourg ; cette petite nation vise en effet à attirer les sociétés du domaine spatial en travaillant notamment sur les aspects régulation, lobbying et propriété intellectuelle.

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Une société réellement innovante, un projet passionnant et de long terme, une véritable question stratégique dans le contexte de l’arsenalisation de l’espace… PR inaugure une nouvelle génération d’acteurs de la conquête spatiale, qui devrait intéresser à la fois l’écosystème de la défense, et celui du financement des entreprises innovantes et stratégiques.

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Autant le dire tout de suite, la quantité d’information exploitable de ce petit article risque d’être un peu limitée en raison du sujet – mais je trouve néanmoins intéressant d’en parler. J’avais déjà mentionné il y a quelques mois la navette dronisée X37B (ci-dessous), qui est restée en orbite autour de la Terre pendant 718 jours afin de mener à bien une mission dont on ne sait pas grand-chose.

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Les navettes X37 (sans lettre pour la version civile, X37B pour la version militaire) « font de la réduction de risque, des expériences et des opérations conceptuelles pour développer l’usage de véhicules spatiaux réutilisables ». Autrement dit, mystère… Compte tenu de son orbite elliptique inclinée atypique, on pense que le X37 a procédé à plusieurs essais, l’orbite lui permettant de ne pas rentrer en collision avec les nombreux satellites présents en LEO (low earth orbit ou orbite basse). Rappelons pour mémoire les différentes orbites (de manière simplifiée, évidemment) dans le schéma ci-dessous.

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On a parlé de tout et n’importe quoi à propos du X37B : tueur de satellite, bombardier depuis l’espace, ou engin espion hypermanoeuvrable. Compte tenu de sa faible taille (en gros, une petite camionnette), toutes ces spéculations semblent un peu exagérées : pas la place de mettre un armement puissant, pas de réserves suffisantes en carburant pour manœuvrer trop fréquemment… On pense qu’il s’agit plutôt d’un « banc d’essai spatial ». D’ailleurs, la société américaine Rocketdyne, a annoncé que le dernier vol du X37B lui avait permis de tester une nouvelle version d’un propulseur ionique…

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Mais en ce qui concerne Zuma, les choses sont loin d’être aussi claires. Zuma, c’est à la fois le nom de la mission et de la charge utile qu’une fusée Falcon9 de la société Space X d’Elon Musk a mis sur orbite hier soir. Rappelons que la société Space X est sous contrat avec le gouvernement américain et la NASA, et dispose de ses propres installations au Kennedy Space Center (que j’ai d’ailleurs eu le plaisir de pouvoir apercevoir lors de ma dernière visite sur place).

SpaceX a utilisé son site SLC-40 pour placer Zuma en orbite. La charge utile semble assez légère, compte tenu de la configuration requise pour le lancement et la durée de la propulsion et de l’allumage des différents moteurs. Après le placement en orbite, le lanceur est revenu se poser sans encombre (pour la vingtième fois) sur la LZ1 (« landing zone 1 ») de Cape Canaveral (la mission ayant en tout duré environ huit minutes). Vous pouvez revivre le lancement en regardant la vidéo ci-dessous.

Mais le mystère demeure sur la véritable nature de Zuma. Le groupe Northrop Grumman, qui a fabriqué ce satellite, a seulement indiqué que le client était le gouvernement américain et que « la charge » serait placée sur une orbite basse, sans fournir d’autres précisions. Cas inhabituel, la NRO (National Reconnaissance Office), organisme gérant les satellites espions américains et d’ordinaire prompte à reconnaître ses jouets, a formellement démenti que Zuma lui appartenait.

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Les spéculations vont donc bon train, et plusieurs “traqueurs” de satellites ont émis différentes hypothèses. En particulier, même si Zuma n’est pas un satellite de la NRO, son orbite semble assez proche de USA-276, un engin classifié qui tourne autour de la Terre sur une orbite similaire, inclinée de 50 degrés à l’équateur. Cet engin a d’ailleurs eu un comportement un peu curieux, notamment en s’approchant de l’ISS (station spatiale internationale) à moins de 6 km. Il est ensuite resté à proximité (entre 1000 et 2000 km) de l’ISS. Peut-être un signal à la communauté internationale, que les USA sont capables d’intervenir en orbite, par exemple pour protéger un « asset » américain (dur de croire que ce rapprochement soit une coïncidence). Ci-dessous, la charge utile USA-276 avant son lancement.

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On peut donc imaginer que Zuma ait un lien avec cette mission, et interagisse avec USA-276 (même si les orbites et trajectoires de l’ISS, de USA 276 et de Zuma n’étaient apparemment pas alignées lors du lancement d’hier). D’ailleurs, les deux lancements (Zuma et NROL-76, lancement de USA-276) sont étrangement similaires si l’on en croit par exemple les zones de danger délimitées par les NOTAM (Notices to Airmen and Mariners) permettant d’avertir les aviateurs et marins des zones à éviter (ci-dessous, Zuma en rouge et NROL-76 en orangé).

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Dans quel but les deux missions seraient-elles connectées? Mystère…On parle de tests de nouveaux capteurs par exemple, mais aucune information ne filtre vraiment. J’avais prévenu : l’information exploitable dans cet article est limitée (!). On peut aussi faire le parallèle avec deux autres satellites de Northrop Grumman, PAN et CLIO, qui ont fait l’objet d’un secret analogue… et que l’on retrouve aujourd’hui assez proche de satellites de communication géostationnaires, laissant à penser qu’il s’agit là de deux satellites d’espionnage… d’autres satellites, réalisant des écoutes et interceptions électromagnétiques en orbite.

Les deux prochains lancements américains sont également militaires :  une Delta  IV partira mercredi de Californie avec un satellite espion de la NRO, et le 18 janvier, une fusée Atlas V lancera de Cape Canaveral un satellite d’alerte de lancement missile.

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Nous avions déjà parlé des armes hypersoniques ou hypervéloces, dont, je le rappelle, l’objectif est de pouvoir frapper n’importe quel point du globe en moins de 1h. Pour rappel, on désigne par hypersonique une charge militaire pouvant être propulsée à une vitesse comprise entre Mach 5 et Mach 10 – une vitesse de l’ordre de 10 000 km/h. Nos amis chinois avaient récemment testé avec succès leur arme DF-ZF, une charge militaire propulsée par un missile balistique jusqu’à la stratosphère. Le DF-ZF est lâché, entre dans l’atmosphère, puis se rétablit et remonte avant de contrôler son altitude et sa vitesse, et de planer vers sa cible. Cette trajectoire semble erratique, et est très difficile à anticiper pour un système de défense, principalement en raison de sa vitesse.

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Mais une telle arme est complexe à mettre au point, notamment parce que ses composants (charge militaire mais aussi système de guidage) sont soumis à de très fortes contraintes (accélération, frottements, température). Il est donc nécessaire de pouvoir disposer de moyens d’essais conséquents.

Pour ce faire, la Chine vient d’annoncer qu’elle était en train de bâtir la soufflerie la plus puissante du monde, permettant de simuler des vitesses de l’ordre de 12km/s, concurrençant ainsi directement la soufflerie LENS-X située au Nevada, jusqu’alors le tunnel hypersonique le plus puissant du monde (Mach 30), et plus puissante que la soufflerie hypersonique chinoise actuelle, appelée JF 12 (et rebaptisée HyperDragon) – le reportage ci-dessous permet d’en découvrir les images.

Il ne s’agit pas d’un problème simple : construire une soufflerie hypersonique nécessite de surmonter différents défis : la capacité de reproduire sans danger des situations de surchauffe, sans détruire l’installation elle-même, la reproduction de conditions extrêmes de températures et de pression pendant une durée longue, avec un système d’instrumentation et de mesure lui-même hyper-rapide, et sans oublier les contraintes liées à l’alimentation en électricité d’une telle installation.

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La génération d’un flux d’air aussi puissant ne peut reposer sur une hélice, aussi grosse soit-elle. Il a fallu trouver un autre moyen, en l’occurrence, une détonation. Dans le cas de la soufflerie hypersonique chinoise, le principe repose sur une série de détonations contrôlées. Des tubes d’oxygène, d’hydrogène et d’azote permettront de faire détoner un mélange de gaz, créant ainsi une série d’explosions, donc d’ondes de choc. Ces ondes seront canalisées par un tunnel métallique, jusqu’à la chambre de test ; selon l’un des ingénieurs responsables du projet, elles généreront l’équivalent de 1 GW de puissance en 0,5 s, soit la moitié d’une centrale nucléaire classique. Elles permettront de créer une température de 7700 degrés au sein de la chambre de test (oui, oui, plus chaud que la surface du soleil) afin de pouvoir tester les revêtements et systèmes de dissipation de l’énergie thermique du véhicule hypersonique, lors de sa rentrée dans l’atmosphère.

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On rappelle que la vitesse EV (escape velocity ou vitesse de libération en français) correspondant à la vitesse nécessaire pour échapper à l’attraction terrestre, est de 11 km/s. Même si la soufflerie chinoise ne bat que de 2km/s l’installation LENS-X, il s’agit de pouvoir tester des vecteurs dans toutes les phases du vol hypersonique (ce que les américains ne peuvent aujourd’hui faire).

La nouvelle installation permettra de tester des modèles assez volumineux (on parle d’une envergure de 3m). Elle devrait être mise en service d’ici 2020, ce qui montre l’importance que la Chine accorde à son programme hypersonique, et à la course aux armements dans laquelle elle prend aujourd’hui la tête vis-à-vis des USA et de la Russie.

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On les appelle les « colombes » (Doves en anglais) mais ce sont de drôles de volatiles. Ce sont les 88 satellites – oui, 88! – qui vont partir en orbite aujourd’hui, à bord d’une fusée de type PSLV (Polar Satellite Lauch Vehicle) décollant du centre indien Satish Dhawan Space Center.

Mettre 88 satellites dans une fusée, cela donne une idée de la taille de chaque objet : 4,7 kg seulement par satellite, chacun occupant un volume de 10x10x30 cm. Ce sont des satellites de type CubeSat, capables d’observer la Terre en multispectral avec une résolution de 3 à 5m. Chaque satellite réalise une orbite complète en 90 min, et outre des caméras d’imagerie, dispose d’une caméra stellaire pour un positionnement fin de l’image. Les concepteurs sont même allés jusqu’à décorer chaque satellite par un « artist in residence » qui a réalisé des sérigraphies laser ( !).

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Cette approche a été développée par la société privée Planet, qui n’en est pas à son coup d’essai, puisque la constellation est déjà partiellement en orbite : plus de 20 satellites Dove ont déjà été déployés, à une altitude de 400km. Regardez cette vidéo impressionnante du déploiement de 2 satellites Dove à partir de l’ISS (station spatiale internationale).

La société Planet dispose en tout de 55 micro-satellites déjà opérationnels. Mais aujourd’hui, on parle bien du déploiement de la plus grande flotte de satellites jamais effectué.

L’idée derrière la constellation des Doves est d’utiliser une ligne de satellites connectés comme un scanner pour photographier la surface de la Terre. Ils interagissent entre eux, mais également avec d’autres satellites – nous y reviendrons.

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Evidemment, outre le fait de concevoir ses propres satellites, Planet –  qui a récemment levé 183 millions de $ de capital – développe aussi ses propres logiciels : un logiciel de gestion de la flotte satellitaire automatique (ce n’est pas si évident de gérer plus de 100 satellites en orbite dans la même constellation) – voir ci-dessous:

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La société a également développé un « pipeline » de traitement, une plate-forme complète permettant  une automatisation du processus d’imagerie.

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Mais Planet ne s’arrête pas là puisqu’elle vient d’acquérir la société TerraBella (en la rachetant à Google !), une société qui opère sept satellites très complémentaires des Doves, puisque chacun dispose d’une résolution 4 à 6 fois supérieure. De quoi former un système de surveillance impressionnant.

Car tout cela, finalement, a pour objectif développer la plate-forme de surveillance automatique de la Terre la plus performante et la plus simple d’emploi jamais conçue. Son principe de fonctionnement est finalement simple. Les Doves réalisent un premier scanner, et le réactualisent à chaque orbite. Si un changement est détecté, alors l’un des satellites Terra Bella est activé et braqué sur la zone d’intérêt. Cela peut être une catastrophe naturelle, une modification des zones agricoles, mais aussi la présence de véhicules blindés ou de navires de guerre dans une zone, par exemple. Ou l’observation de l’évolution de la construction d’une piste, comme dans cette photo de l’île  Fiery Cross dans l’archipel disputé des Spratleys.

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Même si les Doves ne sont pas déployés depuis longtemps, ils peuvent analyser des changements sur des périodes plus longues, car Planet a racheté en 2015 la société BlackBridge qui détient les données d’observation issues de l’imagerie satellitaire Landsat 8 et Sentinel 2. Ces données sont combinées au sein de la même plateforme. En tout, voici les données disponibles via Planet :

  • PlanetScope: Bandes RGB et NIR (proche infrarouge) (3.7m de résolution), Constellation Dove
  • RapidEye: Bandes RGB, NIR et red edge – bordure rouge (6.5m de résolution), Constellation RapidEye
  • Sentinel-2: 13 bandes spectrales– RGB et NIR bands (10m de résolution); six bandes red edge et infrarouges à ondes courtes (20m de résolution); trois bandes de correction atmosphérique (60m de résolution)
  • Landsat 8: 11 bandes spectrales – Bande panchromatique (15m de résolution); 8 RGB, NIR, IR à ondes courtes, and correction atmosphérique (20m de résolution); 2 bandes IR thermique (100m de résolution)

Planet devient donc un opérateur très complet, capable de détecter toute modification dans une zone quelconque (ou presque) sur la Terre. Et avec un contrat adéquat, en théorie, toute organisation peut utiliser sa plate-forme pour réaliser des observations performantes.

On voit donc apparaître un opérateur privé qui devient capable de détenir des technologies jusqu’alors réservées aux états. On peut presque dire que l’imagerie satellitaire devient une technologie dite nivelante, accessible en théorie au plus grand nombre.

Car si le lancement d’aujourd’hui est un succès (le dernier lancement de 23 Doves fut un échec majeur avec l’explosion du lanceur, comme quoi il ne s’agit pas d’un sport de masse), de tels investissements montrent que Planet cible bien une offre large, destinée à un grand nombre de clients. Il conviendra donc de suivre la mise en place des garde-fous nécessaires au maintien d’un certain contrôle, dans un domaine qui demeure sensible.

 

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Bon, ce n’est pas pour tout de suite, mais puisqu’on peut faire de temps en temps de la prospective à plus de 30 ans, je m’attarde un instant sur cette invention digne des meilleurs films de science-fiction. Nous la devons à la société BAE, qui travaille sur un projet baptisé LDAL pour « Laser Developed Atmospheric Lens », ce qu’on pourrait traduire par lentille atmosphérique créée par focalisation laser.

Cette invention vise à ioniser l’atmosphère au moyen d’une impulsion laser afin de créer un « bouclier » permettant de protéger le sol contre les effets d’une arme laser à énergie dirigée, d’utiliser cette « lentille » pour de l’espionnage ou de la reconnaissance, ou encore de constituer un mirage optique pour leurrer l’adversaire. Délire d’un ingénieur fana de science-fiction ? Non, c’est sérieux.

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Le concept repose sur un effet physique dit Effet Kerr. Pour faire simple, voire simpliste pour les puristes, le laser à impulsion braqué sur l’atmosphère ionise l’air; à haute puissance, l’indice de réfraction de l’air dépend de l’intensité laser incidente (il y a même une formule, mais je ne veux pas dégoûter les lecteurs). Le profil d’intensité dans le faisceau laser n’étant pas uniforme, l’effet Kerr génère un profil d’indice de réfraction qui se comporte comme une lentille convergente ou « lentille de Kerr » dont la distance focale dépend de l’intensité.

On va faire simple : une fois ionisée, la portion de l’atmosphère concernée est transformée temporairement en une structure proche d’une lentille, permettant soit d’amplifier, soit de dévier le trajet des ondes électromagnétiques (ondes lumineuses, mais aussi ondes radio). Le phénomène est évidemment réversible. C’est un peu ce que l’on voit dans le cas d’un mirage, où l’air chaud qui monte réfracte la lumière et permet de dévier le trajet des rayons lumineux.

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L’idée de BAE, c’est d’utiliser ce phénomène afin de protéger les troupes au sol, les véhicules, navires ou même aéronefs d’une attaque par l’emploi d’une arme à énergie dirigée (laser à haute énergie par exemple). Ou de déclencher un laser à impulsion en haute altitude, et provoquer la création d’une lentille permettant d’observer les mouvements ennemis en amplifiant la lumière venant de la zone située en-dessous de la lentille. La vidéo ci-après présente le projet.

Et les concepteurs ne sont pas des doux rêveurs puisqu’ils travaillent avec le Science and Technology Facilities Council britannique, le laboratoire Rutherford Appleton et la société LumOptica.

Evidemment, ce n’est pas pour demain : un tel système, dans sa pleine capacité opérationnelle, est envisageable dans un délai d’une cinquantaine d’années. Mais nul doute que ce développement pourra être accéléré si les armes à énergie dirigée se démocratisent au point de devenir une menace réelle et prégnante. Ou si quelqu’un s’avise de construire l’Etoile Noire (ou blonde, sic), on ne sait jamais…

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Décidément, la Chine accélère son développement technologique à tel point que l’on n’est plus dans une logique de rattrapage mais bien dans une logique de dépassement, comme le rappelait l’excellent David Menga lors de la conférence annuelle « Mission CES » au MEDEF (voir sur Twitter #whatsnext) organisée avec Xavier Dalloz.

Tout le monde a entendu parler des récents progrès de la Chine, notamment dans le domaine du calcul (les 2 plus puissants superordinateurs au monde sont aujourd’hui chinois, le premier ayant une puissance de plus de 90 petaflops, soit 90 millions de milliards d’opérations en virgule flottante par seconde). Mais de nouvelles et impressionnantes réalisations avec des implications concrètes dans la défense viennent d’être dévoilées. Au premier rang d’entre elles, le déploiement de ce qui apparait comme le premier satellite de cryptographie quantique au monde.

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Baptisé (suivant les traducteurs) Micius ou Mozi (un philosophe et scientifique chinois du Ve siècle avant JC), il s’agirait du premier « satellite QUESS » (Quantum Experiments at Space Scale). Traduction : c’est un satellite capable d’utiliser depuis l’espace un protocole de cryptographie quantique.

En soi, la technologie n’est pas nouvelle puisque son principe date des années 1960 La cryptographie quantique consiste en effet à utiliser les propriétés des photons à l’échelle quantique (intrication, superposition…) pour permettre un échange de clés de chiffrement de manière sécurisée. Pour ce faire, on utilise le principe de polarisation des photons. Cela consiste à être capable d’émettre une suite de photons (un par un, c’est pour cela que l’on parle de source de photons uniques) tous polarisés (donc oscillant dans une direction) de la même manière. Un modulateur électro-optique permet ensuite par l’application d’une tension choisie par l’émetteur de polariser le photon dans l’un des 4 états possibles. Je ne rentre pas ici dans le détail (on appelle cela le protocole BB84 pour Bennett & Brassard, 1984).

En gros, si le photon est polarisé parallèlement à l’angle d’orientation du filtre, le photon sera transmis sans changement (1), s’il est perpendiculaire, il sera absorbé et ne passera pas (0), et si la direction est intermédiaire, il passe ou non selon une probabilité liée au carré du cosinus de l’angle de polarisation du photon par rapport à celui du filtre (vous êtes toujours là ???). Et s’il est transmis, alors sa nouvelle polarisation correspondra à l’angle d’orientation du filtre.

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Encore une fois, je simplifie, mais cela permet (1) de générer des clés véritablement aléatoires et (2) d’être certain que si l’on intercepte le photon pour mesurer sa polarisation, on la change obligatoirement. Donc il est impossible d’intercepter le message sans le modifier (auquel cas, la tentative d’interception sera connue par le principe d’intrication quantique : deux photons peuvent être liés, si l’un est modifié, l’autre le sera également – et si ce dernier est conservé dans une « clé privée », cela permettra à coup sûr de détecter la tentative de piratage). Vous trouverez sur Internet beaucoup de sites expliquant ce principe – j’arrête là pour ne pas perdre davantage de lecteurs. Et la société (disparue aujourd’hui) SmartQuantum avait, il y a quelques années, développé de tels boîtiers de cryptage quantique en France.

Mais ici, le défi est plus complexe car ces photons doivent être émis sur de grandes distances. Plusieurs expériences ont été réalisées tant par des équipes chinoises qu’Européennes ou américaines. Ainsi en mai 2012 une expérimentation de téléportation quantique a été réalisée avec succès sur une distance de 143 km dans les îles Canaries.

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Le principe de Mozi est de tester ce procédé depuis l’espace. Ainsi, un signal Laser (source de photons) constituant une clé de cryptage quantique sera émis depuis le sol (station à Pékin), reçu et déchiffré par le satellite placé en orbite basse (500km), puis réémis vers un second site au sol distant du premier de plus de 2500km (Urumqi). Evidemment, cela nécessitera une précision redoutable afin de pouvoir réellement recevoir et déchiffrer le signal). Le satellite lui-même comporte tous les équipements nécessaires au codage, décodage, réception et émission du signal.

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Le but est de valider que cette technologie peut être utilisée de manière opérationnelle pour transmettre des messages inviolables sur une grande distance. Ce n’est pas demain qu’une telle technologie sera déployée sous forme d’un réseau (on pense que cela sera possible d’ici une quinzaine d’année).

Toutefois, cette capacité constitue une véritable rupture stratégique, rendue possible par un financement colossal dans le cadre du nouveau plan quinquennal de recherche de la Chine. La France et l’Europe ne disposent pas de telles ressources, malgré une expertise reconnue dans les mathématiques, la physique et le spatial. Alors comment anticiper et répondre à de telles ruptures capacitaires ? La question est posée et elle est sérieuse.

 

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On se croirait dans un James Bond : la navette X-37 américaine vient de passer un an en orbite, en toute discrétion, et ce n’est pas la première fois.

Si vous ne connaissez par la X-37, c’est normal puisque cette navette robotisée développée par Boeing et opérée par l’US Air Force n’a pas vocation à faire parler d’elle. Au départ, cet engin était un démonstrateur destiné à valider les nouvelles technologies notamment de décollage, et de rentrée dans l’atmosphère. Son premier lancement dans sa version actuelle baptisée X37B OTV (Orbital Test Vehicle) a eu lieu en 2010, depuis Cap Canaveral, et a donné lieu à sa mise en orbite basse par une fusée Atlas V501.

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Sa mission ? Inconnue. Car la navette a pour objectif de tester des technologies militaires (mais pas forcément des technologies de systèmes d’armes).

La navette n’est pas très grande : elle mesure 8,38 m pour une envergure de 4,57 mètres, avec une masse totale à vide n’excédant pas 3,5 tonnes. C’est une mini-navette (même mode de rentrée, même architecture générale que la navette STS classique américaine aujourd’hui abandonnée), capable d’atteindre une orbite comprise entre 230 et 1 064 km d’altitude et dotée d’une autonomie de 470 jours.

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Un exemple de technologie sans doute testée par cet engin : le moteur à propulsion ionique à plasma stationnaire (propulsion par effet Hall). Il s’agit de propulser l’engin en ionisant un gaz comme le xénon, grâce à un champ magnétique. Le gaz ionisé produit alors une poussée avec une accélération  comprise entre 10 km/s et 80 km/s. On appelle cela un propulseur magnéto-plasma-dynamique (ouf). La photo d’un tel propulseur ci-dessous:

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D’autres types de missions sans doute effectuée par la navette : tester des nouveaux capteurs militaires, notamment dans le domaine ELINT (renseignement électronique), ou même tester des moyens anti-satellitaires (neutralisation ou capture d’un satellite en minimisant les dégâts collatéraux). Mais le X37 est une véritable machine à fantasme : il suffit de parcourir Internet pour voir surgir les théories du complot, depuis l’avènement d’une « super-arme spatiale » jusqu’à la coopération avec les extraterrestres…C’est cela, oui…(!)

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Plus sérieusement, c’est la 4e mission de longue durée pour le X37. Il existe deux exemplaires de cet engin aujourd’hui, et parmi les missions moins…romantiques, quelques experts pensent qu’une des tâches du X37 serait de tester la faisabilité d’une résilience satellitaire, soit la capacité de remplacer des satellites militaires en orbite, en cas de dégradation.

Si vous souhaitez en savoir plus sur l’engin, voici une vidéo qui spécule sur ses missions…Mais vous verrez apparaître rapidement un bandeau « top secret », et la vidéo a d’ailleurs été supprimé de la majorité des réseaux et sites (YouTube en tête) par l’US Air Force. Du marketing, de l’intox, ou… ? Sans doute tout cela à la fois.

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La société SpaceX n’a décidément pas fini de faire parler d’elle. Elle annonce aujourd’hui avoir réussi ce matin à faire atterrir le premier étage de son lanceur Falcon 9 sur une barge à 600 km au large de la Floride, après un lancement de satellite vers une orbite géostationnaire. Et, dans le même temps, elle vient de remporter son premier contrat militaire pour un montant de 82.7 M$.

Revenons un instant sur l’atterrissage de Falcon 9. Ce n’est pas la première fois que SpaceX réussit à faire atterrir son lanceur sur une barge en pleine mer. Toutefois, l’exploit ici consiste à le faire après le lancement d’un satellite vers une orbite géostationnaire, donc très haute. Le lanceur redescend dans l’atmosphère à environ 2km/s, ce qui nécessite un freinage important – donc un échauffement fort – pour permettre de récupérer le véhicule. L’impressionnante video est visible ci-dessous :

Cela met donc SpaceX en position de challenger vis-à-vis de la joint-venture entre Boeing et Lockheed Martin, United Launch Alliance (ULA). Et justement, c’est la première fois qu’une autre société que ULA est retenue par le gouvernement américain pour une mission de lancement de satellite militaire. Pas si surprenant que cela : le prix annoncé par SpaceX représentait une économie de 40% ( !) par rapport au prix estimé par ULA.

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La mission consiste à mettre sur orbite un satellite GPS III militaire en mai 2018. Mais le prix ne fait pas tout : en raison des tensions entre les Etats-Unis et la Russie, le congrès américain a interdit l’utilisation du moteur utilisé par les lanceurs ULA : le moteur russe RD-180. Laissant ainsi la porte ouverte à SpaceX.

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Une nouvelle ère s’ouvre donc pour la société du milliardaire Elon Musk, qui avait attaqué en justice l’US Air Force en 2014 en estimant illégal le monopole de fait d’ULA. Cette dernière  cherche à rattraper son retard en établissant un partenariat avec les sociétés Blue Origin et Aerojet Rocketdyne, pour développer un moteur 100% américain, et lui permettre de concurrencer SpaceX. Il s’agit aujourd’hui du premier contrat d’une série de 9, destinés à mettre en orbite des satellites militaires Une longue bataille en perspective, mais sans doute des économies importantes pour le programme spatial militaire américain à la clé.

 

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DF-ZF pour les chinois, WU-14 pour le Pentagone américain : ce sont les petits noms du nouveau planeur hypersonique chinois, capable de voyager entre Mach-5 et Mach-10. Pour être précis, il s’agit d’une charge militaire hypersonique, lancée à partir d’un missile balistique, ce que l’on appelle en anglais « high-speed maneuvering warhead » ou « hypersonic glider », et capable de percer tout système d’interception.

Pour être tout à fait concret, cela représente des vitesses de l’ordre de 10 000 km/h, même si la notion de véhicule hypersonique doit être modulée et précisée en tenant compte de l’altitude de l’engin (dans la haute atmosphère). Mais l’idée est d’être en position de frapper n’importe quelle cible sur la surface de la Terre en moins d’une heure. Ou de neutraliser un satellite en orbite basse.

Le missile propulsant le système DF-ZF a été tiré la semaine dernière à partir de la base de lancement de Wuzhai, en Chine centrale. Officiellement, il s’agit d’un tir d’essai « pour une mission scientifique » (!), qui fait d’ailleurs suite à un tir russe (le 22 avril dernier) d’essai d’un véhicule hypersonique analogue, à la frontière du Kazakhstan.

Le film ci-dessous illustre bien le concept.

Cette charge hypersonique est compatible avec plusieurs types de missiles balistiques chinois, comme le DF21 (moyenne portée) ou DF31 (ICBM ou missile balistique intercontinental). Le principe est de permettre au missile de lâcher le véhicule dans la stratosphère. Celui-ci retombe alors dans l’atmosphère, et voyage à haute vitesse. Bien que générant une trainée importante, cette solution permet de « planer » plus longtemps que si le véhicule était relâché dans l’espace, tout en minimisant le risque d’interception. En l’espèce, neutraliser un tel engin nécessiterait une arme à énergie dirigée (laser ou « railgun »). Bien que la trajectoire soit prévisible au début (car balistique), c’est donc bien la vitesse qui permet de percer les défenses ennemies. De plus, la trajectoire du DF-ZF est dite « up and down » : le véhicule est lâché, entre dans l’atmosphère, puis se rétablit et remonte avant de contrôler son altitude et sa vitesse, et de planer vers sa cible. Cette trajectoire semble erratique, et est très difficile à anticiper pour un système de défense.

La DARPA cherche également à développer un tel programme, et l’US Air Force anticipe une mise en service vers 2020 (notamment sur la base du X51 Waverider, ci-dessous).

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Comme le DF-ZF, le principe est également de « surfer » sur l’onde de choc créée par le véhicule lui-même (et créant une portance dite de compression). Cependant, à la différence du système chinois, le X51 repose sur une propulsion de type statoréacteur, sans aucune pièce mobile, mais qui est lancé à partir d’un bombardier B52. Le tableau ci-après présente les différents concepts.

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Les russes ne sont pas en reste, avec notamment leur missile Zircon (ci-dessous) à base de combustible liquide, et capable de voler à 6000 km/h et tiré à partir d’un sous-marin de cinquième génération (classe Husky).

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Il s’agit donc bien d’une course à l’hypervélocité. Au-delà de se doter de capacités de frappe nucléaire hypervéloce (comme le suggèrent de nombreux article un peu trop racoleurs sur Internet), la Chine cherche surtout à pouvoir montrer (et prouver) ses capacités à percer une défense antimissile régionale, comme le pensent les chercheurs de la Potomac Foundation.

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La carte ci-dessus montre bien les enjeux dans la maîtrise de la région. Une arme hypersonique pourrait jouer un rôle soit dissuasif, soit offensif dans des zones comme Taiwan, ou la mer de Chine méridionale. A suivre, donc.