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Si vous vous en souvenez, j’avais déjà parlé de ces projets de blindage « transparent » : l’idée de munir un chef d’engin de lunettes de réalité virtuelle afin de pouvoir disposer d’une vue de ce qui l’entoure, simplement en regardant autour de lui (voir cet article).

L’idée du blindage transparent n’est donc pas nouvelle. Il y a le véritable blindage transparent réalisé à partir de matériaux comme la spinelle (voir également cet article), mais surtout l’idée d’utiliser des dispositifs de réalité virtuelle qui agrègent l’information visuelle ou thermique fournie par les capteurs externes, et permettent au regard du chef de « percer le blindage ». La société Finmeccanica avait d’ailleurs démontré un tel prototype pour un pilote d’hélicoptère lors du salon du Bourget 2013. Et l’armée norvégienne avait réalisé une expérimentation en utilisant le casque de réalité virtuelle Oculus Rift dans le même but (image ci-dessous).

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L’idée refait aujourd’hui surface, à la fois stimulée par l’émergence de nouvelles technologies de casques à réalité virtuelle et augmentée, et sous l’impulsion d’opérationnels…ukrainiens. Car une start-up de Kiev, Limpid Armor, vient de remporter une bourse de Microsoft pour développer une technologie de casque à réalité augmentée fondée sur la technologie Hololens.

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Un petit mot sur cette technologie dont on parle depuis au moins deux ans. Il s’agit d’une technologie développée par Microsoft de réalité augmentée : des lunettes semi-transparentes, capables d’injecter dans la vision de l’utilisateur des images « holographiques » qui viennent se superposer à la vision de l’environnement de ce dernier. Les lunettes pèsent environ 400g et offrent un champ de vision de 120° par 120°. Mais surtout, avec une qualité de projection d’hologramme 3D assez bluffante. En fait, Hololens est un ordinateur en soi, et permet de percevoir des projections holographiques extrêmement brillantes, même dans un environnement lumineux.

La vidéo institutionnelle de promotion d’Hololens est présentée ci-dessous.

Bon, à la différence de ce que l’on voit dans la démo, le champ visuel est très – trop – réduit. En fait, il conviendrait d’avoir du 180° par 180° pour obtenir une qualité de projection réellement satisfaisante. Cela n’est néanmoins pas un obstacle pour le projet de Limpid Armor. Cette société a donc développé un concept alliant la technologie Hololens avec un réseau de caméras situées à l’extérieur du véhicule. Le système est baptisé CRS pour Circular Review System. Il fusionne les informations des caméras en une image composite, et serait même capable de réaliser du « blue force tracking » en réalité mixte : désigner au chef d’engin les forces alliées en superposant un identifiant sur le terrain réel. L’idée serait également d’aller vers la désignation au chef des cibles ou unités ennemies, directement dans son champ de vision.

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L’idée est assez séduisante, même si le concept précédent, utilisant un casque de réalité virtuelle et non mixte (l’Oculus Rift) a très vite montré des limites opérationnelles : fatigue des yeux des opérateurs, surcharge informationnelle, mais surtout angoisse générée par l’impression de « ne pas être protégé », le blindage devenant transparent.

De telles innovations, même si elles paraissent séduisantes pour un technophile, doivent donc toujours être examinées par le prisme opérationnel. En particulier, ce cas d’école montre qu’il est nécessaire et même indispensable de prendre en compte les aspects liés aux facteurs humains, physiologiques comme psychologiques. La technologie ne fait pas tout. En tout cas, tant que les chars seront commandés par des hommes.

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Dans le monde de la réalité virtuelle, on connaissait déjà les systèmes permettant de fournir des illusions haptiques, telles que la société SENSEG (voir plus bas). Aujourd’hui, c’est la société britannique UltraHaptics qui présente une technologie permettant de créer, à l’aide d’ultrasons, des formes virtuelles tridimensionnelles dans l’air ambiant. Le principe est d’utiliser les ultrasons pour générer des variations de pression donnant à l’utilisateur l’impression qu’il touche une surface ou un objet. Cette technologie, initialement développée par l’Université de Bristol, permet donc d’interagir avec des objets virtuels, de sentir des boutons ou des commandes, ou de fournir un retour d’effort à l’utilisateur. Ultrahaptics a ainsi développé et industrialisé sa solution à partir d’une levée initiale de fonds de 600 000£.

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La technologie permet de créer un point de haute pression d’un diamètre minimal de 8,5mm, mais cette forme peut être modifiée pour créer une surface quelconque. Le champ de pression est en effet suffisamment fort pour déplacer très légèrement la peau de l’utilisateur, et lui permettre de ressentir une forme. La vidéo ci-après présente le concept.

Dans le domaine de la simulation, cela permet donc de renforcer l’immersivité d’un utilisateur confronté à un environnement virtuel. Ce n’est pas la première solution de ce type à présenter un tel potentiel. Dans le cas de la solution proposée par exemple par la société SENSEG, s’agit d’utiliser des champs électrostatiques afin de donner l’impression à l’utilisateur qu’il parcourt du doigt des textures différentes. En réalité, l’illusion est générée par la restitution de différents niveaux de friction provoquée par la variation des champs électrostatiques.

En conséquence, l’utilisateur a l’impression qu’il ne touche pas un écran mais bien une surface texturée particulière. De la même manière, la société Elliptic Labs propose une solution d’écholocation des mouvements. Ultrahaptics combine, en quelque sorte, ces deux aspects pour localiser les gestes et donner une illusion haptique. Associée à des modélisations graphiques et/ou sonores, l’impression d’immersion dans un environnement virtuel est fortement renforcée.

Depuis l’essor des masques de réalité virtuelle, Oculus Rift en tête, le marché cherche constamment des solutions permettant de renforcer l’illusion physique, en sus de l’illusion visuelle. Dans le domaine de la préparation opérationnelle et de l’entraînement – soit au maniement d’un système d’armes, soit pour l’entraînement du fantassin débarqué – une telle solution contribuerait à enrichir l’environnement de l’utilisateur, en particulier par le retour de force.

La solution d’UltraHaptics a été présentée et a obtenu un prix au dernier CES de Las Vegas, et les premières applications commerciales devraient être disponibles d’ici un an.

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…c’est l’expérience réalisée par l’armée norvégienne dans une expérimentation fondée sur l’utilisation du casque de réalité virtuelle Oculus Rift. L’idée est d’équiper le char de plusieurs caméras lenticulaires installées sur le pourtour. Via un serveur, ces caméras sont reliées à un casque Oculus Rift qui permet, en fonction de l’orientation de la tête de l’utilisateur, de composer une image synthétique de l’environnement du char en utilisant les caméras de la zone concernée. Un logiciel de réalité augmentée développé par la société Augmenti permet de réaliser la superposition avec les indications de guidage, celles relatives au système d’armes et aux cibles.

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Le blindage devient ainsi « transparent » et permet ainsi d’avoir une vision à 360 degrés autour du véhicule. Le film (sous titré en anglais) est visible ici

L’idée n’est pas nouvelle: au salon du Bourget 2013, Finmeccanica avait dévoilé un concept analogue pour voir au travers du plancher d’un hélicoptère de combat. Ce qui a changé, c’est le coût d’une telle solution, rendu abordable par le recours à des équipements de réalité virtuelle grand public.

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Dans tous les cas, le concept doit être soigneusement étudié, car le recours à une image synthétique fatigue considérablement l’oeil de l’utilisateur – des tests d’acceptance sont en cours. Une telle technologie pourrait être opérationnelle avant quatre ans.