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Quel fil couper ? le rouge ou le bleu ? De « on a retrouvé la 7e compagnie » à « Die Hard » en passant par « l’arme fatale », la scène récurrente du film d’action consiste a couper délicatement le fil qui relie la bombe au détonateur. Compte tenu du résultat, l’idée d’utiliser un robot à cette fin ne semble pas complètement stupide (!). Histoire de pouvoir regarder cela de loin…

Sauf que les manipulations effectuées par un robot classiques sont plutôt grossières. On est loin des doigts de fée, et donc, le plus souvent, l’opération de désamorçage ou de levée de doute consiste à faire exploser, classiquement par un canon à air comprimé, le bagage suspect.

Pour réaliser des manipulations plus… subtiles, la société RE2 robotics (Resquared) a développé une nouvelle gamme de robots, baptisée HDMS pour Highly Dexterous Manipulation System (système de manipulation à haute dextérité). Il s’agit d’une plate-forme de manipulation destinée à être connectée à un socle mobile, et muni de deux pinces à 16 degrés de liberté.

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Outre l’extrême précision et mobilité des bras manipulateurs, le système comprend un mode de contrôle très évolué appelé Imitative Controller, supposé fournir un moyen de contrôler intuitivement les pinces du robot.

La vidéo ci-dessous montre l’efficacité de cette technologie, avec notamment l’ouverture d’un cadenas… en introduisant délicatement une clé dans la serrure. Mais outre sa dextérité, le robot peut soulever des charges de 55kg !

Ce contrôleur permet à l’opérateur de jouer le rôle d’un marionnettiste, avec une position proche de celle adoptée par le manipulateur robotisé, des poignées ergonomiques loin des manettes de type « jeu vidéo », et un design très étudié du manipulateur. A titre d’exemple, les concepteurs ont porté un soin particulier à étudier la longueur des parties articulées pour ne pas générer de fatigue chez l’utilisateur.

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Enfin, le retour d’effort vers l’utilisateur est utilisé par divers moyens : lumineux, sonore et évidemment haptique. Grâce à ces techniques, l’opérateur peut découpler les mouvements des deux bras, ce qui permet notamment de réaliser les prouesses présentées dans la vidéo.

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La société américaine Resquared, basée à Pittsburgh, est une spin-off de l’Université Carnegie Mellon, université de référence en robotique. Elle vient donc de livrer 2 robots HDMS 551s1 à l’US Army, pour des missions de déminage. Reste à connaître le prix de l’engin, que le P-DG de Resquared, Jorgen Pedersen, présente comme particulièrement attractif.

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Dans le monde de la réalité virtuelle, on connaissait déjà les systèmes permettant de fournir des illusions haptiques, telles que la société SENSEG (voir plus bas). Aujourd’hui, c’est la société britannique UltraHaptics qui présente une technologie permettant de créer, à l’aide d’ultrasons, des formes virtuelles tridimensionnelles dans l’air ambiant. Le principe est d’utiliser les ultrasons pour générer des variations de pression donnant à l’utilisateur l’impression qu’il touche une surface ou un objet. Cette technologie, initialement développée par l’Université de Bristol, permet donc d’interagir avec des objets virtuels, de sentir des boutons ou des commandes, ou de fournir un retour d’effort à l’utilisateur. Ultrahaptics a ainsi développé et industrialisé sa solution à partir d’une levée initiale de fonds de 600 000£.

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La technologie permet de créer un point de haute pression d’un diamètre minimal de 8,5mm, mais cette forme peut être modifiée pour créer une surface quelconque. Le champ de pression est en effet suffisamment fort pour déplacer très légèrement la peau de l’utilisateur, et lui permettre de ressentir une forme. La vidéo ci-après présente le concept.

Dans le domaine de la simulation, cela permet donc de renforcer l’immersivité d’un utilisateur confronté à un environnement virtuel. Ce n’est pas la première solution de ce type à présenter un tel potentiel. Dans le cas de la solution proposée par exemple par la société SENSEG, s’agit d’utiliser des champs électrostatiques afin de donner l’impression à l’utilisateur qu’il parcourt du doigt des textures différentes. En réalité, l’illusion est générée par la restitution de différents niveaux de friction provoquée par la variation des champs électrostatiques.

En conséquence, l’utilisateur a l’impression qu’il ne touche pas un écran mais bien une surface texturée particulière. De la même manière, la société Elliptic Labs propose une solution d’écholocation des mouvements. Ultrahaptics combine, en quelque sorte, ces deux aspects pour localiser les gestes et donner une illusion haptique. Associée à des modélisations graphiques et/ou sonores, l’impression d’immersion dans un environnement virtuel est fortement renforcée.

Depuis l’essor des masques de réalité virtuelle, Oculus Rift en tête, le marché cherche constamment des solutions permettant de renforcer l’illusion physique, en sus de l’illusion visuelle. Dans le domaine de la préparation opérationnelle et de l’entraînement – soit au maniement d’un système d’armes, soit pour l’entraînement du fantassin débarqué – une telle solution contribuerait à enrichir l’environnement de l’utilisateur, en particulier par le retour de force.

La solution d’UltraHaptics a été présentée et a obtenu un prix au dernier CES de Las Vegas, et les premières applications commerciales devraient être disponibles d’ici un an.

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Petit focus sur le programme JFX3 du Ministère de la Défense britannique. Ce programme, conduit notamment par la société SEA (une filiale de Cohort PLC) vise à évaluer les apports de la réalité augmentée (RA) basée sur des COTS (composants commerciaux sur étagère) et des GOTS (idem, mais composants gouvernementaux) dans le domaine de la Défense. Son nom complet est Joint Focus Experimentation 3(JFX3).

En particulier, l’objectif était d’identifier les bénéfices apportés par la RA, et les solutions pouvant être déployées rapidement, à coût modeste, pour les opérations et l’entraînement, en exploitant les récents progrès dans le domaine commercial.

Ce programme a été réalisé en 2 phases :

  • Une première phase d’étude dédiée à analyser le domaine, identifier les concepts et analyser les technologies. Cette première phase a montré que l’évolution du domaine était plus rapide que celle de technologies comparables, facilitée par les applications sur tablettes, smartphones… Elle a identifiée également les barrières possibles pour une utilisation dans le domaine de la défense : gestion des formats, des priorités, interopérabilité, exigences matérielles, etc…)
  • Une deuxième phase, conduite en 2013, était constituée d’une série d’expérimentations terrain permettant une première mise en pratique et une identification des barrières à l’adoption de la RA. Quatre concepts ont été évalués :
  1. La navigation augmentée (infanterie débarquée), de jour comme de nuit,
  2. Les alertes directionnelles / le repérage (infanterie débarquée)
  3. Les alertes de proximité (infanterie débarquée) vis-à-vis de points d’intérêts
  4. La visualisation au travers d’un véhicule (contexte embarqué) : des tablettes fixes ou portables situées dans le véhicule affichent des images d’une caméra à 360° montée sur le véhicule, enrichies d’une couche d’information en RA. Voir à ce sujet mon article sur l’évaluation d’une telle technologie par l’armée norvégienne ici.
  5. Pour les 3 premiers concepts, lorsque cela était applicable, les évaluations portaient sur les RA visuelle (jumelle), audio (tonalités directionnelles et voix de synthèse générées dans un casque) et haptique (ceinture haptique qui stimule le sens du touché par application de forces, de vibration et de mouvements ou des actuateurs posés sur les bras du sujet).

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Les résultats ont montré :

  • Que dans le domaine de la navigation, les routes utilisées via un procédé de RA étaient plus pertinentes que les routes déduites par les moyens usuels (de nuit comme de jour, avec un effet plus spectaculaire de nuit)
  • Que dans le domaine des alertes directionnelles, la radio était finalement la technique la plus adaptée
  • Que le « blindage transparent » générait une charge de travail plus grande, mais était très performant en termes de pertinence opérationnelle.

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En outre, l’étude (qui s’est intéressé aux contextes Terre et Mer) a identifié quelques barrières à l’adoption de la RA :

  • Concordance : la manière dont les informations en RA sont cohérentes avec le monde réel. Cette étape de calibration est assez simpliste dans le monde des applications grand public. Elle doit être renforcée dans le monde de la défense
  • La technologie coupe le sujet des alertes et signaux atmosphériques et environnementaux qui l’entourent. Dans certains cas (ex opérations des FS) cela est handicapant
  • Immaturité des dispositifs visuels en regard des contraintes militaires
  • Immaturité de l’intégration de la technologie (même si celle-ci est mature) dans un système de systèmes militaires
  • Rythme de l’obsolescence, en comparaison du rythme d’acquisition dans les armées
  • Taille, robustesse, poids, pour le combattant individuel
  • Sécurité des communications et du stockage des informations sensibles.

Ce type de projets est essentiel pour l’évaluation non seulement d’une technologie, mais de sa capacité à remplir un besoin opérationnel. Dans le même ordre d’idées, on pourra citer le projet ULTRA-VIS (Urban Leader Tactical Response, Awareness and Visualization), répondant précisément aux objectifs d’intégration de la réalité augmentée au sein des Forces, en Appui aux Opérations, conduit par la DARPA qui en a publié récemment quelques résultats (voir images ci-dessous, et image de tête de l’article).

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En l’occurrence, il s’agit d’un nouveau casque de RA permettant au fantassin d’avoir à la fois accès aux informations synthétiques opérationnelles, et de ne pas se couper de son environnement.

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Ce casque est à base de guides d’ondes holographiques.  Nous examinerons bientôt dans ce blog les différentes catégories de lunettes pour la réalité virtuelle et augmentée.

En conclusion, aujourd’hui, la plupart des démonstrations d’utilisation de la réalité augmentée se font dans des environnements parfaitement connus, limités dans l’espace, avec des applications où l’utilisateur n’a pas une entière liberté de mouvement et d’action. Ceci,on peut le comprendre, pour des raisons de maturité et robustesse des technologies employées. Toutefois, les conditions opérationnelles d’utilisation de telles technologies militent pour la conduite d’expérimentations telles que JFX3, qui a le mérite de poser correctement le problème de la pertinence de l’emploi futur dans un contexte opérationnel exigeant.