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De temps en temps, on voit une société émerger, qui provoque chez nous autres passionnés un réflexe d’envie voire de jalousie. J’ai par exemple déjà parlé de la société remarquable d’Angel Ramirez, GTD, qui est, je dois le dire, la société que j’aurais aimé créer… Aujourd’hui, laissez moi vous parler d’une autre pépite, la société Planetary Resources. Au passage, merci à Starburst de m’avoir présenté son fondateur et de m’avoir invité à leur conférence il y a quelques mois…

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Nous allons donc parler d’espace et d’astéroïdes… Quel rapport avec la défense ? En réalité, l’espace est véritablement devenu un champ à part entière de l’action militaire, comme l’illustre d’ailleurs la récente déclaration du général Jean-Pascal Breton, du commandement interarmées de l’espace : « « Il y a naturellement dans l’espace un certain nombre de satellite qui viennent regarder et observer ce que nous faisons en particulier sur certaines orbites géostationnaires. C’est ce qui nous préoccupe un tout petit peu en ce moment ».

Outre cet aspect, il est évident que l’espace est aujourd’hui un domaine d’intérêt stratégique majeur, ce qui nécessite de pouvoir y accéder, construire des infrastructures en orbite, s’y ravitailler, … autant de problématiques d’une complexité réelle compte tenu de l’hostilité du milieu (ainsi la température à la surface d’un satellite oscille de +150°C à -120°C, ce qui ne facilite pas les opérations).

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C’est là que l’on commence à parler de Planetary Resources (PR). Cette société a été fondée par un visionnaire, Chris Lewicki, directeur de vol à la NASA sur les missions martiennes Spirit et Opportunity, et directeur des aspects surface du programme Phoenix. Chris Lewicki a même un astéroïde nommé d’après son patronyme : 1369Lewicki. Car l’homme s’intéresse beaucoup aux astéroïdes au point d’avoir créé la première et aujourd’hui seule société au monde dédiée au « mining d’astéroïdes ».

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Pour comprendre son business, il emploie une analogie ; imaginons que vous voulez construire un barrage. Si l’on raisonne comme raisonnent aujourd’hui la NASA ou Space X : on construit le barrage dans un hangar, on le protège pour qu’il résiste au transport, on construit un système massif de transport routier pour acheminer le barrage sur des gigantesques camions à destination, puis on installe le barrage. Ce dernier va devoir résister pendant le voyage à des contraintes qu’il ne connaîtra jamais plus, et une fois en place, à des contraintes qu’il n’a jamais rencontrées auparavant. C’est ce que l’on fait aujourd’hui pour construire une station spatiale ou un satellite, et l’acheminer en orbite.

Mais imaginons que l’on puisse tout faire depuis l’espace… En particulier se ravitailler en eau et en carburant, mais aussi construire des infrastructures sans avoir besoin de tout acheminer depuis la Terre… Cela change radicalement la donne (on parle de 95% de réduction de coûts par rapport  aux processus traditionnels), et c’est le projet de PR.  L’idée ? Exploiter les ressources naturelles des NEA (near-earth asteroids), les astéroïdes proches de la Terre.

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Dans un premier temps, il s’agit de trouver de l’eau, pour le soutien des équipages, mais aussi pour créer du carburant. Pour cela, il faut lancer une mission d’exploration, afin de cibler et de sonder les astéroïdes d’intérêt.

La société est prête à envoyer dans l’espace son satellite Arkyd6, un instrument dont l’objectif est de scanner les astéroïdes en imagerie infrarouge (bande 3-5 microns), une zone du spectre électromagnétique permettant de détecter la présence d’eau. Auparavant, en 2015, elle avait déployé à partir de la station spatiale internationale le satellite Arkyd3R afin de valider les briques technologiques nécessaire à la réalisation de la mission de la société. En 2020, PR déploiera Arkyd301, un essaim de véhicules spatiaux inhabités d’exploration propulsés par des moteurs ioniques, ciblant plusieurs astéroïdes d’intérêt afin de réaliser un sondage de leur surface, établissant au passage la base de données la plus chère (et sans doute la mieux protégée) au monde, chaque gisement pouvant générer l’équivalent de trillions de dollars en termes de ressources.

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L’idée ensuite ? Extraire de l’eau pour créer des stations de ravitaillement dans l’espace, mais aussi bâtir des infrastructures complètes à partir du métal trouvé sur des NEA, notamment par des techniques d’impression 3D.

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Situées au-delà de l’attraction terrestre, de telles structures seront moins chères à construire, et ne seront pas limitées en termes de taille. N’oublions pas non plus l’extraction de métaux précieux afin de développer des composants électroniques dans l’espace.

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Le projet est sérieux ; outre des conseillers prestigieux (James Cameron, Henry Hertzfeld, et autres scientifiques du MIT ou de John Hopkins Applied physics lab), la société compte des investisseurs aux poches profondes :  Larry Page et Eric Schmidt (Alphabet), Ram Shriram, l’un des premiers investisseurs dans Google, Sir Richard Branson (Virgin) ou encore Ross Perot. La société bénéficie également du soutien du Luxembourg ; cette petite nation vise en effet à attirer les sociétés du domaine spatial en travaillant notamment sur les aspects régulation, lobbying et propriété intellectuelle.

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Une société réellement innovante, un projet passionnant et de long terme, une véritable question stratégique dans le contexte de l’arsenalisation de l’espace… PR inaugure une nouvelle génération d’acteurs de la conquête spatiale, qui devrait intéresser à la fois l’écosystème de la défense, et celui du financement des entreprises innovantes et stratégiques.