Articles Tagués ‘dirigeable’

bum0

Marcel Dassault disait « pour qu’un avion vole, il faut qu’il soit beau ». Bon, on dira que c’est parce que ce n’est pas un avion que le Hybrid Airship de Lockheed Martin a une apparence disons…curieuse, à l’image de son grand frère, le Airlander 10, conçu de telle manière que certains le surnomment « the flying bum » (le derrière volant)… Comme le montre la photo ci-dessous.

bum1

Ce dernier a fini son dernier vol d’essai en août 2016 dans un champ anglais (une espèrce de « soft crash »). Mais revenons au Hybrid Airship. Commercialisé par une filiale de Lockheed baptisée Hybrid Enterprises, il s’agit d’un projet émanant de Skunkworks, département mythique de Lockheed Martin dont le nom officiel est Advanced Development Programs (ADP), responsable du développement d’avions mythiques tel que le SR71 Blackbird, ou le F117. Ce département (littéralement « l’atelier du putois ») est caractérisé par une grande autonomie au sein de sa maison-mère et travaille sur des projets disruptifs. En l’occurrence, le Hybrid Airship était auparavant connu sous le nom de projet P791.

bum2

Pourquoi un tel engouement actuel pour le retour à un concept aussi vieux que les débuts de l’aviation ? Parce que les dirigeables possèdent de nombreux atouts, en particulier leur discrétion, leur autonomie, leur capacité d’emport et le respect de l’environnement. Mais également parce qu’ils sont capables d’assurer des missions uniques ; ainsi dans le monde de la défense, des dirigeables capables de rester en toute discrétion positionnés pour des tâches de surveillance, ou d’effectuer des tâches de ravitaillement dans des zones difficiles d’accès constituent des alternatives intéressantes aux vecteurs classiques. Mais les dirigeables traditionnels souffrent de limitations: lourdeur, fragilité, nécessité de disposer d’infrastructures au sol, emport limité, etc…

Retour au Hybrid Airship : celui-ci possède une triple chambre emplie d’hélium, de 90m de long. Cela, c’est classique même si cette chambre est fabriqué en Vectran, un matériau analogue au Kevlar. Mais il possède aussi une forme aérodynamique particulière, capable d’assurer en elle-même 20% de la portance de l’aéronef (le reste étant assuré par l’hélium). Et surtout un système innovant baptisé ACLS pour Air Cushion Landing System qui lui permet d’atterrir, de décoller ou de manœuvrer quasiment n’importe où.

bum3

Car à la différence des dirigeables classiques qui nécessitent des infrastructures importantes au sol et notamment un mât d’amarrage, le Hybrid Airship possède 3 coussins d’air munis de rotors, capables de soulever ou d’aspirer littéralement au sol le dirigeable. Ce dernier se comporte donc, pendant les phases de manœuvre au sol, de décollage ou d’atterrissage, comme un hovercraft, un véhicule à coussin d’air. Et comme un hovercraft, il peut évoluer à quelques mètres au-dessus du sol, mais aussi au-dessus de l’eau.

En vol, le Hybrid Airship atteint des altitudes de 3000m et possède une autonomie d’environ 2500 km sans ravitaillement (il est propulsé par des moteurs diesel), tout cela avec une capacité d’emport de 20 tonnes. Mais il y a plus étonnant. Car le talon d’Achille des dirigeables, ce sont les micro-déchirures de l’enveloppe (« pinholes ») et les fuites d’hélium. Pour y remédier, Skunkworks (encore eux) ont développé…un robot.

bum5

Baptisé Spider, ce dernier est présent en permanence sur l’enveloppe (en fait, il est composé de deux parties, l’une à l’extérieur munie de senseurs, et l’une à l’intérieur munie d’une source lumineuse brillante, reliées par une liaison magnétique). Comme une araignée, il parcourt le dirigeable (jusqu’à 3km chaque jour). Lorsqu’une anomalie est détectée (par une variation de la transparence), le robot est capable de la réparer en diffusant un adhésif à l’endroit de la micro-déchirure. Regardez ce film étonnant :

La recherche est collaborative : plusieurs robots sont disséminés sur la surface, et peuvent, le cas échéant, se synchroniser, se relever mutuellement ou communiquer. Et de toutes façons, les fuites ne sont pas un gros souci: le Vectran est très résistant, et si une fuite se produit, l’hélium étant stocké dans l’enveloppe à très basse pression, la seule pression de l’air ambiant suffit à le maintenir dans le dirigeable, en attendant l’arrivée du Spider.

Le Hybrid Airship est donc un concentré d’innovations, qui devrait déboucher sur une mise en service pour une version 20 tonnes d’emport en 2019. Les applications pour la défense sont nombreuses : surveillance, ravitaillement, emport de moyens de génie dans des zones difficiles d’accès (avec un coût d’heure de vol dix fois moindre que celui d’un hélicoptère), etc…

bum4

Car le programme était initialement un programme militaire, supposé fournir des moyens de surveillance notamment en Afghanistan. Aujourd’hui, c’est le civil qui tire cette activité chez Lockheed puisque la société vient de signer un contrat de 480 millions de dollars avec une société britannique, Straightline Aviation. Nul doute que le domaine de la défense se réappropriera rapidement cet étonnant engin.

 

strat4

Présenté au Salon du Bourget (SIAE) 2015, le StratoBus est un concept initié par Thales Alenia Space : il s’agit d’une plate-forme spatiale géostationnaire, autonome à partir d’une position fixe, et capable de réaliser des missions d’observation de longue durée (« longue endurance »). Quand on parle de longue durée, on se réfère ici à des missions de durée indéterminée (en l’espèce, des missions de 5 ans) dans la zone intra-tropiques, et de 6 à 8 mois dans les autres zones.

Physiquement, le StratoBus est un dirigeable de 100 mètres de long pour un diamètre de 33 mètres, en fibres de carbone, capable de porter une charge utile de 200kg, à 20 km d’altitude. Il disposera de 4kW de puissance embarquée.

strat2

Les missions ? Observation et surveillance de zone (imagerie, radar…), relais de télécommunications ciblé avec une couverture de 400 à 500 km de diamètre – dans le cadre d’opérations ou de catastrophes naturelles, cartographie… Le StratoBus devrait pouvoir être déployé en moins de 48h. Un objectif ambitieux de ce consortium qui, outre TAS, comprend  Zodiac Marine, le laboratoire LITEN (Laboratoire d’Innovation pour les Technologies des Energies Nouvelles et les nanomatériaux) du CEA, Air Liquide, ainsi que plusieurs PME, avec le soutien du pôle de compétitivité Pégase.

strat5

L’innovation réside également dans le moyen de capturer de l’énergie solaire et un dispositif d’électrolyse permettant de convertir de l’eau en gaz, un système de génération de l’énergie reposant sur le couplage entre des panneaux solaires et un système d’amplification de puissance, et une pile à combustible légère et réversible. Le revêtement, outre les fibres de carbone, comprendrait du polyéthylène afin de pouvoir intégrer des cellules photovoltaïques organiques. Un concentré de technologie, donc. La vidéo ci-dessous parle d’elle-même.

Mais un concentré potentiellement vulnérable aux tirs. Car un missile type air-air (même ancien) comme le AIM-54 Phoenix, utilisé par l’US Navy ou l’Iranian Air Force, possède une altitude de vol de 24km et un plafond opérationnel de 30km.

strat3

Un missile sol-air comme le S-75 Dvina / V-750 peut atteindre une cible à 25km d’altitude. Généralement, à de telles altitudes, on considère que l’interception est difficile car la cible est en mouvement rapide. Mais avec le StratoBus, on a une cible parfaitement immobile, et qui, même sans moteur, emmagasine de la chaleur. Un avion comme le SU-25 peut voler et manœuvrer à 14km d’altitude, reste ensuite au missile (par exemple un R60) à monter jusqu’à 20km, ce qui reste possible, surtout si la cible ne bouge pas.

Donc un concept intéressant, mais potentiellement vulnérable à une attaque sol-air ou air-air. Je laisse le soin aux lecteurs de commenter/compléter cette première et rapide analyse : si l’on fait un sondage rapide parmi ceux d’entre vous qui connaissent bien les missiles sol-air / air-air : quelle est la vulnérabilité d’une telle plateforme ?

Images (c) Thales, US Navy