Articles Tagués ‘TARDEC’

 

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Bon, pour une fois, je me suis fait coiffer sur le poteau par l’excellent blog OPEX360 qui a publié un article sur le même sujet. Du coup, je me permets quand même de publier celui-ci, qui complète l’analyse d’OPEX360 – mais voici également un lien vers leur article. Il faut être beau joueur.

Nous avons déjà parlé à maintes reprises de la fabrication additive (nom compliqué pour l’impression 3D), en rappelant qu’elle permettait aujourd’hui de réaliser des objets complexes, notamment des armes. D’un côté (le bon) cela permet d’envisager des unités de logistique avancées sur le théâtre d’opérations, capables de réparer, modifier, ajuster des composants ou pièces détachées. D’un autre (le mauvais), cela donne la capacité à ceux « d’en face » de disposer de moyens de réaliser des armes efficaces et intraçables. Rappelons qu’aujourd’hui, on n’imprime pas que du plastique, mais également du métal (titane, aluminium…) et même bientôt des organes…

L’US Army vient encore une fois d’enfoncer le clou (avec un très gros marteau), en annonçant le test réussi du RAMBO (on ne peut pas dire qu’ils n’ont pas d’humour) pour Rapid Additively Manufactured Ballistics Ordnance (!) soit arme balistique rapidement fabriquée par impression 3D. Oui, il fallait trouver l’acronyme…

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Il s’agit du résultat d’un projet de recherche collaboratif de 6 mois qui associait le RDECOM (Army Research, Development, and Engineering Command) le U.S. Army Manufacturing Technology (ManTech) Program et AmericaMakes, une entité visant à accélérer le développement des technologies de fabrication additive. Le défi était réel : le RAMBO est un fusil lance-grenades de 40mm fondé sur le modèle du M203A1, et composé de 50 pièces, qui ont toutes été fabriquées en utilisant l’impression 3D (à l’exception des ressorts). Et le but du programme n’était pas simplement de montrer que c’était possible, mais essentiellement de prouver la faisabilité d’accélérer considérablement le processus de transition entre le prototype de laboratoire et le produit utilisable sur le terrain.

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Pour le réaliser, différentes technologies d’impression 3D ont été utilisées. Ainsi, le canon de l’arme a été imprimé en 70h (plus 5h de finition), en utilisant la technique dite DMLS pour Direct Metal Laser Sintering (Frittage Laser Direct Metal en français) afin de réaliser l’impression en aluminium. Cette technique repose sur la fusion successive par laser de couches de poudre de métal, en l’occurrence de l’aluminium. C’est une technologie éprouvée, utilisée déjà en contexte de production – la vidéo ci-dessous illustre la technique.

 

L’arme est donc réalisée par une combinaison de différentes techniques d’impression 3D (ainsi, la gâchette est réalisée en alliage d’acier, alors que le canon est en aluminium). L’intérêt est également de pouvoir, directement pendant la phase de fabrication, générer le rayage interne du canon en même temps que ce dernier est « imprimé ».

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L’US Army a ainsi procédé à 15 tirs de test sans aucune dégradation de l’arme, et avec une vitesse initiale (sortie de la munition de l’arme) égale à 95% de celle de l’original. Le test a eu lieu à Picatinny Arsenal (New Jersey) en utilisant un déclenchement à distance (faut pas charrier quand même).Mais ce n’est pas tout : l’US Army a demandé pour ce test que les munitions elles-mêmes soient également imprimées par fabrication additive.

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Pour cela, deux autres centres de recherche du RDECOM ont été sollicités : le US Army Research Lab (ARL) ainsi que le US Army Edgewood Chemical and Biological Center (ECBC). La munition considérée était fondée sur la grenade d’entraînement M781 40 mm, utilisée pour ce même lance-grenade. C’est une munition d’entraînement à basse vélocité, qui produit une signature orangée à l’impact.

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Le processus s’est révélé complexe. L’enveloppe de la munition a bien été facilement imprimée en nylon et fibre de verre. Mais le corps du projectile d’entraînement, en zinc, a dû être imprimé par un autre procédé, le processus DMLS ne fonctionnant pas. Ils ont utilisé une imprimante 3D pour imprimer un moule en cire, et par la technique de la cire perdue, ont réussi à obtenir un moule en plastique correspondant au corps du projectile. Il a ensuite suffi de verser de la poudre de zinc en fusion pour obtenir la pièce recherchée.

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L’essai est visible dans la vidéo ci-dessous, ainsi que la fabrication de l’arme et des munitions:

Cette expérience montre l’intérêt d’un processus optimisé de fabrication additive pour accélérer la mise en service d’un prototype (tout en diminuant les coûts de fabrication). Cette démonstration s’avère être un succès. Reste bien évidemment à tester la résistance de l’arme, sa durée dans le temps, sa robustesse lors d’une utilisation réelle (les tests correspondants sont en cours).

Mais attention également à ne pas laisser partir « dans la nature » les plans de conception CAO de l’arme. Car demain, de tels processus seront démocratisés, et de nouveaux équipements moins onéreux seront à la portée d’un plus grand nombre. La vigilance s’impose donc, à la fois pour éviter que nos ennemis ne puissent « imprimer » leurs propres armes, mais aussi pour prévenir toute tentative d’intrusion qui permettrait à des hackers d’introduire d’invisibles défauts dans les armes ainsi générées. La course continue…

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Après la physique quantique, un article sur une technologie plus classique, mais néanmoins intéressante. On le sait, de nombreux développements technologiques militaires profitent d’innovations développées dans le monde civil (et réciproquement, citons par exemple le GPS, initialement un projet de recherche du ministère de la Défense américain, lancé par Richard Nixon). On appelle cela la dualité, et si tout n’est pas dual (nous y reviendrons un jour), certaines capacités recherchées par le monde militaire bénéficient des investissements réalisés dans le domaine civil. En particulier, l’automobile est un secteur qui a connu un développement technologique explosif ces vingt dernières années ; il n’est donc pas surprenant que de nombreuses innovations irriguent le monde de la défense.

Ainsi, le géant de l’automobile américain General Motors vient ainsi de dévoiler le Chevrolet Colorado ZH2, un « muscle car » à l’américaine, mais doté d’une toute nouvelle technologie de pile à hydrogène (d’où le H2 du nom). La bête fait 3 tonnes, 1m80 de hauteur, 2,13m de largeur, donc des mensurations plutôt impressionnantes. Pour la mouvoir, des pneus de 93cm et surtout une pile à hydrogène de 92kW qui, combinée à un système de type KERS (récupération de l’énergie cinétique lors du freinage) lui donne 174 chevaux immédiatement mobilisables, avec un couple impressionnant.

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Outre le côté écologique (après tout respectable), la technologie de pile à hydrogène possède plusieurs avantages. En premier lieu, il est très facile de produire de l’hydrogène (par exemple à partir de carburant conventionnel) ou d’autres sources d’énergie. Et la vitesse de recharge n’a rien à voir avec un véhicule électrique : en seulement 4 à 5 minutes, le réservoir est à nouveau rempli.

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D’un point de vue militaire, un véhicule à hydrogène possède de nombreux atouts : il est discret en termes de bruit et d’odeur, mais aussi de signature thermique, puisque le moteur et donc le véhicule est plus froid qu’un moteur traditionnel. Et rien n’empêche le conducteur de convertir son véhicule en générateur auxiliaire en utilisant la capacité de production d’électricité de la pile à hydrogène. Ni d’ailleurs de le convertir en point de ravitaillement en eau, résidu généré par le fonctionnement du moteur, qui combine hydrogène et oxygène et produit de l’énergie, et de l’eau.

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Le Colorado ZH2 doit être dévoilé lors du salon AUSA qui a lieu en ce moment. Pour le développer, GM a travaillé avec le TARDEC (U.S. Army Tank Automotive Research, Development and Engineering Center). Et ce n’est pas son coup d’essai : en juin, General Motors avait également dévoilé un drone sous-marin (UUV) développé avec l’Office of Naval Research, doté également d’une pile à hydrogène, aujourd’hui en essais.

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Pas d’autres informations aujourd’hui quant aux performances du ZH2 – mais l’annonce de ce développement a fait réagir le PDG de Tesla, Elon Musk, qui a annoncé lui aussi travailler sur des engins analogues, sans préciser si le monde militaire était lui aussi concerné. En ce qui concerne General Motors, la firme a d’ores et déjà précisé que la technologie développée dans le cadre du projet ZH2 serait adaptée pour le grand public d’ici 4 ans.