Archives de la catégorie ‘Energie’

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Bon, je sais ce que vous allez me dire : il a dit qu’il continuait son blog, et rien ne se passe… Effectivement, je plaide coupable. Depuis que j’ai rejoint le ministère, et l’Agence de l’Innovation de Défense, je suis un peu  à la traîne question blog. Je plaide coupable donc, mais cela ne peut que s’arranger.

Alors pour reprendre les bonnes habitudes, un petit article sur l’irruption de la technologie civile dans le monde opérationnel. Un exemple qui nous vient des Etats-Unis, mais ne vous inquiétez pas, à la fin de cet article (oui, je fais du teasing), vous verrez qu’en France, nous ne sommes pas en reste sur l’innovation de défense.

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Partons pour les USA, donc, et en particulier pour Quantico, lieu mythique des US Marines, qui comme chaque année, accueille l’exposition « Modern Day Marine ». Pendant trois jours, cette exposition présente les dernières tendances et derniers matériels au service du « marine de demain ».

En vedette cette année, le DS EZ Raider, un scooter électrique distribué par Mistral Inc. La bestiole ne pèse que 70 kilos, mais possède une capacité d’emport de plus de 200 kg. Il s’agit d’un scooter durci, aérotransportable, tout terrain et muni de 4 roues. Sa vitesse de pointe est de 70 km/h, ce qui est loin d’être ridicule. Un hélicoptère blackhawk peut transporter trois de ces bestioles.

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Donc du tout-électrique, capable d’assurer une fonction tactique élémentaire (pas de fonction militaire spécifique, mais un engin capable d’être projeté sur un théâtre, et immédiatement utilisable par n’importe quel soldat sans nécessité de formation spéciale). Reste à voir l’efficacité de l’engin et en particulier de ses batteries en environnement exigeant, désertique ou au contraire glacial. Une problématique qui n’est généralement pas la priorité des constructeurs civils.

A Modern Day Marine, on trouve aussi de la réalité augmentée – en l’occurrence les lunettes Hololens de Microsoft, utilisées lors d’une expérimentation par le Marine Corps Warfighting Lab. En l’occurrence, il s’agit d’entraîner les opérateurs de maintenance à s’entraîner à travailler sur un modèle virtuel 3D du 155mm Howitzer.

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Bon, franchement, je suis toujours un peu dubitatif sur la fonction « entraînement » de la réalité augmentée. Autant son utilisation pour de la maintenance à distance me semble apporter un réel avantage permettant à un opérateur non entraîné de faire appel à un expert, autant pour un entraînement, je suis assez réservé.

Le danger est en effet de faire de l’apprentissage négatif, c’est-à-dire d’apprendre de mauvais gestes ou de mauvais réflexes, dans la mesure où – en particulier – les retours haptiques ne sont pas reproduits. Le risque est encore plus grand en réalité virtuelle.

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Au show Modern Day Marine, on trouvait aussi un laser anti-drone développé par Boeing (et dont nous avions déjà parlé dans ce blog), le drone Bell V247 Vigilant (ci-dessus) que la société a l’intention de vendre au US Marine Corps ou encore le concept de 70mm FLETCHER capable de lancer des roquettes guidées, et destiné au combat asymétrique (ci-dessous).

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Une exposition intéressante, même si, d’après certains observateurs, il était difficile d’identifier un fil conducteur – une petite impression de « concours Lépine » du Marine, donc. Un écueil que nous nous efforcerons d’éviter (le teasing dont je parlais) lors du Forum Innovation Défense du ministère des armées.

Je vous donne rendez-vous du 22 au 24 novembre à Paris, pour une exposition ouverte au grand public, des animations inédites, des keynotes et ateliers passionnants et des démonstrations interactives, au cœur de Paris. De quoi me faire pardonner mon silence de ce dernier mois.

 

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Comme chaque année se tenait la semaine dernière le désormais incontournable rendez-vous de l’innovation à la DGA : le forum DGA Innovation auquel j’ai eu la chance d’assister (c’est un peu comme laisser un gamin dans un magasin de jouets, en ce qui me concerne). Je souligne l’excellente organisation de cet événement qui, une fois de plus, a permis de mettre en avant les travaux des chercheurs, des ingénieurs, voire les innovations imaginées par les opérationnels eux-mêmes, avec la présence de la MIP (Mission pour l’Innovation Participative) des armées.

Parmi les différentes thématiques, on trouvait entre autres les matériaux, la perception, la santé, la transformation digitale, les radars, la robotique (la liste n’est pas exhaustive), mais aussi une forte thématique sur l’énergie avec quelques innovations notables. Je suis forcé de faire un choix, voici donc mon « top 3 » sans ordre particulier.

On commence avec GENALT, un réseau électrique intelligent pour les camps d’OPEX, présenté par Engie Inéo. La problématique est la suivante : en OPEX (opérations extérieures), la production d’électricité sur les bases militaires est en majeure partie assurée par des groupes électrogènes (afin de conserver une autonomie par rapport aux autorités locales). Ces groupes nécessitent de grandes quantités de de carburants de plus en plus chers et difficiles à acheminer. GENALT est une « smart grid » : un système de gestion intelligent des énergies qui permet par le biais de dispositifs de stockage et d’énergies alternatives (solaire par exemple), de réduire la dépendance des armées aux carburants fossiles.

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Outre la complexité de gérer intelligemment les différentes sources de production d’énergie, GENALT doit être utilisable facilement ; les concepteurs ont donc conçu une IHM permettant de raccorder simplement les panneaux photovoltaïques ou les systèmes de production d’énergie éolienne, ainsi que les périphériques de stockage (batteries, volants inertiels…).

Le système permet d’acquérir et d’analyser les données électriques afin d’optimiser la consommation des groupes électrogènes (les premiers résultats montrent une économie de consommation de carburant entre 25% et 100%) tout en réalisant une optimisation énergétique du site. Ce projet de 24 mois a permis de mettre en place un démonstrateur sur la base Villars à Canjuers (voir ci-dessus) – ce démonstrateur sera testé en OPEX en 2018.

Toujours côté énergie et côté OPEX, on peut mentionner le projet SOLTHAIR réalisé avec la société H2P systems et Solution F. Il s’agit d’une centrale thermique solaire à concentration de 10kW déployable en OPEX. Le principe est original puisqu’il repose sur l’utilisation d’un moteur à air chaud (ci-dessous).

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La société H2P a en effet développé un dispositif de récupération d’énergie à partir de la chaleur moteur. Ce procédé est basé sur un cycle thermodynamique (qui fait l’objet d’un brevet) qui récupère de la chaleur pour la convertir en puissance mécanique sans entraîner une consommation de carburant supplémentaire. La vidéo ci-dessous explique le concept.

Dans le cas du système SOLTHAIR, c’est une centrale solaire transportable en container qui permettra de chauffer l’air dans le moteur H2P, entraînant la génération d’une puissance mécanique pouvant activer un alternateur. Evidemment, le principe réserve l’utilisation de ce système aux OPEX dans des pays connaissant une forte insolation, mais…en gros, c’est le cas dans la majeure partie des OPEX actuelles.

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Enfin, si vous vous rappelez de cet article, nous avions déjà parlé des piles à combustible permettant de générer de l’hydrogène à la demande par hydrolyse de borohydrure. Cette fois-ci, le projet MORPHY développé avec SAFRAN Electronics & Defense et la société MAHYTEC (respectivement Caroline Senzier et Pascal Robinet) vise à développer un système de stockage d’hydrogène, qui, combiné la pile SESAME II, pourra alimenter le fantassin en énergie électrique.

L’innovation réside tout d’abord dans la nature du système de stockage. En l’occurrence, les concepteurs ont développé un système de stockage solide fondé sur l’utilisation d’un hydrure métallique adapté aux conditions thermiques et de pression.

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Il s’agit d’un système rechargeable facilement, et surtout dans un facteur de forme modulaire, une structure souple que l’on voit dans les différentes photos, agrégeant différents modules de stockage. En termes de sécurité, il s’agit d’un système à basse pression, qui élimine les risques évidents à stocker de l’hydrogène haute pression sur un combattant (pas une bonne idée, en effet).

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Lors du forum, un prototype était présenté, et permettait de recharger un smartphone sans aucun problème (pour info, non ce n’est pas le nouveau logo de Safran :)). On se dirige donc vers un système complet permettant de contribuer à une augmentation d’autonomie en énergie du fantassin en tenant compte de l’ensemble du contexte de ses missions.

Suite de la visite du forum dans de prochains articles…