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Qu’il s’agisse de bateaux militaires ou de navires civils (en particulier de navires de croisière), la détection de la chute d’un passager par-dessus bord devient une question plus que prioritaire dans le monde naval. A l’heure où se tient à Paris le salon Euromaritime, voici donc un petit zoom sur une technologie prometteuse baptisée MOBtronic, développée par MARSS, une société monégasque, technologie qui m’a été récemment présentée. Un petit mot en premier lieu sur le contexte.

En 2010, les US Coast Guards ont mis en vigueur le CVSSA Cruise Vessels Security and Safety Act pour combattre le crime à bord des navires de croisière et mettre en place un suivi de ce phénomène en toute transparence. Les navires de croisières soumis cette juridiction sont ceux qui peuvent accueillir plus de 250 passagers pour une navigation hauturière et les embarquent ou les débarquent aux Etats-Unis (soit environ 150 navires dont la moitié sous pavillon étranger). Le CVSSA mentionne que ces navires « doivent intégrer une technologie qui puisse être utilisée pour capturer les images des passagers ou détecter les passagers qui sont tombés par-dessus bord dans la mesure où une telle technologie est disponible ». Cette formulation peu contraignante a conduit la plupart des armateurs à se reposer sur leur circuit de vidéosurveillance et à considérer que la technologie n’était finalement pas disponible.

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Pourtant, de récentes tragédies (par exemple le décès de Cameron Smook, un étudiant de 21 ans passé par-dessus-bord lors d’un voyage aux Bahamas à bord du Carnival Glory, dont les images de la chute ont été capturées par la vidéosurveillance) montrent qu’il est nécessaire de disposer d’une technologie fiable, et surtout rapide et automatisée. Le nombre d’incidents à bord des navires de croisière est sujet à controverse (on parle d’une vingtaine de cas par an, mais les associations de victimes et les armateurs ne s’accordent pas sur les chiffres), mais une chose est sûre : entre les cas connus dans le monde civil et les accidents non documentés à bord des bateaux militaires, une technologie de détection automatique n’est plus un luxe mais une nécessité.

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Car la vidéosurveillance a ses limites : les caméras doivent être supervisées à tout moment, elles ne sont pas placées aux endroits les plus susceptibles de constituer un risque, et ne fournissent généralement que des images destinées à fournir des informations à la police après que l’incident a eu lieu.

Le système MOBtronic de MARSS a pour objectif de déclencher automatiquement, sans supervision humaine, une alarme dès qu’un accident se produit.  MOB étant l’abréviation en anglais de « man over board » (homme à la mer), le système est conçu pour automatiquement détecter, qualifier l’accident, alerter l’équipage dès qu’un humain passe par-dessus bord, tout en conservant une capacité de suivi (« tracking ») afin de localiser l’homme à la mer et de faciliter les opérations de secours.

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Le système repose sur le placement de stations multicapteurs disposées de manière optimisée sur le pourtour du bâtiment à surveiller. L’idée, c’est de maximiser la redondance, c’est-à-dire de s’assurer que toute chute puisse au minimum être observée par 2 stations. Chacune de ces stations (durcies pour pouvoir résister aux conditions de mer, aux chocs, aux vibrations) intègre des micro-radars et des dispositifs de capture d’image (en multispectral). Outre la conception de ces stations, le système repose sur des algorithmes propriétaires de traitement du signal afin de qualifier la détection de manière optimale. C’est d’ailleurs toujours la problématique de ce type de systèmes : ne pas faire de silence (détecter la quasi-totalité des incidents) mais également minimiser le bruit (ne pas alerter l’équipage à tout bout de champ, ce qui le distrairait de ses tâches principales).

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La décision de déclencher une alarme repose ici sur une hiérarchie à cinq niveaux : analyse des signaux radars (détection et suivi de la chute), confirmation de la détection radar par d’autres senseurs indépendants, analyse comportementale de l’objet (fondée sur la vitesse et la direction de chute, la forme de l’objet…) et confirmation par une analyse image fondée sur la signature infrarouge de l’objet (ce qui permet de détecter les signatures thermiques caractéristiques d’un humain). A ce point, une alarme est déclenchée, et l’équipage doit confirmer la réalité de l’accident en rejouant les images de capture vidéo. Pendant ce temps, le système continue de suivre l’objet, ce qui permet (dans le cas où il s’agit bien d’un homme à la mer) de diriger les opérations de sauvetage. Le système peut également s’interfacer avec les systèmes de gestion de la passerelle. La localisation du point de chute est précise au mètre près. L’acquisition des données et leur analyse sont en partie réalisées localement, par chaque station.

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L’idée vraiment originale, c’est d’arriver à coupler détection radar et analyse d’image, ce qui permet de discriminer entre, par exemple, la chute d’un adulte, d’un enfant, ou le plongeon d’un oiseau de mer. Les concepteurs ont ainsi maximisé l’efficacité du système en adoptant une approche intégrée multicapteurs, là où les systèmes concurrents ont tendance à ne reposer que sur une seule et unique technologie.

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Une intégration de technologies originale, qui a déjà montré son efficacité impressionnante lors des tests : 95% de probabilité de détection (avec un taux d’activation erronée inférieur à 0,3 sur une période de 24h). La campagne de test a déjà accumulé des données sur 22 000 heures de fonctionnement, les tests ayant été réalisés sur des mannequins (plus de 1400 tests) mais également sur des humains « en saut à l’élastique » (200 tests), et ce dans toutes les conditions (jour, nuit, mer calme ou agitée, météo clémente ou tempête). Les chutes se produisant dans toutes les configurations, le système a montré qu’il restait fiable pour des mers agitées (jusqu’à 7) et des vitesses de vents de 50 nœuds (soit environ 100km/h).

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Un système réellement novateur, donc, qui pourrait être adapté à d’autres besoins : détection d’incendie, tentative d’abordage (lutte anti-piraterie), ou même surveillance d’un périmètre, dans des applications militaires terrestres.

Les lecteurs intéressés peuvent directement m’écrire, je transmettrai aux concepteurs (je rassure, je n’ai aucun lien commercial avec la société).