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Décidément, l’intelligence artificielle est à la mode. Aujourd’hui, l’actualité est celle d’un projet commun entre l’université de Cincinnati et la société américaine Psibernetix. Et pas de Google ni de Facebook. Je reviendrai d’ailleurs dans un futur article sur les réelles promesses et les limites de ce concept marketing que l’on appelle « deep learning » et qui remet au goût du jour une technique de réseaux de neurones datant… des années 50. Mais ce sera pour plus tard, puisqu’ici, il ne s’agit pas de réseaux de neurones ni de deep learning mais d’une technique plus récente (mais des années 1960 quand même…).

De quoi s’agit-il ? D’un article publié dans le « Journal of Defense Management », présentant le système ALPHA, développé par la société Psibernetix à partir des travaux d’un chercheur nommé Nicholas Ernest, et qui a réussi à battre un pilote (retraité) de l’US Air Force, le Colonel Gene Lee, dans plusieurs combats simulés.

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On en parle pas de « dogfighting » (combat tournoyant) mais de tactiques, techniques et procédures aériennes nourries par les informations obtenues par les différents capteurs de chaque aéronef, et qui sont adaptées en temps réel par ALPHA. La technique d’intelligence artificielle sous-jacente repose sur une combinaison de logique floue et d’algorithmes génétiques. Pour faire simple : la logique floue est une technique de modélisation du raisonnement, dans laquelle les règles logiques ne sont pas « vraies » ou « fausses » mais peuvent prendre toute valeur entre « complètement vraies » et « complètement fausses » (je simplifie, bien entendu). Les algorithmes génétiques, quant à eux, cherchent à trouver la solution d’un problème en le modélisant sous forme d’une « population de solutions », dont les plus adaptées se recombinent entre elles sur le modèle de l’évolution, afin de cribler en parallèle tout l’espace de recherche, puis de converger vers une solution adaptée, génération après génération (là encore, je simplifie à outrance).

ALPHA repose donc sur une combinaison de ces deux techniques, mais surtout, sur la possibilité de décomposer des problèmes complexes en problèmes plus simples, capables de fonctionner sur de petits processeurs comme ceux des ordinateurs de bureau, ou de processeurs de type « raspberry pi ». Avec une capacité d’adaptation à la microseconde.

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ALPHA a été testé dans un exercice de tactique aérienne opposant des « agresseurs » rouges, ne disposant pas de couverture AWACS et dotés de missiles à courte portée, à des avions « bleus » dotés de missiles à plus longue portée, et d’une protection AWACS. ALPHA a commencé par s’entraîner contre lui-même, avant de se confronter à un programme d’IA développé par le US Air Force Research Lab. Il s’est ensuite opposé au Colonel Lee, un expert du domaine, ancien « USAF Air Battle manager », instructeur au sein de l’école de combat aérien, et lui-même pilote de chasse chevronné.

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Le résultat : dès que le Colonel Lee a pris manuellement le contrôle d’un avion bleu, il s’est fait battre à plate couture par ALPHA, capable d’exploiter de manière remarquable les données remontées par les capteurs de chaque appareil, et les erreurs de pilotage du colonel. D’après ce dernier, ALPHA est « l’IA la plus agressive, dynamique, adaptative et crédible jamais développée ».

Selon ses concepteurs, ALPHA pourrait être utilisée dans un mode de combat human/machine team, c’est-à-dire pour contrôler une escadrille de drones escortant des avions pilotés. Sa capacité de contrôle et d’adaptation à la microseconde en font en tout cas un candidat très crédible pour une telle tâche.

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Cette image est moins spectaculaire qu’à l’ordinaire, mais elle est rare. Elle montre l’écran d’un contrôleur aérien « aggressor » (chargé de diriger la force adverse – FORAD – lors d’exercices d’entraînement au combat) utilisant le système « air combat maneuvering instrumentation system (ACMI) » sans doute fusionné avec des données radar.

Ici, lors d’un exercice « Red Flag » à Nellis AF Base, on voit distinctement une zone rouge interdite correspondant à la célèbre « Aera 51 »… dans laquelle on distingue trois aéronefs non identifiés. Cette zone est l’espace aérien le plus protégé du monde – on l’appelle « the Box » ou « dreamland » et aucun pilote de l’USAF, même expérimenté, n’a le droit d’y rentrer sauf autorisation. C’est ici que sont testés les futurs aéronefs de l’US Air Force, dans la droite lignée des mythiques F117, F22, SR 71 « blackbird » ou encore U2.