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Une étude américaine pilotée par le chercheur Jason Lyall de l’Université de Yale vise à utiliser des techniques de « big data » pour surveiller et prédire l’humeur et le comportement de populations villageoises au cœur des provinces du sud de l’Afghanistan.

Rappelons que le big data désigne des techniques (autrefois appelées Business Intelligence) et regroupant des technologie d’architecture et d’infrastructure pour le stockage et le traitement de grands volumes de données, et les techniques analytiques d’exploration, de visualisation, et d’analyse (descriptive, explicative, prédictive) de ces données. Le « machine learning » n’est qu’une partie de ces techniques, qui comportent également des techniques mathématiques statistiques. Une excellente demi-journée sur le sujet a été organisée par le groupe ADIS  sous la responsabilité du COL Tard de l’EMA, le 1er avril dernier.

L’étude de Yale a montré que les villages les plus pro-américains avaient davantage de chance de déclencher des attaques de représailles des Talibans (on ne peut pas vraiment être surpris), mais qu’en faire des cibles ne suffisait pas à convaincre les villageois de coopérer en termes de renseignement, notamment pour révéler des caches d’armes ou des positions d’IED (engins explosifs improvisés).

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Mais au-delà de cette tendance, l’analyse – et c’est là son intérêt – a montré un caractère prédictif. En analysant les données (niveau de soutien aux talibans, niveau de soutien à l’ISAF, violences passées, localisation des bases militaires et des projets humanitaires) et en surveillant (à l’aide de micro-sondages composé de questions préétablies) 2754 individus de 204 villages afghans différents, le big data a permis de prédire les attaques à bases d’IED dans un périmètre de 15km autour de chaque village pour les prochains 10 mois.

Ainsi, un village modéré dans son soutien aux forces américaines subirait en moyenne 13 attaques de plus qu’un autre village, opposé à l’ISAF et aux USA. En extrapolant l’étude à 14606 villages supplémentaires, les prédictions d’attaques à base d’IED ont été améliorées de 30% par rapport aux techniques classiques.

La technique de l’analyse de micro-sondages a été extrapolée par une autre équipe de Yale (dirigée par Robert Blair) au Libéria pour tenter de fournir une prédiction des meurtres et viols dans ce pays. Le modèle mis au point en Afghanistan a permis de prédire correctement 88% des violences, en utilisant cinq variables (l’article étant en cours de revue, les données ne sont pas encore disponibles). L’une d’entre elle est l’existence d’accords de partage du pouvoir entre minorités ethniques et gouvernance locale.

Cette équipe a monté un consortium : Early Warning-Early Response (EWER) pour détecter et prédire des évènements dangereux dans la région. Cliquez sur la carte ci-dessous pour arriver au portail LERN (interactive Liberia Early-Warning and Response Network) et voir les résultats de cette analyse.

LERN

Ces travaux montrent l’intérêt de l’utilisation de techniques de Big Data, en illustrant tout à la fois leur potentiel (comportement prédictif du modèle) et leurs limites (besoin de données historiques, conclusions parfois peu éloignées du « bon sens commun »). Leur extension et extrapolation nécessitera un choix judicieux des données et de l’infrastructure, mais surtout des techniques et outils de modélisation et d’analyse. Sans oublier (comme l’a montré l’exposé de la société SûretéGlobale le 1er avril dernier) des  techniques de visualisation pertinentes et judicieusement choisies.

Images (c) LERN, Défense Nationale